Algérie

le pape rend hommage aux harraga Le souverain pontife s'est rendu sur l'île de Lampedusa



Si un seul geste humaniste et universel de la papauté de Francesco devait s'inscrire dans la postérité, cela pourrait être sa visite, hier, à l'île de Lampedusa. Premier bout de terre européenne sur lequel s'échoue brutalement depuis des décennies l'espérance de milliers de damnés de la terre.Rome (Italie)
De notre correspondante
Qui mieux que le pape Mario Bergoglio, descendant d'émigrés italiens qui, des siècles auparavant, ont atteint miraculeusement la terre d'Amérique, portant avec eux le rêve d'une vie meilleure pour eux et pour leurs familles, pouvait comprendre et faire sienne la douleur et la souffrance profondes de tous ces êtres qui, au prix de mille sacrifices, poussés par un désespoir extrême, se sont jetés dans une traversée périlleuse. Le souverain pontife argentin, en célébrant hier une prière solennelle à la mémoire de ceux qui n'ont jamais atteint l'île sicilienne, a conféré un caractère sacré au drame des harraga du monde entier, mais surtout de ceux provenant d'Afrique, d'Asie ou d'Europe (Albanais, Turcs, Kurdes...), à destination des côtes italiennes.
Morts, déshydratés sur les embarcations de fortune qui les transportaient vers «le paradis européen» ou péris par noyade, leurs corps gisent encore au fond de la mer Méditerranée. Les cadavres, repêchés par les gardes-côtes ou emprisonnés dans les filets des pêcheurs, demeurent parfois des années dans un compartiment de la chambre froide de la morgue, avant qu'une stèle anonyme portant uniquement la date du décès ne soit apposée sur une tombe nue dans le cimetière de la localité maritime.
Se joignant au deuil de leurs familles, le pape a suscité une forte émotion lorsqu'il a jeté une gerbe de fleurs dans les eaux de la Méditerranée, en hommage à ces milliers de disparus, estimés à environ 18 000. L'organisation de ce voyage papal se voulait sobre, digne et empreint d'une sincère compassion. Venu de Rome pour toucher la terre de Lampedusa (qui signifie phare ou rocher, selon les historiens), Francesco a invité les Italiens à dépasser les préjugés envers les étrangers et de faire en sorte que «leur rencontre avec notre monde ne se transforme pas en esclavage et en humiliations».
Le chef du Vatican, dans son discours prononcé hier à Lampedusa, a accusé les puissants du monde d'être «responsables» du drame de l'immigration illégale. En destinant à cette partie symbolique de l'Italie sa première visite officielle dans la péninsule, Francesco a ému les Italiens et les autres. Les habitants de Lampedusa, particulièrement, qui se sont sentis souvent abandonnés par le reste de l'Italie et de l'Europe, laissés seuls face au drame des débarquements quotidiens de milliers de réfugiés venus de loin en quête de terre promise, se sont vu reconnaître leur rôle crucial par le souverain pontife.
Car eux aussi se sentent victimes de ce phénomène qui dissuade les touristes et laisse les autochtones amers, car incapables de secourir toutes ces vagues de désespoir qui s'abattent régulièrement sur leur terre. En conclusion de cette journée historique, le pape a accordé sa bénédiction à tous les présents en rendant un hommage chaleureux aux Lampedousains, les qualifiant d'«exemple d'amour, de charité et d'accueil», et a prié pour que «Lampedusa soit un phare sur le monde» qui doit s'en inspirer pour «avoir le courage d'accueillir ceux qui cherchent une vie meilleure», comme ces 176 immigrés débarqués, hier, sur l'île et provenant en majorité du Mali.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)