Algérie

Le pari risqué du pouvoir



à de très rares exceptions (deux chaînes de télévision et quelques irréductibles de la presse écrite et électronique), les médias nationaux publics et privés font l'impasse sur les actes de la révolution populaire et ses objectifs. Ils sont plutôt enclins à déformer, de manière ostentatoire, les positions prises par le peuple vis-à-vis des options du régime. À titre d'exemple, l'agence de presse officielle (APS) a rapporté que les Algériens, qui sont sortis dans la rue pour le 29e vendredi consécutif, consentent à l'organisation du scrutin présidentiel avant la fin de l'année en cours, comme le souhaite le commandement militaire. Le ministre de la Communication, Hassan Rabhi, a attesté aussi, en marge de la cérémonie d'ouverture de la session parlementaire 2019-2020, que la demande principale du peuple est l'élection d'un président de la République très vite. En somme, le pouvoir impose son calendrier électoral en se bandant les yeux et en se bouchant les oreilles, afin que les échos de l'insurrection populaire ne lui parviennent pas conformes à la réalité. Se confiner dans le déni de ce qui se passe dans la rue lui permettrait-il d'imposer, vaille que vaille, son agenda électoral ' Le pari est hasardeux. La désinformation médiatique et le mensonge officiel sont inefficaces à l'ère des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Les vidéos, les images et les slogans des marches sont répercutés, en temps réel, en Algérie et dans le monde. Du nord au sud et de l'est à l'ouest du pays, les manifestants reproduisent une revendication identique : "Nous ne voterons pas sous la férule de ce régime" ; "Yatnahaw gaâ". Et ces millions de citoyens forment l'essentiel du corps électoral. Il est vrai, comme l'a rappelé Fatiha Benabbou, membre du panel de dialogue et de médiation coordonné par Karim Younès, la loi organique portant code électoral ne fixe pas de seuil minimal de participation à une élection. Avec moins de 1% de votants, le régime a toute latitude de valider le scrutin envisagé à la mi-décembre. Des paramètres objectifs hypothèquent, néanmoins pour l'heure, les chances d'aboutissement du processus électoral auquel tient si fort le général de corps d'armée. Le peuple a déjà opposé son veto par l'expression de rue. L'opposition politique le suit. Des soutiens traditionnels du système (formation d'Ali Benflis, MSP, El-Adala?) sont circonspects. Dans son rapport, le panel met en exergue l'impératif départ du gouvernement Bedoui dans lequel siège le chef de l'institution militaire en qualité de vice-ministre de la Défense nationale. Les appels à l'enclenchement de la désobéissance civile, le jour présumé de la convocation du corps électoral, se multiplient sur les réseaux sociaux. Hier, la population de la ville de Kherrata, pionnière dans l'opposition assumée au 5e mandat, a marché massivement contre le projet électoral. La démarche pourrait faire des émules et pourrait aller jusqu'à entraver l'installation de la commission nationale d'organisation et de supervision des élections et ses démembrements régionaux. Les postulants à la magistrature suprême cristalliseraient fatalement la colère de leurs concitoyens.L'animation de la campagne électorale relèverait alors d'une mission impossible. Au-delà, une forte démonstration de rue le jour du scrutin est envisageable.
Souhila Hammadi


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