Algérie

Le naturel au galop!


Le naturel au galop!
«Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres.» Hannah Arendt
Un large sourire se dessina sur le visage de mon ami B... à l'évocation du célèbre hymne composé par Ben Mohamed et Idir. Il me lança un: «Chasse le naturel, il revient au galop!» Il y a des choses auxquelles on ne peut pas échapper, des débats qui s'imposent de même quand on s'aperçoit qu'on vit dans une suite de malentendus.
En soixante ans de vie consciente, la question de l'identité s'est posée plusieurs fois à tous les gens qui essaient de réfléchir un peu au sens de leur vie. Et chaque fois, celui qui a la position dominante fabrique et enseigne ses vérités par l'opium et le bâton. Finalement, devant la réalité des choses, ces vérités apparaissent comme des mensonges grossiers. En contemplant le vaste panorama qui est tour à tour brûlé par un soleil impitoyable, ou voilé par une brume légère, j'étais arrivé à la conclusion que ce paysage n'a pas été toujours comme celui qui se présente à mes yeux: la nature et la densité de la végétation n'ont pas été comme ça. Le versant de la crête où je me trouve et qui descend vertigineusement vers le ravin n'a pas toujours été occupé par ces énormes haies de cactus.
Les cactus ont été ramenés des Amériques par les Espagnols et les fruits de ces plantes des sols arides ont été vite adoptés par les indigènes au point qu'on croirait qu'elles ont toujours été ici.
Je pense que sur ce versant orienté vers le soleil levant, poussaient comme sur la colline toute proche, le sparte, le thym sauvage, le serpolet et au bord du ravin, le laurier rose qui orne encore certains coins sauvages. Quant au versant qui descend vers le village et qui est couvert de champs d'oliviers, de figuiers, d'une orangeraie et de toutes sortes d'arbres comme les frênes, les chênes, les ormes, les micocouliers, a-t-il été toujours ainsi ou faisait-il partie d'une immense forêt qui allait de l'Akfadou jusqu'à Mizrana' Sont-ce les Romains qui ont commencé à défricher cette terre qui s'était révélée bonne pour le blé, l'orge et le sorgho ou sont-ce les autochtones, qui sont passés du pastoralisme à l'agriculture, qui lui ont changé sa physionomie' On raconte que ce sont les Turcs qui ont accéléré le déboisement des deux rives du Sebaou car ils avaient énormément besoin de bois quand ils étaient encore une puissance maritime.
Les Français ont continué... Alors comme pour le paysage, le problème de l'identité des gens qui ont habité ce coin de terre où n'a poussé aucune grande ville à cause de la rareté de ressources minières, d'activités industrielles et surtout à cause de son enclavement, s'est posé au gré des passages ininterrompus des envahisseurs. Je me demande si les Romains, qui ont placé leur campement sur le lieu même où je me trouvais, pour surveiller la large plaine où se sont installés les colons et leur main-d'oeuvre indigène, n'ont pas ouvert une école dans les parages pour romaniser les futurs saint Augustin et saint Cyprien et autres cléricaux qui ont contribué à l'évangélisation de la Gaule païenne, n'ont pas écrit sur leurs parchemins l'éternelle phrase qui reviendra sous d'autres formes avec des nuances, sur les planchettes de bois et sur les tableaux noirs: «Nos ancêtres les Romains.» Puis les Arabes ont remplacé les Romains et les Gaulois supplantèrent les Arabes pendant un siècle... Et c'est ici que je rends hommage au professeur de philosophie et de français installé dans le Massachusetts, Madame Michèle Lemettais, spécialiste de Jacques Derrida et de Michel Tournier qui ont dit que l'identité, comme toute chose, évolue avec le temps.
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