Le noble caractère du Prophète
La réalité essentielle du Prophète s’identifie au Livre révélé lui-même, selon le hadîth rapporté par son épouse Aicha qui disait de lui : "son caractère était comme le Coran". Il possède en effet, par la grâce de la Parole de Dieu, "un caractère immense (khuluq ‘azhîm)". Les réalités métaphysiques des qualités divines se manifestent comme perfections des vertus et excellences des actions dans la personne du Prophète. Le revêtement des qualités divines se fait en lui selon le mode propre à l’homme. Les Noms de Majesté exaltant la transcendance divine, comme "Celui qui proclame Sa propre Grandeur" ou le "Très-Contraignant" (al-Mutakabbir, al-Jabbâr), sont réservés à Dieu seul et correspondent à des vertus réalisées "négativement" par l’humilité et la servitude. En revanche, les Noms de Beauté proclamant la similitude divine, comme le "Charitable" ou le "Très-Doux" (al-Barr, ar-Ra’ûf), doivent être réalisés "positivement" par l’homme. C’est donc tout l’itinéraire spirituel du croyant musulman, à l’imitation de l’exemple donné par le Prophète Muhammad, qui s’effectue dans la célébration des Noms divins. Dans cette perspective, il convient surtout de se rappeler que l’enseignement du Soufisme n’est pas simplement théorique. La doctrine est proposée à l’attention du croyant pour être "vérifiée" ou "réalisée" (muhaqqaq), à travers la pratique de rites particuliers, qui servent de support à la concentration sur la présence de Dieu. Parmi ces rites, il faut citer en premier lieu la mention rythmique et répétée des Noms divins (dhikr-Allâh). Le Coran abonde en incitations au souvenir de Dieu : "La prière éloigne des turpitudes et des choses blâmables, mais le souvenir de Dieu est plus grand" [30]. Les docteurs de la Loi donnent à ces incitations une acception restreinte : pour eux, le croyant "se souvient" de Dieu à travers la lecture du Coran, ou d’invocations qui mentionnent le Nom de Dieu. Les soufis prennent cette injonction dans toute sa force et l’accomplissent avec une méthode précise. Ils obéissent ainsi au conseil que le Prophète donna à un bédouin qui se plaignait de ne pouvoir accomplir les commandements de la loi religieuse qu’avec difficulté: "Ne cesse pas de rafraîchir ta langue au souvenir de Dieu". La mention du Nom de Dieu polit le cœur et nettoie l’âme des "pensées errantes" dont nous sommes les esclaves plus ou moins consentants. Le cours impétueux de celles-ci ne peut s’arrêter sans une influence spirituelle qui vienne d’au-dessus de nous-mêmes. C’est ainsi que nous pouvons, selon le conseil prophétique, "mourir avant de mourir", c’est-à-dire mourir à notre âme passionnelle et commencer notre voyage vers la réalisation (tahqîq) de la connaissance de Dieu. "N’est-ce pas au souvenir de Dieu (dhikr Allâh) que les cœurs s’apaisent" [33] ? Les maîtres incitent l’invocateur à passer du "souvenir de la langue" (dhikr al-lisân) au "souvenir du cœur" (dhikr al-qalb), qui est concentration sur l’Invoqué seul, puis au "souvenir du secret" (dhikr as-sirr) qui est présence totale de l’être à Dieu et extinction en Lui. Mais alors, qui arrive au terme de la voie spirituelle, si la conscience de l’invocateur disparaît ? Le Soufisme nous enseigne que c’est Dieu seul qui S’invoque Lui-même, tout en mentionnant Son serviteur dans la permanence de Sa miséricorde, selon la promesse coranique: "Souvenez-vous de Moi, Je me souviendrai de vous".
Abd-al-Haqq GUIDERDONI
Directeur de l’Institut des Hautes Etudes Islamiques
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Posté Le : 25/03/2008
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com