Algérie

Le parcours de l'étudiant



L'université algérienne est-elle à l'agonie ? A-t-elle perdu sa vocation initiale ? Notre université est-elle irréformable ? Tombe-t-elle dans le déclin ? Dans le cadre de la coopération avec leurs homologues européens, les universités de nos voisins participent activement à la publication des recherches dans les meilleures revues mondiales. Où notre université se situe-t-elle ? Selon un classement établi par l'université de Shanghai portant sur 7.000 établissements, l'université algérienne est la 6.995ème (1). Je me souviens qu'en 1997, un étudiant sénégalais m'a dit qu'un jour l'université sénégalaise dépasserait la nôtre. Dix ans après, c'est bien le cas ! En effet, en Algérie, le niveau d'enseignement s'atrophie de plus en plus, et les productions scientifiques sont quasiment inexistantes. Heureux sont ceux qui, après bien des efforts, ont pu quitter le pays. Quant à ceux qui sont restés, ils sont devenus, à leur insu, plus syndicalistes que professeurs de faculté. Chaque année, on entend les mêmes revendications et l'Etat, à l'écoute de son élite, repousse sans cesse les problèmes de fond aux calendes grecques ! Les étrangers installés récemment en Algérie mettent en cause la formation universitaire algérienne. Cependant, le gouvernement, via les médias officiels, glorifie les réalisations des nouvelles universités (58 établissements comprenant universités, centres universitaires, instituts nationaux, écoles, instituts spécialisés et annexes universitaires). Ces réalisations correspondent-elles à des normes de bonne diffusion du savoir ? Au vu de mon expérience, je pense que notre université se porte malheureusement mal. Le nouveau bachelier qui s'inscrit dans la faculté souhaitée (ou imposée faute de place), commence une course administrative : demande de logement, dossier de demande de bourse, inscription à la bibliothèque, etc. La lourdeur des démarches administratives se justifiaient autrefois lorsque l'informatique n'existait pas. Depuis, l'Etat a investi des sommes faramineuses dans l'informatisation des dossiers d'inscription. Pourtant, ces démarches sont restées laborieuses. A quoi servent donc les outils informatiques s'ils ne facilitent pas les démarches d'inscription ? Les étudiants se voient encore dans l'obligation de fournir de multiples justificatifs, ce qui leur fait perdre un temps considérable. De ce fait, la rentrée universitaire est retardée d'environ un mois. De plus, l'usage des ordinateurs est parfois détourné pour chatter ou surfer sur des sites peu recommandables. Dans son parcours, l'étudiant rencontre des problèmes de communication car il est difficile d'obtenir les bons renseignements. D'un autre côté, je constate que l'étudiant adopte une attitude passive car il a été élevé dans une société d'assistanat. A force d'être considéré immature par l'Etat, on le devient ! 85% des enseignants du primaire et 65% du moyen ne sont pas titulaires du baccalauréat (2). Dans ces conditions, la qualité de l'enseignement est dans un état comateux de par son contenu et ses méthodes d'enseignements. Pourtant, depuis l'indépendance à nos jours, tous les observateurs et intellectuels prévoient que si l'Etat continue dans cette politique d'urgence et de quantité, nous ne sortirons jamais du chaos. Notre école forme davantage de chômeurs et d'illettrés que de gens suffisamment diplômés pour accéder au monde du travail. On s'étonne aujourd'hui que nos étudiants ne lisent pas, ne maîtrisent pas les langues étrangères, etc. Des étudiants aptes à intégrer les établissements étrangers n'hésitent pas à partir et d'autres sont incités à l'émigration par leurs proches (Ils sont estimés à 40.000 chercheurs, et on peut ajouter les informaticiens et les médecins. Sur un total de 10.000 médecins étrangers en France, plus de 7.000 sont algériens, c'est-à-dire 70% du nombre total (3). Parallèlement, l'Algérie fait appel aux médecins cubains, pour combler le déficit). Un de mes amis algériens, ayant suivi ses études en Algérie et ayant obtenu le diplôme de docteur en médecine après 7 ans d'études, a préféré s'installer en France et y travailler en tant qu'infirmier plutôt que de rester en Algérie, étant donné la politique absurde et aveugle de nos dirigeants. Ces derniers commettent les mêmes erreurs depuis la nuit des temps, comme si l'histoire tournait en rond. La majorité des cadres qui ont vécu la décennie noire sont traumatisés et fatigués de lutter contre un pouvoir qui ne les écoute même pas. De ce fait, ils préfèrent mettre leurs enfants à l'abri. Une grande partie de cadres que l'Algérie a formés dans les années soixante-dix et quatre-vingt partent un par un. Ils laissent un vide immense dans la vie culturelle alors qu'ils menaient des débats sérieux au sein de l'université et la société. Le temps des discussions sur tel ou tel projet de société est désormais quasiment absent. Certains étudiants ne pensent qu'à la restauration proposée par l'université. Ils font la queue deux heures avant l'ouverture du self et ne s'intéressent guère à la vie politique de leur pays. Sans doute qu'à force d'accumuler des échecs et de connaître des frustrations, ces jeunes ne font plus confiance en leur gouvernement. Le dégoût et la lassitude les rendent vieux avant l'âge. Car réfléchir quotidiennement sur l'injustice et l'incompétence est un exercice ardu. Certains étudiants se sentent dépassés et sans défense devant la hogra (le mépris) émanant de l'enseignant jusqu'au gardien. Les étudiants s'en remettent ainsi au destin et à la vengeance divine tandis que d'autres se soumettent.  Pour chercher un livre, il faut faire aussi la queue. Cela prend au minimum une heure selon l'université et la disponibilité des livres car la quantité de livres est trop limitée. En effet, dans nos bibliothèques, les revues spécialisées, la presse nationale et internationale se font rares dans les rayons. Cela ne représente pourtant pas grand-chose face aux dépenses inutiles consacrées à l'organisation de festivals folkloriques et de visites ministérielles ! En ce qui concerne les résidences universitaires, c'est une autre affaire. Les étudiants s'entassent parfois à quatre dans une chambre de neuf mètres carrés, ce qui les prive d'un espace privé. Les conditions d'hygiène sont déplorables. L'étudiant n'a donc pas d'espace pour travailler ses cours sérieusement. En Algérie, trouver des bibliothèques ouvertes la nuit n'est pas encore envisageable. De plus, dans les résidences universitaires, les activités culturelles sont vraiment très limitées, soit par manque d'initiative, soit de par les interdits officieux des syndicats tendance islamiste. Cette tendance détient la grande part du marché des activités sportives et culturelles dans les campus universitaires, en particulier dans les wilayas intérieures du pays. Ce syndicat a tellement d'influence que les administrateurs en ont peur. Leurs activités culturelles se réduisent à l'organisation de chants religieux, d'exposition de livres (en grande partie de littérature religieuse et parfois même radicale), d'activités sportives et de quelques conférences (pour sauver la face) sur l'histoire d'Algérie contemporaine. Notre histoire n'est pourtant pas limitée à cette période ! Parler de cette période est-il « utile » ? Tout le monde connaît l'influence de ce syndicat. On leur accorde alors des facilités administratives pour le logement, l'accession aux deuxième et troisième cycles, etc. Tout cela se passe sous les yeux des responsables sans aucune protestation. Et devant l'inertie des étudiants démocrates (comme certains de nos partis démocrates aiment davantage observer, analyser et critiquer de loin que d'aider des mouvements démocrates à s'enraciner dans la société), le nouvel étudiant se trouve face à une profusion de représentations étant donné que les autres syndicats ne sont que des façades (sans débat idéologique et social) aux partis politiques. La culture de la recherche scientifique ne fait pas partie des priorités de nos étudiants car l'enseignement primaire ne suscite ni la curiosité ni le goût de l'apprentissage. De ce fait, on ne peut pas parler de recherche scientifique dans nos universités car il existe un manque de vocation. Beaucoup de nos étudiants préfèrent s'orienter vers des métiers plus lucratifs : l'image de nos universitaires étant dévalorisée (ce qui est le cas de tous les membres du corps éducatif), les étudiants évitent ces professions. En outre, il n'y a pas d'orientation clairement définie pour les champs de recherche : s'oriente-t-on davantage vers le domaine technique ou vers les sciences sociales, humaines, etc. ? La recherche est un métier. Il lui faut une stratégie, une organisation, du fonds et surtout son utilité dans le quotidien. Notes 1) Cf. El-Watan du 1 juillet 2007. 2) Cf. déclarations du ministre de l'Education nationale. In Le Soir d'Algérie du 20 décembre 2006. 3) Cf. Liberté du 03 octobre 2006.


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