Nous ne sommes pas disposés à participer à un processus de cession visant
à nationaliser Djezzy à un prix significativement sous-évalué et nous
n'accepterons aucun processus d'évaluation unilatéral et notamment un processus
qui prendrait prétexte du traitement abusif infligé par le gouvernement à la
société pour réduire la valeur de Djezzy.»
C'est ce qu'a affirmé Naguib
Sawaris dans une longue lettre qu'il a adressée le 2 novembre dernier au
Premier ministre avec copie aux ministres des Finances, de la Poste et des
Technologies de l'information et de la communication (MPTIC) ainsi qu'au
Gouverneur de la Banque d'Algérie (BA). «Nous faisons suite aux développements
alarmants concernant Djezzy survenus récemment en Algérie et plus
particulièrement en relation avec les déclarations faites le 31 octobre 2010
devant l'Assemblée nationale (…)», a-t-il commencé par lui dire.
«Le gouvernement a affirmé son intention de nationaliser Djezzy et de
racheter la société quels que soient les obstacles», écrit le patron du groupe
Orascom Télécoms Holding (OTH) en référence aux déclarations d'Ahmed Ouyahia
devant l'APN. Le signataire de la lettre rappelle en même temps ses inquiétudes
relatives à l'obligation faite par le gouvernement algérien à Djezzy et à OTH «
de payer de prétendus arriérés d'impôt d'un montant d'environ 230 millions de
dollars, nonobstant toute procédure d'appel administratif et judiciaire ; 190
millions de dollars à la Banque d'Algérie en tant que pénalités, bien qu'aucune
amende n'ait été imposée ; de prétendues dettes à l'ARPT dont le montant et la
nature sont indéterminés ; les réclamations d'anciens employés du Consortium
algérien de télécommunications (CAT) pour lesquelles Djezzy n'est ni
responsable ni redevable et 20% de la plus-value sur la vente forcée de
Djezzy». Il estime que le gouvernement a pris la décision de faire payer Djezzy
«avant jugement». Son exemple entre autres, le paiement de pénalités que lui
exige la BA en raison, disent ses responsables, de sa transgression de la
législation des changes. « Cette affaire fait toujours officiellement l'objet
d'une enquête judiciaire», écrit-il. Ce qui, ajoute-t-il, « confirme nos doutes
quant à l'impartialité et la justice des procédures administratives et
judiciaires locales (…) et sur la possibilité de Djezzy de faire valoir ses
droits devant les tribunaux algériens».
Sawaris entre inquiétudes et menaces
Le patron d'OTH affirme « contester tout droit du gouvernement algérien
de forcer OTH à vendre Djezzy et la base sur laquelle le gouvernement s'appuie
pour se prévaloir d'un tel droit demeure obscure». Il note que «s'il s'agit
d'une expropriation pure et simple, celle-ci doit se faire dans le respect,
entre autres, des conditions de droit international public (…).» Le patron
d'OTH dit au Premier ministre que « vos commentaires devant l'Assemblée et les
récentes spéculations de la presse confirment nos craintes d'assister à un
processus de vente forcée de Djezzy à un prix considérablement sous-évalué
(…)». Sawaris reproche au gouvernement algérien de laisser les choses traîner
en longueur dans le but, selon lui, de « compromet tre davantage la valeur et
la viabilité de Djezzy». « Les négociations avec OTH ne commenceraient pas
avant l'année prochaine», aurait été la déclaration faite par le MPTIC, Moussa
Benhamadi, qui l'a poussé à faire une telle remarque. «Le réseau de Djezzy est
au bord de l'effondrement en raison des actions du gouvernement à son encontre»,
souligne Sawaris. Il dénonce ainsi «l'effort délibéré et concerté du
gouvernement afin d'empêcher Djezzy d'effectuer tout transfert hors d'Algérie
(…).» Ce qui, disent certaines sources, aurait empêché OTH de s'approvisionner
en cartes SIM et en équipements pour la maintenance de son réseau «puisqu'il
est interdit de domiciliation au niveau des banques algériennes». Il estime que
«cette interdiction devrait être levée en raison du paiement par Djezzy (sous
réserves de contestation) de toutes les taxes injustes et discriminatoires
imposées jusqu'à cette date». Sawaris dit aussi à Ouyahia «encore une fois,
nous avons défendu et continuerons à défendre notre réputation et l'intégrité
des dirigeants de notre société, comme démontré par notre contestation continue
des redressements et pénalités injustifiés imposés à Djezzy pour les exercices
2004-2007 (une période où la société était exempte de TVA)»
L'arbitrage international «sans autre préavis»
Il lui fait savoir qu'il « se réserve le droit de recourir à l'arbitrage
international conformément aux dispositions de l'article 7 de l'accord, et ce
sans autre préavis, pour obtenir réparation». Il lui dit que « l'ingérence du
gouvernement a causé des pertes significatives à OTH et à ses actionnaires (…),
pour le gain manqué, et sur les actions d'OTH en affectant gravement ses
obligations financières et celles de ses actionnaires.» Il a tenu à lui
rappeler qu'«encore une fois, nous avons toujours respecté les dispositions du
droit algérien». Sawaris va loin dans ses explications en soulignant que
«jusqu'à ce jour, nous avons estimé préférable de ne pas répondre publiquement
aux déclarations et attaques (telles que citées par la presse locale et
internationale) par peur de représailles supplémentaires de la part du
gouvernement (…).» Cependant, continue-t-il d'écrire, «nous ne pouvons plus
rester silencieux devant ces déclarations et attaques injustes faites et/ou
reprises dans la presse».
Il rappelle ainsi que «comme le
gouvernement le sait parfaitement, OTH n'a pas eu d'autre choix que d'accepter
d'entrer en négociations avec votre gouvernement suite aux actions multiples et
prolongées délibérées à l'encontre de Djezzy et le blocage de la cession à MTN
en raison de la promulgation abusive par l'Etat d'une législation supposée
créer des droits de préemption à sa propre faveur». Son accord de négocier
cette cession a, note-t-il, «toujours été conditionné à ce qu'elle soit basée
sur des négociations de bonne foi et sur la juste valeur de Djezzy, selon des
critères internationalement reconnus (…).»
Le patron d'OTH note pour rappel qu'il n'a eu de cesse «de porter à
l'attention de l'Etat la plupart des mesures de traitement abusif infligées
depuis 2008 et par écrit (voir nos lettres adressées au gouvernement en date du
17 août 2008, 23 novembre 2009, 28 mars 2010 et 8 septembre 2010». Il souligne
surtout que toutes ces mesures «sont contraires entre autres aux articles 3 et
6 de la Convention d'investissement du 5 août 2001 et au droit international, y
compris entre autres aux articles 3, 4, 5 et 6 de l'accord entre les
gouvernements algérien et égyptien sur l'encouragement et la protection
réciproques des investissements signé le 29 mars 1997 et entré en vigueur le 3
mai 2000.»
Les «exploits» de Djezzy
Djezzy, écrit Sawaris, «est le premier opérateur GSM privé en Algérie,
s'est vu attribué une licence en juillet 2001 contre la somme de 737 millions
de dollars, plus de 60% supérieure à la mieux-disante des autres offres. Elle a
lancé son réseau en février 2002 et est devenu la plus grande société
algérienne hors hydrocarbures. Djezzy a investi plus de 3 milliards de dollars
dans les actifs à long terme et payé plus de 2,1 milliards de dollars sous
différentes formes d'impôts et taxes, sans compter les redressements fiscaux
2004-2007(…).» Il dit que «Djezzy a contribué à démocratiser les services GSM
et à développer les infrastructures algériennes des télécommunications et des
technologies de l'information. Son réseau couvre l'ensemble des 48 wilayas algériennes
utilisant près de 7500 stations GSM. Elle a installé plus de 1700 km de fibre
optique et plus de 3300 km de fibre optique sous-marine pour connecter
l'Algérie et la France.» Djezzy, note-t-il encore, «a créé plus de 4000 emplois
directs en Algérie et plus de 90.000 autres indirects auprès de sociétés
partenaires (…). Elle a fourni plus de 1.000.000 d'heures de formation par un
partenariat avec 10 des plus grandes universités algériennes.»
Sawaris dit demander «instamment une dernière fois à l'Etat, soit de
mettre fin une fois pour toutes à l'ensemble des mesures illégales, soit de
permettre à Djezzy de fonctionner normalement, soit de payer la juste et
entière de la valeur marchande de l'entreprise».
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Posté Le : 10/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com