Algérie

Le paradoxe fiscal



«Pour subvenir à tant de frais, il fallut prendre la substance des peuples ; il n'y eut point d'extorsion que l'on n'inventât sous le nom de taxe et d'impôt » VoltaireLe paradoxe ne situe pas dans la décision prise par le président de la République suspendant toutes les taxes contenues dans la loi de finances 2022, lors de la réunion du conseil des ministres, mais bel et bien dans la collégialité qui devait exister entre les deux. En dehors des règles du parallélisme des formes en matière juridique qui semble un peu ébranlé ; le processus de l'établissement des lois de finances à de tout temps obéit à un circuit classique conformément à l'orthodoxie budgétaire.
Le projet à été débattu en conseil du gouvernement, puis en conseil des ministres pour aboutir à la commission des finances de l'assemblée, puis soumis à cette assemblée qui l'a validé à la majorité pour être ensuite adopté par le sénat et enfin promulgué par le président de la République. Alors que se passe t-il' Sous la baguette d'un premier ministre, aguerri et affranchi de tout obstacle de par son emprise sur le ministère des finances et que ces dispositions fiscales tendent à révéler son penchant ultralibéral; le projet ne semble pas avoir atteint sa maturité dans le sens politique.
Certes il devait se cantonner dans une vérité économique pénible à faire accepter dans les conditions sociales actuelles ni ramener une quelconque hypothétique adhésion populaire. Celles-ci restent malheureusement tendues par l'érosion d'un pouvoir d'achat qui ne va qu'en se dégringolant de jour en jour. La vie est devenue insupportable, l'on peine à joindre les deux bouts. Alors s'acharner au nom d'une quelconque quête d'équilibre ou d'ajustement fiscal, à alourdir la précarité budgétaire des ménages ; c'est ne pas connaitre la profondeur d'une Algérie encore contusionnée.
Cette situation paradoxale témoigne bien, outre d'une absence de vision de bonne gouvernance, mais de surcroît un déficit d'études et d'anticipation. L'on dirait que les responsables récemment nommés n'ont pas le profil complet apte à faire face aux exigences que recommande une telle situation. Ils ne déclarent rien, gardent le silence comme mode de gestion et agissent le plus souvent sur facebook. Il est universellement reconnu, que l'Etat collecte l'impôt pour le bien-être de la société. En plus qu'il soit une action de solidarité nationale ; il a été au cours de l'évolution des Etats un levier de régulation de l'activité commerciale et sociale. Parfois, il tend à devenir un bouclier de défense d'une économie locale par l'imposition de barrières tarifaires, parfois il est un outil de promotion et de stimulation d'une activité donnée. Mais aussi, est-il pris souvent pour un frein incommodant l'essor industriel ou pénalisant les ménages. S'il est nécessaire et impératif, il doit être juste et égal.
Sur un autre plan d'analyse ; la décision du président de la République est un désaveu flagrant au parlement en ses deux chambres.
L'on peut également oser dire qu'il s'agit là d'une dé-légitimation. Ces députés venus avec une fraîcheur à peine sortis d'une élection complexe et controversée n'avaient pas senti, pourtant criard et gueulant le désarroi que vivait les couches sociales notamment celles dites défavorisées. Déjà qu'avec les pénuries, l'on vit mal la hausse sans escales des prix de tous les produits.
L'on comprendrait un peu mieux et avec tristesse que ces prix parfois subissent les contrecoups des hausses que connaît le commerce international dans toute sa chaîne logistique. Seulement, il manquait au gouvernement cette sacralisation de l'Etat social qui a prévalu jusqu'ici croyant sauter pêle-mêle dans un libéralisme inadéquat.
Nos députés et sénateurs n'avaient aucun souci à ne pas voter le projet qui vient d'être finalement avorté au bonheur du peuple. Quelle serait maintenant la position de chacun d'eux' Ils ne diront rien et persévéreront, peut-être à récidiver d'ici la loi de finances complémentaire. La décision du président somme toute n'est aucunement en contradiction des attributions d'ordre quasi-législatif que lui confèrent les dispositions de la constitution, dans le sens où il peut agir en certains cas par voie d'ordonnances qui ont la même valeur juridique que la loi. Néanmoins, par devoir d'assurer une harmonisation fonctionnelle des institutions dans le respect du principe de la séparation des pouvoirs ; il aurait été plus aisé de surpasser cet écueil si la même harmonisation était dans l'âme du gouvernement initiateur de cette loi de finances. L'exemple n'est pas inédit. Bouteflika avait agit de la sorte à maintes reprises.
Cela paraît une action salutaire en soi, quoique colorée d'une teinte populiste et toujours venant à une échéance jugée trop sensible. Cela fait presque 1 mois et quinze jours que la loi de finances est entrée en vigueur et le moins averti des observateurs s»astreindrait à déduire le rapport chronologique avec le 22 février, date du soulèvement populaire baptisé hirak. Toutefois si on le qualifié de béni par certains on le dénie par d'autres non pas dans dans son essence mais dans sa tangente d'évolution. Quel que soit, le qualificatif que l'on lui attribue il restera néanmoins une conscience populaire de dimension historique. Il a assuré pacifiquement une transition qui ne semble pas avoir abouti à tous les objectifs génésiaques qui l'avaient mis en orbite. Le chemin est encore long.
Ainsi, l'on voit mal cet exécutif dans sa capacité à pouvoir persévérer à gérer les retombées de la crise nationale et les effets de ses causes internationales. Devant un tel retournement d'événements dans la pratique de l'acte gouvernemental; le premier ministre est carrément mis à l'index pour croire qu'il est ainsi totalement loin des réalités sociales. On ne badine pas, par ses théories d'économie mercantile avec les besoins vitaux d'une population qui a de tout temps vécu sous un protectionnisme étatique. Une population qui espère toujours dans le renouveau, le meilleur et non pas le mauvais et le pire. Le problème n'est pas, à vrai dire dans la rareté des produits, mais dans leur cherté, pas trop dans leur disponibilité mais dans la difficulté de les acquérir. Toutes les couches sociales sont au bord de la faillite. Avec un salaire minimum misérable, une pension de retraite minable ; la vie par la survie continue son chemin. Pourquoi impose-t-on encore un retraité sur sa pension la faisant passer pour un revenu '
Cet IRG pratiqué à l'encontre des retraités est une injustice flagrante, une iniquité en mal de reconnaissance après tant d'années de service. Le peu de temps qui lui reste à vivre est infesté par cet impôt. Tous les retraités n'aiment plus cet Etat qui les fiscalisent jusqu'à la tombe.
N'y a-t-il pas là une opportunité idéale de se ressaisir et engager sérieusement une refonte fondamentale de tout le système fiscal national et enjamber le pas à des réformettes occasionnelles qui le plus souvent meurent d'un exercice à un autre ' Eriger de nouvelles taxes selon les contraintes conjoncturelles n'aboutit pas à construire dans la pérennité une fiscalisation juste et rentable.
Le plus dur dans l'impôt reste, outre sa justesse; son recouvrement et sa perception. Que de créances sont impayées, que de taxes, impôts, redevances sont éludés pour disparaitre dans l'océan de l'évasion fiscale !
Certains créneaux bénéficient d'avantages au moment où d'autres croulent sous le poids d'une TVA qui n'épargne personne, qui n'exempte quiconque.
Par ailleurs ce recul, acte présidentiel pris par autorité vient dédire à juste titre un gouvernement qui semble patauger dans l'hésitation et l'imprévision. Le citoyen ne voit rien venir qui puisse lui prédire une éclaircie des jours moroses qui le consument. Cet acte présidentiel serait en termes de signification tel un prélude imminent pour un remaniement. Encore que changer un nom par un autre, sans toutefois se transvaser dans la lucidité d'une nouvelle méthode de travail, un nouveau mode de réflexion ne sera qu'une autre édition de la même copie. Aller de l'avant, oser oser, franchir le classicisme des nominations, outrepasser ses propres proximités, fouiner un peu loin et trouver les perles qui ne cherchent à ne scintiller que pour le bonheur des autres. Pas pour enjoliver des carrières finissantes ou en forger d'autres. L'Algérie est vaste et nombreux sont les Algériens compétents, engagés et téméraires.


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