Une nouvelledonnée s'est imposée au Proche-Orient : l'absence de décision. Quelqueséléments qui expliquent ce statu quo. Un vent de révolte anti-américain semblesouffler au Moyen-Orient. Aux traditionnels opposants à la politique américainedans la région -Iran, résistance irakienne, Syrie-, s'ajoutent, depuis quelquessemaines, les alliés traditionnels de Washington dans le Golfe, qui expriment,sous de multiples formes, leur mécontentement. De hauts dignitaires saoudiens,ainsi que d'éminentes personnalités, en Egypte et dans le Golfe, se sontrelayés pour faire le procès de la politique américaine, notamment l'occupationde l'Irak et son attitude sur la question palestinienne. On parle d' « erreursà répétition » en Irak, d'échec « complet et définitif », de « stratégie de ladestruction » en Palestine, quand on n'évoque pas tout simplement la «catastrophe » et le « fiasco » total dans la région.Mais plus qu'unchangement de cap, ces critiques traduisent plutôt un souci de se replacer dansle jeu politique et de se refaire une crédibilité, dans l'attente de ce quesera la politique américaine de l'après George Bush. Car dans toute la région,une conviction semble s'imposer : les Etats-Unis sont dans l'impasse, et lasituation ne se débloquera qu'après les présidentielles américaines de 2008.Dans l'intervalle, il s'agit pour chacun de gérer au mieux le statu quo, depréserver ses positions en essayant de grappiller quelques gains, et de sepréparer à la nouvelle donne qui s'imposera avec l'administration, probablementdémocrate, qui succèdera à celle de George Bush.Tout laisse eneffet supposer que les Etats-Unis se sont installés dans un immobilisme quidurera jusqu'à début 2009. Le Président Bush et le Congrès vont se neutraliser,chacun campant sur ses positions, ce qui permet de bloquer l'adversaire, maisne suffit pas pour imposer sa vision. La confrontation sur le financement destroupes en Irak l'a confirmé. Le congrès a tenté de lier le financement à uncalendrier de retrait, ce que le George Bush a refusé. Mais le chef de laMaison Blanche ne peut ignorer indéfiniment le poids du Congrès, au risqued'aggraver sa position. Ceci provoquera un immobilisme qui va encore s'aggraverdurant les vingt prochains mois, lorsque les Etats-Unis entreront en campagneélectorale. Celle-ci est imminente, et les questions internationales y aurontpeu de poids, à l'exception d'un seul thème : les soldats américains morts enIrak.Les pays duMoyen-Orient semblent résignés à cette situation. Les Palestiniens, qui ensouffrent le plus, attendent avec soulagement et résignation le départ desnéoconservateurs. Soulagement, car rarement une administration américaine afait preuve d'un soutien aussi aveugle à Israël. Résignation, car ils saventque les démocrates sont traditionnellement proches d'Israël. En Syrie,l'attente est une règle. Le fragile équilibre qu'elle subit, avec l'arrivéemassive des réfugiés irakiens, les pressions occidentales, et l'inconnuelibanaise, imposent encore d'attendre. Toute action, dans un contexteincertain, est exclue. D'autant plus que la poudrière libanaise risqued'exploser à tout moment. Dans un jeu assez habile, la Syrie tente toutefois deposer les premiers jalons d'une nouvelle politique. En plus de l'accueil massifde réfugiés irakiens, les dirigeants ont également reçu Nancy Pelosi, laprésidente démocrate de la Chambre américaine des Représentants, et retrouvédes alliés au Liban après avoir amorti le choc de l'affaire libanaise. Ilsveulent ainsi anticiper la nouvelle politique américaine, en préservant lestatu quo jusqu'au départ de George Bush.En Irak, aucuneévolution de fond n'est envisageable avant de longs mois. Une victoiremilitaire est exclue, d'un côté comme de l'autre, mais chacun tente d'améliorerses positions. La résistance tente d'imposer ses règles, les islamistes, qu'ilssoient salafistes ou proches de l'Iran, avancent leurs pions, et legouvernement tente, avec l'appui américain, de mettre tout le monde devant unnouveau fait accompli en se créant une armée et des services de sécurité. Maistout le monde semble admettre que la négociation avec l'administration Bush està la fois impossible et inutile. La guerre continue donc, et l'Irak se détruitquotidiennement.Seul l'Iransemble avoir une meilleure gestion du temps. Avançant ses pions en Irak, ilmaintient ses choix dans le domaine du nucléaire, sachant que le temps joue ensa faveur. Il peut d'ores et déjà savourer une première victoire : lesEtats-Unis ont admis que Téhéran est un acteur incontournable dans l'échiquierrégional, et l'ont invité à des discussions. Mais l'Iran ne veut pas se laisserentraîner dans un calendrier qu'il ne contrôle pas. Il veut imposer son propreagenda, et semble en mesure d'y arriver.A l'inverse, etpour la première fois, Israël semble incapable d'imposer son propre calendrier.La faiblesse du gouvernement Ehud Olmert, les scandales à répétition, l'échecde la guerre du Liban, et l'absence de perspective politique semblent avoirdétruit la suprématie traditionnelle d'Israël dans la région. Mais la faiblessecriarde des pays arabes, d'un côté, et le puissant soutien des Etats-Unis, del'autre, semblent suffisants pour empêcher toute percée en faveur desPalestiniens.Dans les petitsEtats du Golfe, les préoccupations sont différentes. La proximité de l'Irak etde l'Iran ont longtemps convaincu ces pays que la protection américaine resteune priorité. Mais au-delà, chacun essaie de se faire une place dans le monde,en exploitant au mieux les formidables richesses financières offertes par lamanne pétrolière. Avec un succès évident pour Qatar et les Emirats, alors quele Koweït semble en retrait, n'ayant pas encore totalement digéré l'invasionirakienne.Mais la régionsouffre d'un déséquilibre grave, selon un spécialiste du Golfe. Au sein desprincipaux acteurs de la région, il y a une absence grave : celle des paysarabes. Et c'est là qu'intervient un jeu subtile entre l'Egypte et l'ArabieSaoudite. L'Egypte s'est retrouvée exclue du jeu, en raison de sa faiblesseéconomique, de sa dépendance, et de la menace islamiste. Elle cherche pourtantà se trouver un rôle, que personne ne veut lui accorder. L'Arabie Saoudite,forte de son pétrole et de la charge symbolique qu'elle porte, avec les Lieuxsaints de l'Islam, tente de pallier ce vide, en lançant des « raids »politiques, comme pour tâter le terrain. Ainsi, le Roi Abdallah a-t-il réussi àimposer une trêve entre le Fatah et le mouvement palestinien Hamas. Dans lafoulée, il a relancé l'initiative arabe de paix, mais il a préféré en déléguerla gestion à d'autres, de peur d'un nouvel échec. Auparavant, il avait noué descontacts directs avec le président iranien Mahmoud Ahmedinedjad, dans unetentative de trouver une nouvelle approche pour apaiser la région.Concernantl'Irak, l'Arabie Saoudite a adopté un langage nouveau. Non seulement elle avivement critiqué l'invasion américaine, mais elle a affirmé son intention dese poser comme protecteur des Sunnites irakiens au cas où la guerre civile dansce pays en arriverait à dégénérer avec le risque de massacre des Sunnites.C'est un nouveau rôle qui se dessine ainsi pour l'Arabie Saoudite, un rôle queles dirigeants saoudiens essaient d'imposer rapidement pour en faire une donnéeavec laquelle il faudra compter lorsque les Américains seront à nouveau enmesure de définir une politique dans la région.Cette carte restecependant aléatoire, car les Américains, malgré leur indécision, ne peuventlaisser les choses les déborder. Ce qui pousse un spécialiste du Golfe àévoquer cette autre hypothèse. Selon lui, l'Arabie Saoudite agit avec l'accorddes Etats-Unis, qui veulent faire de Ryadh le centre d'une grande alliancesunnite dans la région, seule force capable de faire face à un Iran nucléaire,particulièrement au cas où l'Irak basculerait définitivement dans le campiranien. Les Iraniens ont fait la preuve de leur savoir-faire, aussi bien dansleur aide au Hizbollah, que dans la gestion du dossier nucléaire. Ils ontmontré qu'ils sont le seul pays dans la région à avoir un véritable Etat,appuyé sur une vision politique cohérente. Cela leur a donné la force d'avancerconformément à leur propre agenda, de résister aux pressions américaines eteuropéennes, et de s'imposer d'ores et déjà comme une puissance régionale.C'est là ladifférence fondamentale avec les pays arabes : l'Iran a son propre agenda,alors que les pays arabes sont rivés à l'agenda américain. Et quand lesEtats-Unis, pour des raisons internes, n'ont pas d'agenda, les pays arabes sontcondamnés à attendre, pour se contenter de timides réactions visant à préserverle statu quo, jusqu'à ce qu'une nouvelle politique se dessine à Washington.C'est alors qu'ils essaieront de s'y adapter.
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Posté Le : 03/05/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com