Algérie

Le paradis a besoin d'Etat



C'est peut-être une image d'Epinal, mais elle a bienexisté: Chetaïbi, quand on l'évoque en général, c'est pour parler avec envied'un paradis préservé, d'un havre de paix. Si tu vas à Chetaïbi, tu yreviendras ou tu y penseras toujours, avait-on coutume de dire dans les années70. Les gens de Chetaïbi, sans être riches, trouvaient dans cette nature d'unebeauté époustouflante des motifs d'une sérénité qu'on ne trouve plus ailleurs.Sauf peut-être au sud du pays. C'est donc, comme pour Djanet hier, un choc devoir ce coin de paradis se «normaliser» en rejoignant l'actualité émeutière dupays. Les habitants ont trouvé dans la coupure de l'électricité l'étincellepour faire éclater d'autres colères liées notamment au chômage des jeunes. Leplus frappant est qu'ils ont aussi emprunté un raccourci: ils demandent ledépart du chef de daïra, représentant plus direct de l'Etat que ne l'est l'APC.Voilà qui devrait donner à réfléchir sur l'exaspérationlatente qui existe dans le pays et sur la qualité des rapports entre lescitoyens et l'Etat. Le désintérêt quasi général pour les élections locales quis'annonce est un élément de plus. Pourquoi les gens ne s'intéressent plus à desassemblées qui auront à s'occuper de leur quotidien ? Les réponses sontconnues, les plus simples disent que les élus ne pensent qu'à eux-mêmes, lesplus politisés disent que les APC ont si peu de pouvoir que la bonne volonté nesert à rien. Il n'est pas faux de dire que les pouvoirs ne sont plus dans lesassemblées élues et se concentrent dans l'administration. Les citoyensfinissent en définitive par le constater, ils ne considèrent plus les APC commedes lieux de solutions possibles. C'est donc vers les daïras ou la wilaya qu'onse tourne pour demander, exiger ou protester. Les choses sont telles qu'on interpelle le sommet de l'Etatsur des problèmes locaux. Pourtant, l'émeute par son côté spectaculaire occultedes choses plus graves. Protester contre une APC, une daïra ou une wilaya, mêmerudement, est l'indice d'un besoin d'Etat qui n'est pas réalisé. Pourquoin'arrive-t-on pas à protester pacifiquement ? C'est une bonne question. A conditiond'essayer de répondre à une autre: pourquoi les gens ont-ils le sentimentenraciné qu'on ne les écoutera que s'ils montrent qu'ils ont une capacité denuisance ? Nous voilà dans le cercle vicieux qui mène à l'émeute et cela a bienun rapport avec la qualité du système politique. Avec l'émeute, on est encoredans une quête d'un lien avec l'Etat.De manière souterraine et donc plus grave, de nombreuxAlgériens ne sont plus dans cette quête. Ils ne sont plus demandeurs d'Etat,ils cherchent plutôt à l'éviter... Ils se mettent en marge, se débrouillentcomme ils peuvent. Tout un pan des activités est dans l'informel: de la petitetransaction sous-déclarée d'un logement au gros business de l'importation, sedéveloppe une sorte d'entente générale pour mettre l'Etat hors du coup. Le côtépositif est que Chetaïbi nous dit que même le paradis a besoin d'un Etat quifonctionne. D'un Etat qui écoute... avant que l'on cesse de lui parler.


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