C’est d’autant plus, que sous l’effet de l’accroissement démographique, de l’avancée du désert, de l’érosion et du mitage des meilleures terres agricoles par l’urbanisation (plus de 40 000 hectares seraient ainsi perdus chaque année, selon le défunt chercheur Hamid Aït Amara), ce ratio, déjà considéré comme un des plus faibles de la région, est appelé à se dégrader au fil des ans, pour se situer, selon les estimations des spécialistes, autour de 0,1 hectare à l’horizon 2025.
Agriculture saharienne : Mirage et réalités
Les avancées de l’agriculture saharienne, aussi encourageantes soient-elles (70 000 hectares auraient été mis en valeur dans le sud du pays), n’ont pu compenser que de 25% environ, les 280 000 hectares de bonnes terres du Nord ravis à notre agriculture par l’urbanisation sauvage, les calamités naturelles et les morcellements de l’indivision qui ont réduit la taille moyenne des exploitations agricoles algériennes à, à peine, 5 hectares. Selon diverses études publiées par l’Institut de stratégie globale, corroborées dans le milieu des années 1990 par les ministères de l’Agriculture et de l’Aménagement du territoire, l’Algérie aurait de surcroît perdu, durant la période allant de 1988 à 1995, pas moins de 78 000 hectares de terres fertiles, pour l’essentiel, attribuées au secteur de la construction et des travaux publics.
Cette dynamique de pillage des terres agricoles s’est poursuivie tout au long de ces 15 dernières années pour prendre une ampleur sans précédent, avec les plans de développement qui ont fait, comme on le sait, la part belle à la construction de logements et à la réalisation d’infrastructures routières qui ont englouti des dizaines de milliers d’hectares de terres arables. Sans prétendre être en mesure de compenser les besoins sans cesse croissants de la population, ni les pertes en terres cultivables accaparées par les constructions, l’irrigation aurait sans doute pu permettre de gagner de nouvelles surfaces. Mais, pour ce faire, il aurait fallu mobiliser des ressources en eau considérables que le pays ne pouvait se permettre, eu égard aux difficultés de satisfaire les besoins, autrement plus urgents, des populations en eau potable.
A l’évidence, un état des lieux aussi peu reluisant de notre patrimoine foncier agricole est de nature à écarter tout espoir d’autosuffisance alimentaire, quand bien même, le potentiel agricole existant pourrait, sans conteste, être poussé à de meilleurs rendements, grâce à l’irrigation, la mécanisation et l’utilisation d’engrais. L’autosuffisance alimentaire signifierait, en effet, pour l’Algérie, la possibilité de produire à partir de ce bien maigre potentiel de terres cultivables, suffisamment de céréales, de légumes, fruits, huiles, lait, viandes et autres produits nécessaires à la constitution de la ration alimentaire (2500 calories par jour) au profit des 35 millions d’Algériens.
Or, aucun indice technique nouveau, aucun progrès significatif réalisé en termes de rendement agricole ni de réforme susceptible d’y conduire, ne permet aujourd’hui d’affirmer que l’agriculture algérienne va connaître un essor spectaculaire dans les prochaines années. Bien au contraire, les mêmes causes engendrant les mêmes effets c’est, à l’évidence, l’hypothèse de la poursuite du déclin du secteur agricole qui paraît, malheureusement, la plus plausible. La prétendue possibilité d’atteindre l’autosuffisance alimentaire grâce à la mise en valeur de terres situées dans le sud du pays relèverait, comme le prouve une étude prospective réalisée par l’Institut de stratégie globale au début des années 1990, mais toujours d’actualité, beaucoup plus de la mystification politique que d’une vision pragmatique susceptible d’être appliquée sur le terrain.
Produire et exporter les produits à forte valeur ajoutée
Mais alors quelle politique agricole préconiser à un pays qui, pour des raisons structurelles, n’a jamais pu et ne pourra sans doute jamais assurer son autosuffisance alimentaire, important chaque année entre 6 et 8 milliards de dollars de produits alimentaires ' Cette constation est d’autant plus grave que le taux de couvertures de ces importations par des exportations de produits de même nature, est pratiquement nul. C’est, de notre point de vue, une politique qui devrait consister non pas, comme c’est actuellement le cas, à s’entêter à préconiser une illusoire autosuffisance alimentaire, mais à déterminer avec suffisamment de précision ce qu’on pourrait faire de concret pour que les exploitants agricoles algériens puissent produire et exporter certains produits agricoles qui, parce que favorisés par les conditions climatiques et foncières particulières à l’Algérie (soleil, qualité spécifiques des sols, modes de faire valoir traditionnels etc.) ont de bonnes chances d’être écoulés à des prix incitatifs sur les marchés extérieurs.
Cette orientation de l’activité agricole dictée par les impératifs de la mondialisation requiert une mise à profit des avantages comparatifs et compétitifs dont l’Algérie dispose naturellement et que la recherche scientifique et le bon management des exploitations agricoles pourraient à l’évidence renforcer. L’intérêt pour le pays est de produire et exporter les produits à forte valeur ajoutée (viandes ovines, primeurs, produits du liège et de l’alfa, dates etc.) pour importer des produits à coûts plus réduits (céréales, légumes secs, etc.).
L’effort d’investissement qu’il faudrait consentir pour l’atteinte de tels objectifs est gigantesque et les ressources très importantes consacrées au développement agricole (plus de 250 milliards de dinars dépensés ces 10 dernières années dans le cadre du PNDA) n’ont à l’évidence pas suffi à amorcer cette dynamique, car le challenge ne consiste pas seulement à promouvoir des investissements nouveaux, mais aussi à réparer les gros dommages causés à l’agriculture laissée, pour diverses raisons, longtemps à l’abandon. Il faudrait en effet reconstituer les milliers d’hectares de vergers détruits par l’urbanisation, réparer les réseaux d’irrigation vétustes, replanter les vignes arrachées, imposer aux agriculteurs le recrutement de techniciens et ingénieurs agricoles aujourd’hui au chômage (ils seraient plus de 30 000), reconstituer les réseaux d’exportation, etc.
La tâche n’est évidemment pas simple, mais pour peu que les pouvoirs publics concernés soient déterminés à soutenir cette démarche associant, aussi bien, les exploitants publics que privées, à cette dynamique de résurrection, le challenge a, à l’instar de tous les pays qui ont suivi avec succès cette voie, de bonnes chances d’être gagné.
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Posté Le : 22/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Nordine Grim
Source : www.elwatan.com