LE MOUTON ET LE SORT DE L'OIGNON ET DE LA POMME DE TERRE

Les consommateurs ont-ils eu raison de la furie du marché 'L'aubaine survenue ces derniers jours en divisant par trois les prix des fruits et légumes tend à laisser penser que la retenue forcée et la parcimonie des ménages devant le feu des étalages ont engendré un effet heureux.
La loi de l'offre et de la demande a été encore de manière inattendue prouvée, d'autant qu'elle a été accompagnée en ce début d'été par une production fruitière et maraîchère remarquable.
L'oignon, la tomate, la pêche, l'abricot et tout le reste ont vu la superbe de leurs prix s'évaporer et le coût de la sardine s'est plié étonnamment à l'amputation des trois quarts de sa valeur effrontée. Il ne reste d'établi et rigide que le torse bombé du mouton. Mais il ne perd rien pour attendre, son tour viendra, car il va entamer, coûte que coûte, son grand repli. En aiguisant outrageusement en ce moment ces cornes, il est à espérer qu'il ne tire que sa dernière salve d'honneur. Il connaîtra tôt ou tard le sort de l'oignon et de la pomme de terre.
Le sens de la mesure semble se rétablir et une entente entre les marchands et les consommateurs s'installe pour adopter des normes commerciales raisonnables. La retenue imposée par la folle inflation et le resserrement drastique des bourses ménagères ont, peu à peu, donné naissance à une nouvelle et visible culture de consommation. Certes, elle s'accompagne de privations souvent douloureuses pour les familles, mais elle a aussi induit l'obligation de la tempérance pour les unes et souvent des renoncements blessants pour beaucoup d'autres. La majorité de la population, celle dans le besoin et celle moyenne, a toute la légitimité de pester et de nourrir la colère contre les affligeants impondérables financiers subis. Mais les temps actuels ont exigé de nouveaux comportements avec l'obligation de s'y plier. Il est déjà heureux que les amas de pain jetés aient disparu des poubelles et des sacs sur les trottoirs.