Algérie

Le panache mauresque, élégamment en deux tours



Un deuxième coup d'état démocratique va avoir lieu, ce dimanche 25 mars 2007, en Mauritanie. L'auteur est le peuple maure, organisé en «tribus démocratiques». C'est un événement inédit dans l'histoire du monde arabo-musulman, qui sous médiatise cet impact moral. Pourtant, «la brindille d'un arbre, qu'on sous-estime, peut rendre borgne et même aveugler» dit l'adage populaire. UN PROGRAMME ET DES ACTES : «Bientôt d'une multitude errante et dispersée, la concorde fit une cité» De la république Cicéron. La société mauritanienne, désarticulée pendant des siècles en castes ethniques dispersées, secouée dans son histoire récente par des coups d'état successifs, semble se muer, inébranlablement, vers une entité socioculturelle apaisée. Le courage et la sagesse de ses élites sont en train de la mener vers une meilleure concordance citoyenne, dont les élections présidentielles du printemps mauresque dénotent des bonnes assises démocratiques promises, instaurées et mises à l'épreuve par de riches débats d'idées citoyennes plurielles, constructives, à la base de la société et entre tous les courants politiques, autour d'une urne présidentiable, propre et saine. Le tout, dans l'allégresse et le contentement général. Une formidable percée civilisatrice, amarrée à un programme proclamé et suivi d'actes conformes à cette ouverture civile. Il demeure, que nous manquons de données édifiantes sur les mécanismes de cette dynamique en terme de fonctionnalité. En revanche, parmi ceux-ci, nous notons l'organisation d'un deuxième tour électoral, ce qui prouve une bonne santé démocratique de la société civile d'une part, et manifestement, de l'ascendance des organisations originelles, encore influentes, sur le processus enclenché, d'autre part. Un greffage politico-culturel qui reste à découvrir, après le deuxième tour, du 25 mars prochain.  Cependant, si on s'intéresse de près à l'histoire de ce pays, ses moeurs, son tempérament, son ouverture tolérante au monde, dont Israël, on constate des indicateurs d'évidences concluantes, sur le bien fondé du mouvement engagé. Ci-après, quelques notes succinctes, à ce sujet. HISTORO-GEOGRAPHIQUE : «L'immensité du désert approfondit l'être, l'affranchit des choses accessoires. Le Désert polit l'âme». Théodore Monod. Autrefois, ce fut une contrée verdoyante où l'agriculture vivrière était florissante. Bien avant et au cours du premier millénaire grégorien, des bouleversements climatiques ont dessiné de nouveaux paysages et modes de vie. Désertification et nomadisme agropastoral sur l'ensemble du territoire sahélien, lié au commerce afro-méditerranéen, dont les origines remontent depuis la Côte d'or (Ghana). Et pêche sur l'atlantique qui, paraît-il, est d'essence atlantide (1). Le pays a été un carrefour caravanier et en même temps, un lieu de métissage d'ethnies nomades, entre celles du Nord (Maghreb) et celles du Sud (sénégalo-malienne). Les almoravides (Al-Mourabitoun dont Mauro, transposition latine, de l'arabe : « El-Mawr»), une dynastie Sanhajienne, ethno-religieuse puritaine, en est l'expression la mieux représentative de ce métissage, de par son ancrage et ses influences séculaires après l'empire ghanéen (1076, ap. J.C.) (2). Cette emprise politico-religieuse a fait que le pays des Maures sahéliens était considéré, à tort, comme un territoire «royaliste» lié à ceux du Nord (Morocco). Des tribus libres (Peul, tout couleur, sonoké, etc.) en face d'une centralisation «politico-maraboutique globalisante» du pouvoir. Ce qui avait provoqué, paradoxalement, plus de dispersions tribales. Pour un bon bout de temps.  La Mauritanie, dans sa configuration géographique actuelle, remonte au début du siècle précédent, après la pénétration française (1901), puis après, jusqu'à son indépendance en 1960, en dépit des objections marocaines et même de la ligue arabe, obnubilées, par des considérations territoriales. Un atavisme autodestructeur. A ce jour.  Elle a bien gagné son premier «défi géographique». Le second est celui de l'instauration des bases saines de la démocratie. Une progression inouïe. Le troisième, reste la suite de processus, en terme de bonne gouvernance, des potentialités humaines et économiques en face des contraintes naturelles en présence. SOCIOECONOMIQUE ET CULTURELLE : «Il vaut mieux rire dans une chaumière, que de pleurer dans un château». Victor Hugo. La Mauritanie est un pays désertique. Un patrimoine immatériel inestimable. Une population aux alentours de 3 millions d'habitants (2005). Un climat rude, qui limite une agriculture agropastorale souvent déficitaire. Elle possède un important cheptel bovin (1,5 millions), ovin (9 millions) et caprin (5,5 millions). Elle abrite l'un des plus grands troupeaux camelins au monde. Près d'un million et demi de têtes. Impressionnant (3). La pêche est la seconde activité économique en essor constant, malgré son sous-équipement. Les exportations globales du pays (fer notamment) se situent à 500 millions de dollars (2000). Elle recèle d'autres ressources minières, en cours d'exploration. Ses importations sont de 300 millions de dollars. Le PNB se situe à 600 dollars/personne. Le niveau moyen de l'âge de mortalité est à 60 ans. Voilà brièvement, l'image socioéconomique. Austère. La population est profondément ancrée en son milieu naturel, par une vie digne, patiente et pleine d'espoir. C'est un pays jeune, qui se contente de la moindre gaieté. Cette culture de sobriété lui permet d'espérer à de meilleurs horizons. L'un des plus exégète musulman «Chinguitti» (18ème siècle ap. J.C.) est un ascète renommé pour sa sagacité rationnelle. En réalité, la majorité des Mauritaniens sont, de nature, enclins à la tempérance de l'esprit. C'est inné (4). A la question posée par la chaîne El-Djazirah, à la suite d'imprécations virulentes d'un pays arabe doutant de la capacité de la Mauritanie à faire réussir sa transition démocratique, du fait de sa structuration tribale, un jeune militant d'un parti politique engagé dans les élections présidentielles, répondit avec un calme et un tact de politesse imprenable. C'est ça, le garant d'une démocratisation par des élites citoyennes posées. C'est ça, la culture de la libre expression et de pensée, liée à une conduite morale vis-à-vis d'une critique. La modestie sublime contre la grossièreté vaniteuse des arrivistes rentiers. De la démesure, en train de bavasser tout le temps sur la «bosse» des autres. L'exemple de la Mauritanie fait peur aux autoritarismes «tribaux» et clientélistes. Désormais, elle n'est plus comme eux ; c'est une démocratie mauresque. Une autre orbite culturelle. Quelque soit les avatars politiques. GEOPOLITIQUE: « La compassion, qu'on doit manifester pour son prochain, ce n'est pas à cause d'une maladie, ni la faillite de son commerce, encore moins sur sa pauvreté, mais sur la perte de son bon sens, sa raison d'être». Dicton juif. La problématique du Sahara occidental est le premier tracas géopolitique sérieux. La Mauritanie, a été maintes fois mise à rude épreuve au début de cette crise de proximité. Son passé et son présent y sont intimement liés. Les différents gouvernements mauritaniens ont tout fait pour éviter, un tant soi peu, d'être au centre des frictions entretenues par cette situation complexifiée. Ils ont, dans une certaine mesure, réussi relativement à asseoir une position commode. Le royaume marocain y aidant, dans un certain sens, qui se focalise maladivement sur l'Algérie à tort et à travers. A cause d'un problème malhabilement géré, depuis plus de 30 ans, souvent en improvisations conjoncturelles par notre pays frère, qui demande l'impossible à l'Algérie qui ne peut partager un état de fait imposé et ses conséquences, dont elle est de loin non responsable. Malgré le charivari diplomatique actuel qui sera clôturé par le Président français prochainement. Une régionalisation bien étudiée, au plan d'une solution diplomatique, qui s'articule autour de la France, l'Espagne et d'autres en tests, dont l'Algérie justement, considérée comme un alibi et un atout majeur en même temps, pour transmuter celle onusienne. Une stratégie menant en droite ligne vers «l'autonomisation orientée», comme instaurée ailleurs, mais précaire dans ce cas d'espèce. Une absurdité diplomatique liée ces derniers temps, en interférence, au terrorisme «Qaidien», attrapé par la queue, comme un «fourre-tout» et surmédiatisé comme un danger prioritaire régional. Bizarre. Une autre entourloupette fumigène, mais couveuse d'un retour de boomerang. Ce mécanisme autonomiste aurait pu aboutir par le passé. Malheureusement, les faux calculs cumulés ont obscurci, encore plus, la sortie de cette crise. La solution idoine demeure dans le sens de l'histoire africaine, en général, et du Maghreb, en particulier. Un peuple «autonomisé» à 100%. Un pays en plus, un palmier dattier et non un rejeton, pour la grande oasis du Grand Maghreb historique, dans un ensemble sans frontières morales et sans «butins territoriaux». Tout un passé perdu et un rêve post-colonial. Est-ce possible de le voir se réaliser un jour ?  Dans tous les cas de figure, la position de la Mauritanie serait plus confortée à l'avenir car, une unanimité démocratique, sur un intérêt national lié au géopolitique, est plus crédible qu'une décision autocratique, clientéliste. La première émane du peuple, la seconde, d'un caprice personnel influençable et donc versatile. Le résultat des courses, à moins de crises majeures, pronostique que la Mauritanie est plus ou moins à l'abri des turbulences en la matière. A l'image du bon sens de son peuple et de ses élites sainement élues.   FRAGILITES DE RENAISSANCE : «La démocratie est le pire des systèmes politiques, mais il n'existe pas de meilleur». Sir Winston Churchill. La Mauritanie reste un pays à structuration ethno-tribale attachée à certaines survivances archaïques, mais qui, depuis l'indépendance, se sont aplaties nettement. Sociologiquement. Apparemment, le saut moral largement réalisé en ce sens est promoteur. Comme pour tous les processus similaires. On peut citer, toutes proportions gardées, l'Afrique du Sud, les USA, etc.. Des réussites de tolérance liée à la démocratie.  La seconde fragilité réside dans la persévérance de cet élan, par un accompagnement en terme d'accroissement des opportunités économiques en présence, dans un cadre d'égalité des chances liées à la pertinence d'une bonne gouvernance menée par des élites libérées des frayeurs du passé. Et des vicissitudes de la nature.  Enfin, le troisième point reste son évolution dans un monde corrompu par la démesure de la vanité matérialiste et la recherche absurde des conflits. Là aussi, ses atouts restent sa modestie économique, conjuguée à sa puissance morale. Un tandem redoutable. Sobre. Ses relations avec le monde ont inauguré un autre sens de l'histoire diplomatique, caractérisé par la prévenance de sa coopération liée à de précieux conseils pertinents et clairvoyants. Dont la démocratie mauresque.  En conclusion, la Mauritanie est parvenue humblement et admirablement à cultiver et exporter, par l'image et l'acte, la richesse la plus précieuse de l'humanité. Plus que tous les barils du pétrole du monde arabe. Un produit rare que seule la sagesse des grands esprits équivaut. Reste la suite. L'avenir nous le dira. En tout cas, les faits sont saillants et se meuvent déjà, vers d'autres perspectives qui, de toutes façons, n'intervertiront pas le sens de l'Histoire. Malgré toutes les vicissitudes que cela comporte. Elles sont si nombreuses.  Bonne chance à la Mauritanie des justes. Celle des humbles dans le comportement et des braves gens de la parole donnée. Honorablement accomplie, en dépit des réflexes des autoritarismes qui voient toujours qu'il y a anguille sous roche. En pavloviens intrigants. En vérité, le Maure est entré discrètement au temple universel de la démocratie. Comme un vent léger matinal, chargé d'une fuyante ondée du désert.  Envoûtante. En majuscule et en deux fois. Du panache maghrébin ressuscité des grandes épopées de son passé. Une montagne majestueuse, en termes de félicités et de fiertés. Au bénéfice de tout le monde arabo-musulman qui, hélas, médiatise ses bons acquis autrement. En s'auto-flagellant aveuglement par manque de confiance en soi. Du Gâchis. Notes: (1) L'Atlantide est un mythe d'une île racontée par Platon. Il décrit cette nation comme une communauté à l'organisation politique harmonieuse et exemplaire, qui renferme également de multiples richesses minérales tels des gisements de cuivre, de fer et d'or, qui assurent, avec la fertilité exceptionnelle des sols, l'immense prospérité de ses habitants. Depuis les dialogues de Platon, la légende de l'Atlantide fascine l'imagination populaire et, au fil des siècles, nombreux sont les peuples qui ont voulu s'affirmer comme descendants de l'Atlantide. D'autres théories ont successivement assimilé l'Atlantide à la Crète, aux îles Canaries (Espagne), à la péninsule scandinave et au continent américain. Un mythe planétaire. (2) L'empire ghanéen était très prospère. C'était le pays de l'Or et des immenses troupeaux d'addax. Une antilope gracieuse, qui pèse jusqu'à 100 kg. Il en existe une seule espèce de par le monde. Sa robe lisse est blanchâtre. Sur le fronton de sa tête, un bel écusson marron, en forme de crinière, très caractéristique. Des cornes en forme de spirale, à «trois tours», pouvant aller jusqu'à 1 mètre de long. Elle est capable de vivre indéfiniment sans boire et se contente des végétaux pour ses besoins hydriques. Aujourd'hui, elle est menacée de disparition. Elle se confine dans les territoires malo-mauritanien. Quelques centaines, d'après les rares observateurs. Elle est extrêmement fragile, timide et s'isole tout le temps. Apeurés, les individus se dispersent sur une vaste contrée, mais sans jamais se perdre. Ils se retrouvent toujours. Ils ont des sens défensifs et d'orientations ahurissants. Prévoyants et précis. (3) Ce vaisseau du désert, représente plusieurs symboles, pour les gens des grands espaces. On cite deux, parmi d'autres : i) Son endurance : il est capable de rester plusieurs semaines sans boire. Il peut perdre jusqu'à 100 Kg de son poids initial (450 Kg adulte), et les récupérer en quelques jours. ii) Son calme et sa bravoure : il peut rester des heures dans une position, sans bouger et dans n'importe quelle condition. Il peut voir, dit-on, en rase motte, un homme sur une grande distance. On raconte qu'il est capable d'affronter un lion pour sauver son maître. Des histoires targuies en parlent. Le chef camelin le plus âgé ou El-hor, le libre, n'aime pas être maltraité devant ses semblables. Il est très fier. Il peut tuer pour ça. On dit «que les dromadaires (El-bel) bivouaquent sous l'attention de leur sage aîné». C'est une maxime de bonne gouvernance. Un ancien poème bédouin local dit : «Le baudet est indécis, le cheval un brin de vent, le camelin est noblesse». «El-bghal, inoudh ouitih. El-kheil, haba men errih. Ouel-Bel, hiya chérifa». A quelques exceptions et particularités naturelles liées, ainsi sont faites les sociétés humaines. (4) L'atlantique est le plus grand des océans, après le pacifique. Son nom vient d'Atlas. L'un des titans condamnés par le Dieu des grecs Zeus, à soutenir la voûte céleste de la terre sur ses épaules. Sa majesté, sa condescendance, ses effluves sur le caractère et les humeurs des riverains sont déterminantes. Conjugué à la beauté silencieuse et enchanteresse du désert, il ne peut en découler qu'un état d'esprit humaniste, ainsi caractérisé : Grandeur de l'âme et modestie morale. Le génotype n'est rien, le milieu est tout.


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