Algérie

Le nouveau pharaon d'Egypte



Le nouveau pharaon d'Egypte
Cette fois, le passage en force voulu par Morsi contre l'opposition risque de faire des dégâts.
En accaparant tous les pouvoirs, le président egyptien veut entrer dans la peau d'un raïs puissant. La décision annoncée ce jeudi a une double lecture. La première c'est que, se sentant humilié par sa tentative échouée de limogeage contre le procureur général d'il y a quelques semaines, Morsi aurait voulu se venger et laver l'affront qui lui a été fait par l'appareil judiciaire. La seconde interprétation est que, se sentant renforcé par le rôle qu'il a joué dans le cessez-le-feu entre Israël et Hamas, il aurait voulu en profiter pour s'imposer sur le plan interne. Dans tous les cas, l'annonce faite par la présidence égyptienne n'est pas pour plaire à l'opposition qui en dénonce la forme et le contenu, rejette le nouveau pharaon et appelle déjà à manifester... place Tahrir et partout ailleurs! Cette fois, le passage en force voulu par Morsi contre l'opposition risque de faire des dégâts. En présentant sa décision de renforcer ses pouvoirs comme étant «pour la défense de la révolution» Morsi n'a pas hésité à s'appuyer sur une certaine «légitimité révolutionnaire» et s'est vu attirer la colère des opposants et des révolutionnaires qui, en ne lui reconnaissant «aucun rôle important dans cette révolution», lui dénient cette légitimité et s'offusquent de le voir opter pour une telle décision. «Nous n'avons pas déraciné un dictateur pour le remplacer par un autre», déclarent la plupart de ceux que la presse internationale a pu contacter. Les dessous de la décision fortement contestée de Morsi sont certes encore difficiles à cerner, mais il n'est pas difficile d'en entrevoir quelques uns. Il y a d'abord ce désir, jamais caché chez le nouveau raïs, de se débarrasser des cadres importants de l'ancien régime. Si l'éviction du général Tantaoui, négociée avec le concerné, n'a provoqué aucune résistance et a donc été plus ou moins facile (car il reste à savoir avec quelles garanties et privilèges le général a accepté de quitter ses fonctions), celle du procureur général de la République, Abdelmadjid, par contre a reçu une fin de non-recevoir de la part de l'appareil judiciaire qui s'est soulevé en bloc contre Morsi lui infligeant un sérieux revers. Aujourd'hui, en renforçant ses pouvoirs et en déclarant ses décisions non sujettes à appel, le président égyptien a voulu se donner une avance sur l'opposition. Il est revenu à la charge contre l'appareil judiciaire en limogeant, cette fois brusquement et sans crier gare, Abdelmadjid et a nommé Talaât Ibrahim Abdallah comme nouveau procureur général de la République. Coup contre la légitimité hurlent les uns, nouveau pharaon crient les autres. Ensuite, il y a ce fameux Parlement majoritairement constitué par les Frères musulmans, parti dont est issu le président égyptien, qui a été dissous lors de la période gérée par les militaires et que Morsi a tenté, en vain aussi, de faire revenir. Le contenu des déclarations «constitutionnelles» faites par la présidence égyptienne laisse croire que le raïs veut revenir sur ce point aussi et invalider de la sorte la décision de dissolution. Une manière de rendre à son parti le Parlement qu'il avait perdu. En plus, la commission constituante, formée pour élaborer une nouvelle Constitution pour le pays et qui n'a pas encore réussi à pondre un texte qui ferait consensus, est, ces jours-ci, sujette à des perturbations sérieuses avec des retraits et des réclamations. Une procédure serait même engagée pour son invalidation par la justice. En prenant la décision de se doter de tous les pouvoirs et de rendre ses décisions incontestables, le président égyptien veut barrer la route à la justice et préserver la commission constituante, formée, elle aussi, à 70% d'éléments issus du parti du président. Les Egyptiens s'étonnent de la recherche du «pouvoir absolu» par leur président. Morsi n'arrive pas à être le président de tous les Egyptiens du moment qu'il agit pour le bien exclusif de son parti. Ceci dit, les Egyptiens l'ont compris et ils ont pris note que leur président accapare un pouvoir que - à part le pharaon - aucun de ses prédécesseurs proches ou lointains n'a eu. Les adversaires de Morsi ne ratent pas l'occasion de le lui faire remarquer. Certains de ses ex-rivaux, lors de l'élection présidentielle font des déclarations fracassantes à la presse qui amplifie l'événement, les juristes se rassemblent, les révolutionnaires s'indignent, les autres partis rejettent... Finalement, seuls les Frères musulmans semblent être en accord avec leur président qui veut, semble-t-il, confisquer la révolution à leur profit. Dès vendredi matin, avant même la prière, la place Tahrir a connu ses premiers rassemblements alors que, devant la Présidence, c'est la veille que les Egyptiens sétaient rassemblés pour signifier leur refus de ce pouvoir absolu. La dernière décision de Morsi a des difficultés à passer. En face, les Egyptiens, décidés à défendre leur révolution et à en empêcher la confiscation par les Frères musulmans, sont en train de se rassembler par partis, par professions, par corporations...Le bras de fer engagé par le successeur de Moubarak est sans doute porteur de risques pour lui, pour son parti et pour l'Egypte. Revenir sur ses décisions semble désormais difficile pour Morsi, car cela le couvrirait de ridicule, surtout après les précédents échecs répétés. Continuer sur cette voie risque d'allumer le feu à une poudrière déjà prête à exploser. Que fera le président égyptien'


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