Algérie

Le muezzin de Tizi-Oukdem



Le muezzin de Tizi-Oukdem
Le muezzin de Tizi-Oukdem

Thadjmaht* se remplit pour attendre, l’appel du muezzin. Les battants de fermeture, claquent pour libérer, les lourdes portes en bois de Thavouanant, qui pivotent à l’ouverture, font chanter leurs gonds, avec un timbre agréable à l’oreille. Notre mosquée est sans minaret.
Nous n’avons pas de hauts parleurs, ni de l’électricité à cette époque. Zizi Arave robuste comme un chêne, avec des traits assez gros, un visage allongé, et une large moustache qui ressemble aux balais qu’il tressait dans l’osier au fil des jours. Il arpente les ruelles étroites du village, avec sa voix rocailleuse et le son du bendir, pour réveiller les villageois à l’approche du S’houre* ou rapporter et répandre une nouvelle, sur l’activité du village, fêtes, décisions, épidémie ou décès. Il est averah* et muezzin. Il grimpe à pieds nus sur le frêne au milieu de la courette serpenté par une vigne qui le vrille jusqu’au sommet ; dont les fruits murs nous font bavé .Se déplace aisément entre les branches. A chaque fois que j’y pense un sourire se dessine sur mon visage, car sa djellaba dévoile ses dessous laisse apparaitre ; Cette partie du corps, du genou au nombril, l’endroit où il pose tout son honneur de pudicité. Ce qui met son intimité à nu. Des touffes abondent toutes raides où tout se balance au gré du rythme, dans cette broussaille, ressemblant au pelage d’un ours.
Pendant un moment les minutes paraissent longues. L’oreille tendue les murmures se taisent ce silence donne l’impression que le temps est suspendu à ce chant fascinant qui est l’adhan. La satisfaction de soi est là, Pour nous donner une sorte de répit, un contentement. Ma grand’mère Halima ne rompt plus le jeûne à l’appel de Zizi Arave, serviteur de notre petite mosquée, elle a une dent contre, lui .Par la lucarne rectangulaire de tha3richt*, il est surpris en train d’égrener du raisin avant l’adhan. Elle préfère le chant du muezzin du village avoisinant. Nous jeûnons au chant du coq, jusqu’ au crépuscule. Nous vivons en conformité avec notre culture et notre spiritualité. On y pratique l’islam de nos ancêtres, porteur de paix, fondé sur le respect, nous connaissons ni le niqab ni la barbe et les kamis nos parents ne croisent jamais les bras l’or de leur prières les mains bien droites le long des hanches. Les rues engourdies le jour, commencent à se ranimaient au crépuscule. Les gens et les bêtes se replient à cette heure des repas sacrés et la vie reprend au village. Cette modeste épicerie qui nous offre les produits du terroir et assure le service postale du village est aussi notre lieu de rencontre. Chaque jour, dans ce lieu on entendait le nom de l'heureux gagnant de la tombola. ; En échange aux tickets roses, des lots de vaisselle sont offert. Les gagnants nous font roter de plaisir avec la limonade.
A longueur de journée on me fait tirer la langue pour voir la blancheur qui la couvre, preuve du jeûne. Les garçons jeûnent aux premiers signes de maturité pilosité, changement de voix .Pour les filles c’est aux premières menstruations. Pour la rupture du jeûne j’ai droit à un œuf dur et thezemith*avec une boisson, qui au fond de la tasse on voit un anneau en argent qui symbolise la spiritualité et la pureté. Il faut rompre le jeûne, sur le toit comme le veut la tradition, cette hauteur qui donne une fierté particulière d’avoir atteint cette maturité qui s’aligne aux adultes. J’étais au centre de toute l’attention de ma maman .J’étais même autorisé à veiller tard dans la nuit. J’avais faim et soif, mes yeux pétillent de joie sentant ma récompense. Un repas concocté en mon honneur, avec soin galette d’orge, figues et une calebasse de petit lait de chèvre au menu un repas sain et savoureux. C’est le vingt-septième jour de ramadhan dite nuit de la révélation et du destin. Ce jour d’aumône et de bonnes actions ; Ou baigne une ambiance festive qui m’a fait pousser des ailes. Et c’est aussi ce jour, que les petits garçons changent leurs sourires en pleurs pour leur circoncision …
Avec des gestes intuitifs, un bidon d’huile, quelques clous et brin d’acier il fabriqua une caisse à résonner, Rabah est doué. Attroupé avec émotion autour de lui, il nous tient en haleine. Quand nos pieds se mirent à danser un nuage de poussière emplissait l’air et nos cœurs légers de joie. Ce moment de liesse absorbe toute notre énergie .Il gratte sa guitare, rien qu’au sens de l’ouïe et du toucher l’instrument entre ses mains prend vie, une agréable mélodie échappe de ses doigts pour nous faire vibrer. Les couleurs, la lumière et la beauté ne sont que des mots pour lui. Il vit dans l’obscurité depuis qu’il est né. Il a appris à se servir d’autres sens que la vue. Nous étions indifférents à sa cécité, nous le faisant participer à tous les jeux sans aucune altérité, même au lancer de pierres, c’est comme ça qu’un jour j’ai eu la chemise tachée de sang et la tête bandée.
Tous les mouflets jouent à attraper des chauves-souris cendrés aux ailes argentées ; J’admire ce monde fascinant et féerique au clair de lune. Je contemple les allers et venues presque aussi distinct que pendant la journée. Avec un visage bouffi d’acné et pustules juvéniles, je tends ma perche avec ardeur, pour épater mes camarades, Nous déchainâmes sur ces pauvres créatures avec du jujubier épineux au quel on suspend le crottin d’ânes qui jonchent nos rue, l’odeur et les moucherons, les attirer. Dès que le soleil disparaissait derrière l’horizon, elles quittent, leur air de nidification sous les poutres et les clôtures de pierre sèches. Nous courrons un dédale de ruelles étroites et poussiéreuses, pour leur capture. Nous leur tirons les ailes et les crucifions sur un bout de bois cet acte odieux nous amuse et nous tint éveillés toutes la soirée. Tandis ce que nos aînés s’amusent à thaxathemt*, un jeu de société qui se joue à plusieurs, ça consiste à mettre une bague, dans le creux de la main qu’ils gardent, amoureusement le tour de jeu se passe avec les mains derrière le dos pour récupérer la bague. Da Abdelkader est artisan de tamis circulaires, il est le joueur le plus redoutable et le plus craint. Par la seule force de son regard malicieux, il détermine la zone où se trouve le joyau .Les joueurs assis et forment deux équipes le premier rang se passe la bague de mains en mains et la partie adverse de deviner dans quelle mains se trouve l’objet. Ce jeu est le gardien de notre sommeil qui nous libère seulement à l’approche du s’hour. Cette bague fait le tour de toute l’assemblée.
*Tadjemahth =assemblée, agora
*S’hour=repas de l’aube
*Averah =crieur
*Tha3richt =sous pente ou grenier
*Thezemith=farine d’orge avec l’huile d’olive
*Thaxathèmt=Bague, nom du jeu
Merci de votre lecture


Mr Boubekeur, le bloggeur qui a ajouté ce texte a pris le soin de mettre l'auteur ... c'est écrit à la fin de l'article. Au plaisir de vous lire.
Hichem - Photojournaliste et webmaster - Tlemcen, Algérie

08/08/2018 - 383017

Commentaires

Bonjour ;ce texte est authentique ,qui reflète un vécu ,un fragment de vie de jadis ,les personnages sont réels.c'est le regard d'un enfant sur un monde d'adulte.Un village dans Amalou qui compte 17 villages.Il serait souhaitable de mettre le nom de l'auteur merci beaucoup!et bonne lecture à toutes et à tous
BOUBEKEUR BESSAI - ASNIERES SUR SEINE, France

07/08/2018 - 382898

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