Algérie

Le pain, histoire et profits



Le pain, histoire et profits
Y a-t-il une boulangerie, une seule boulangerie dans tout le pays où la baguette de pain est vendue à 7,50 DA' A son prix officiel' Si ce prix officiel est figé par les textes depuis 1996, dans les faits, les prix pratiqués sont généralement à 9,50 DA. Il y a des boulangers qui rendent les 5 DA, d'autres imposent à la place une minuscule miche de pain, d'autres encaissent les 10 DA et passent...au suivant. C'est très certainement pour mettre tout le monde à l'aise que le SG de l'Union générale des commerçants et des artisans algériens (Ugcaa), a appelé à l'augmentation du prix de la baguette à 10 DA. C'est-à-dire rendre officiel ce qui se pratique déjà. Quoi qu'il en soit, ce ne sont là que des propositions. Une commission a été installée en mars dernier par le ministère du Commerce et planche sur le problème. Ses conclusions nous informeront certainement plus sur la nécessité ou pas, d'augmenter la marge des boulangers. Seulement la marge, car il n'est pas question d'augmenter le prix de vente. C'est ce qu'a affirmé, mardi dernier, le ministre du Commerce, Mustapha Benbada. «La question ne se pose même pas!» a-t-il tenu à préciser. La marge bénéficiaire que dégagent les boulangers se situe entre 2 et 3% selon le président de leur Union. Ils veulent plus. Certains parlent de 10%. D'autres de 20%. A ce train-là, on se dirige carrément vers la gratuité de la farine pour les boulangers. Vers l'exonération fiscale totale. Que dire des équipements quand ces mêmes boulangers se sont vu proposer des prêts pour l'achat de groupes électrogènes pour parer aux coupures de courant électrique. Mieux, le président de l'Union nationale des boulangers, Youcef Kalafat, a rendu public un accord avec le fabricant algérien de ce matériel prévoyant à l'achat un versement de 20% et les 80% restants à rembourser sur quatre années. Qui dit mieux' Tous les efforts convergent à faire du boulanger un métier très lucratif. En contrepartie, il est temps de passer à l'autre étape et poser le problème de la qualité. D'ailleurs, l'Union des boulangers y pense déjà. «Nous allons construire une école de boulangers à Boumerdès qui sera prise en charge par une société allemande», a également annoncé Kalafat qui demande une meilleure contribution du ministère de la Formation professionnelle et celui des Finances pour multiplier ces écoles. C'est la meilleure façon de reconnaître tacitement que la qualité n'est pas encore au rendez-vous. Elle reste à venir. Pour être complet, il faut parler de la triche. Celle qui consiste, par exemple, à cuire le pain à forte température. Ce qui a pour effet de dorer très vite la surface, mais en même temps limite le temps de cuisson de la mie. Résultat: la perte en eau est limitée et permet à la baguette d'avoir le poids réglementaire en économisant sur la quantité de pâte au moment de la découpe. L'autre triche étant de consacrer la farine subventionnée pour la pâtisserie. Quand on connaît le prix des gâteaux, on devine le bénéfice plus qu'appréciable obtenu. La boulangerie va de pair avec la pâtisserie dans une très forte majorité des cas. Pour finir, il faut être transparent. La demande en pain est considérable dans notre pays. Quand on parle de pourcentage de bénéfice, il faut le calculer sur le quintal de farine (480 baguettes) et non sur la baguette. La quantité change les paramètres d'appréciation. La seule ombre à ce tableau de pourcentages, de gains, de facilitations et autres caprices professionnels est l'absence de débat sur le gaspillage du pain. Il fut un temps, pas très éloigné, où l'Algérien ramassait le moindre pain jeté à la rue en... l'embrassant. C'était plus qu'une tradition, un geste sacré. Aujourd'hui, les poubelles débordent de pain dans l'indifférence générale. Mais pour voir le gaspillage, il faut relever la tête de la... calculette!


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