Plongée ci-contre dans les entrailles de la Place des Martyrs à Alger où l'élan du métro (cela dit relatif, considérant la durée du chantier) s'est arrêté sur le «noyau dur» de l'histoire de la ville, là-même où se concentrent, en couches sédimentaires, ses premiers épisodes antiques et médiévaux. Image saisissante du rapport entre la vitesse supposée du présent et l'immobilisme supposé du passé. Il n'y a pas eu ici de télescopage, les intérêts de l'un et de l'autre ont débouché sur un modus vivendi que l'on peut résumer en une vaste opération d'archéologie préventive et un beau projet de station-musée.Il n'en a pas toujours été ainsi. Par deux fois, dans la même zone, mais dans les années 80', la société civile s'était mobilisée contre des projets également liés aux transports. Une route devait passer sur le Palais des Raïs (Bastion 23) et le raser définitivement. Les protestations, relayées par Algérie-Actualités, étaient parvenues au président Chadli qui avait aussitôt stoppé le projet et agréé la restauration de l'ensemble dans un partenariat avec l'Italie. Mais, à cent mètres, le terrain derrière les Chèques Postaux a vu s'édifier un parking, sans que ne soit donnée aux archéologues la possibilité de le «conclure». D'ailleurs, si La Casbah et son périmètre n'étaient pas classés au Patrimoine mondial de l'Humanité, qui nous dit que le métro ne serait pas arrivé aujourd'hui à Bologhine, écrasant tout sur son passage, détruisant à jamais des trésors irremplaçables 'La préoccupation du passé peut paraître bizarre, dépassée par définition, voire réactionnaire. Sorti de son contexte, le vers de l'hymne communiste, L'Internationale, n'énonçait-il pas un terrible appel : «Du passé, faisons table rase» ' Plus plaisamment, un humoriste affirmait : «Lorsque ton passé t'appelle, ne réponds pas, il n'a rien de nouveau à te dire». De bien des manières, le passé est pesant. Son utilisation morbide ou intéressée peut même conduire à brimer l'ardeur de vivre, de créer et d'avancer. Mais son irrespect peut conduire aussi au pire. La sagesse humaine regorge d'avertissements à cet égard. Alexis de Tocqueville affirmait : «Quand le passé n'éclaire plus l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres». George Santayana le relayait ainsi : «Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter».Récemment, constatant que leurs célèbres cabines téléphoniques rouges tombaient en désuétude, du fait de la téléphonie mobile, les Britanniques se sont interrogés sur leur sort. Ils ont eu l'idée de les transformer en biblio-cabines gratuites où l'on peut déposer des livres et en prendre. Nos villes sont partout jalonnées de cabines oranges sans portes, équipées de lecteurs de cartes. Incrustées dans le paysage urbain, elles illustrent bien notre étrange rapport aux strates du temps. A notre connaissance, elles n'ont jamais fonctionné ou si peu et donc, tout en demeurant dans le présent, leur futur irréalisé est resté coincé dans le passé. En somme, comme notre génération.
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Posté Le : 12/04/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ameziane Ferhani
Source : www.elwatan.com