La Sonatrach fait partie des grandes compagnies pétrolières et gazières mondiales. A l’image des majors, la compagnie nationale des hydrocarbures cherche à se développer à l’international et pense aux énergies renouvelables et aux biocarburants.
Sur les marchés extérieurs, la Sonatrach devra affronter une forte concurrence de la part de grandes compagnies qui maîtrisent la technologie. Forte de son monopole partiel sur les champs pétroliers et gaziers du pays et renforcée par la nouvelle loi sur les hydrocarbures, la Sonatrach est confrontée aux départs de ses cadres de haut niveau. Ce qui compromet sérieusement ses projets de devenir un géant pétrolier riche par les recettes pétrolières et fort par sa ressource humaine, principale force de ses concurrents. Dans cet entretien, le PDG de Sonatrach Mohamed Meziane trace les grands axes de la politique de développement de sa compagnie, évoque l’accord avec Gazprom et la nouvelle politique salariale de l’entreprise.
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Le Quotidien d’Oran: Monsieur le Président, la Sonatrach commercialise directement du gaz en Angleterre et s’apprête à le faire en Espagne et en Italie. Pouvez-vous nous éclairer davantage sur les projets de votre compagnie dans la commercialisation du gaz en Europe ?
Mohamed Meziane: Nous sommes présents sur le marché européen de la distribution du gaz depuis plusieurs années. On était présent dans la commercialisation du brut, produits pétroliers, GPL, GNL, à travers nos filiales. Dans le cadre de notre stratégie de développement de nos activités, notamment en Europe, nous voulons aller plus en aval. C’est ainsi que nous avons pris une réservation de capacité sur un terminal en Angleterre. Dans ce cadre, nous avons créé la Sonatrach de commercialisation de gaz et nous avons commencé depuis 2005 à opérer sur le marché anglais de gros de commercialisation du gaz.
 Nous avons lancé une société de commercialisation de gaz en Espagne. Nous avons deux gazoducs vers ce pays, le Transmed et le Medgaz qui va venir bientôt. La quantité de gaz que nous allons commercialiser directement en Espagne avoisine les deux milliards de m3 par an. Il faut dire aussi que nous sommes en Espagne à travers une société en partenariat avec Cepsa et Total. Nous avons 10% dans le terminal en construction de Reganosa au nord de l’Espagne.
 En Italie, une société de commercialisation est en cours de création pour commercialiser notre part de transport de gaz dans le Galsi et aussi si on a une capacité à travers le Transmed, pour la partie du gaz qui nous reviendrait.
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Q.O.: Comment Sonatrach va faire concrètement sur le terrain pour commercialiser du gaz ?
M.M.: Sur ces pays, nous allons opérer sur le marché de gros, c’est-à-dire vendre à des clients importants. L’intérêt de vendre directement du gaz en Europe est de capter la plus-value de l’aval. Il y a une plus-value entre le prix du gaz à l’export et celui du marché.
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Q.O.: Après l’Angleterre, l’Espagne et l’Italie, est-ce que vous avez d’autres projets similaires en Europe ? En France, par exemple ? Peut-on savoir si cela fait partie des négociations actuelles entre Sonatrach et Gaz de France ?
M.M.: Nous espérons nous installer dans d’autres pays européens.
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Q.O.: L’accord entre la Sonatrach et Gazprom a soulevé et continue de soulever des inquiétudes en Europe. Ces craintes sont-elles justifiées ? Qu’y a-t-il de spécial dans cet accord ?
M.M.: Il n’y a pas lieu de s’inquiéter sur l’accord entre Sonatrach et Gazprom. Nous avons signé un mémorandum avec Gazprom, mais aussi Loukoil et avec d’autres compagnies étrangères comme Shell et British Gas. Pourquoi on parle uniquement de Gazprom ? Il n’y a rien de spécial dans notre accord avec Gazprom, cet accord concerne la coopération à l’international, la recherche d’opportunités d’investissement, de partenariat sur des projets concrets. Exactement le même accord qu’avec d’autres compagnies.
 Il n’y a ni entente sur les prix, ni création d’une Opec du gaz. Tout ce que a été dit sur ce sujet est faux. Nous faisons seulement du business. En plus, il ne faut pas oublier que Gazprom a sa stratégie et c’est notre concurrent en Europe. Je reviens à Sonatrach et l’Algérie, nous sommes en train de développer deux gazoducs pour sécuriser le marché européen, le Medgaz et le Galsi. Et c’est Sonatrach et l’Algérie qui poussent pour la réalisation de ces gazoducs.
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Q.O.: La Sonatrach ne veut plus se contenter du rôle de simple producteur et exportateur de pétrole et de gaz. Elle veut développer l’aval et la pétrochimie. Pouvez-vous nous expliquer votre plan de développement dans ces domaines et les principaux projets ?
M.M.: le développement de l’aval et de la pétrochimie fait partie de la valorisation de notre matière première. Il y a une dizaine de projets que nous allons réaliser en partenariat avec des groupes étrangers. Le partenariat est une option stratégique qui va permettre à Sonatrach de s’allier avec des partenaires qui ont la technologie et le marché. A travers nos projets, nous ciblons les marchés européen, américain et asiatique.
 Ces projets tournent autour de la production de méthanol, des engrais, de polymères, valorisation du fuel. Il y a également la construction d’une raffinerie de pétrole de 15 millions de tonnes à Tiaret pour mieux valoriser le pétrole et assurer la disponibilité du produit dans une zone stratégique pour le développement des Hauts Plateaux algériens. L’excédent sera commercialisé à l’étranger. Il y a plus de trente consortiums internationaux qui sont intéressés par ces projets. Nous sommes en phase finale d’alignement technique. Le choix des partenaires se fera très bientôt à partir de début 2007.
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Q.O.: A l’image des grandes compagnies pétrolières, la Sonatrach ambitionne de s’internationaliser pour y réaliser 30% de son chiffre à l’horizon 2015. Pouvez-vous nous parler de votre présence à l’étranger et expliquer comment votre compagnie compte parvenir à réaliser cet objectif ?
M.M.: Notre stratégie de développement à l’international repose essentiellement sur la recherche d’opportunités d’investissement dans l’optique de valoriser notre matière première. Notre objectif est d’assurer une production équivalente de 120.000 b/j à l’horizon 2015, à travers nos activités à l’international, dans le développement de réserves. Nous sommes présents en Libye à travers un bloc de recherches, au Niger, au Mali, nous travaillons en Mauritanie, nous sommes au Pérou où il y a déjà une production de gaz et de condensat. Nous sommes également à Tarragone en Espagne à travers l’unité de déshydrogénation et nous avons des mémorandums pour deux terminaux sur la côte Est des Etats-Unis.
 Dans le plan de développement 2007-2011, les investissements de Sonatrach seront de l’ordre de 33 milliards de dollars. Cet argent servira au développement de l’aval, l’amont et les canalisations. C’est-à-dire toute l’activité de Sonatrach. Je répète que tous les projets se feront en partenariat.
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Q.O.: D’un côté, la Sonatrach veut s’internationaliser et devenir un acteur mondial dans le secteur de l’énergie. De l’autre, votre compagnie est en train de perdre des cadres de haut niveau qui partent travailler dans des compagnies étrangères. Que fait la Sonatrach pour garder ses cadres ? Y a-t-il une nouvelle politique salariale ?
M.M.: Le problème des perditions des cadres se pose à l’échelle internationale et concerne toutes les autres compagnies. Il n’est pas spécifique à Sonatrach. Aujourd’hui à l’université, il y a un phénomène inquiétant, c’est que les jeunes sont moins intéressés par le secteur énergétique, mais plutôt attirés par le secteur des services. Ce qui a créé un déficit en jeunes cadres. Nous avons aussi beaucoup de départs en retraite. La déperdition en matière d’experts existe, mais elle n’est pas aussi catastrophique qu’on le présente. Il y a des gens qui sont attirés par des rémunérations intéressantes de ces emplois d’experts, c’est comme ça qu’on a perdu des gens dans le forage. Et là, je voudrais juste ouvrir une parenthèse pour dire que cela signifie et montre que l’expertise algérienne existe. Elle est demandée, recrutée, soudoyée. C’est pour cela qu’il y a des départs, c’est pour aussi cela que j’ai signé une directive ressources humaines. Notre objectif est de renforcer notre action en matière de formation, préparation de la relève et couvrir nos besoins en matière de cadres. L’autre élément important, c’est la rémunération de l’expertise. Il y a tout un programme qui a commencé par la rétribution des gens qui ont créé la richesse, avec une prime intéressante. La révision du système salarial pour rétribuer l’expertise, la performance. Ce système est en cours de réalisation et aboutira bientôt.
 La ressource humaine est celle qui crée la richesse, c’est pour cela qu’on lui donne toute cette importance. Nous voulons aussi la renforcer dans le cadre de l’optimisation et la stabilité. Parce que la rémunération n’est pas le seul élément qui rentre dans la gestion de la ressource humaine. Ce sont aussi tous les à-côtés que la Sonatrach donne en matière sociale, de médecine, considération, formation, communication, stabilité et sécurisation. C’est tous ces éléments qui doivent être intégrés pour donner un cadre de vie professionnel et serein. La Sonatrach offre les meilleurs avantages sociaux et c’est très important. Ce n’est pas une comparaison avec la traite d’esclaves, mais les compagnies étrangères font travailler les gens au maximum et les lâchent ensuite, ce n’est pas le cas de Sonatrach, une entreprise nationale. L’entreprise étrangère utilise l’expert, un an, deux ans, puis le remplace par un autre.
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Q.O.: La nouvelle loi sur les hydrocarbures oblige la Sonatrach à prendre au moins 51% de participations dans tout projet d’exploration, de recherche et de développement. Cela signifie que votre compagnie prendra plus de risques dans les investissements. Est-ce que c’est une bonne ou une mauvaise chose pour votre compagnie ?
M.M.: Sonatrach est une entreprise nationale, avec l’Etat comme seul actionnaire. La Sonatrach applique les lois et gère ses nouvelles missions en tant que société commerciale à vocation économique.
Posté Le : 02/12/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : Entretien Réalisé Par Hamid Guemache
Source : www.quotidien-oran.com