Algérie

Le moudjahid Ahmed Gadda



Le moudjahid Ahmed Gadda
L'un des derniers "bandits d'honneur" -qui écumaient les Aurès et qui furent source de tant de tourments pour l'occupant français-, Ahmed Gadda raconte fièrement comment ces "hors-la-loi" ont balisé, entre 1940 et 1954, la voie de la Révolution de Novembre.En dépit de ses 81 ans et d'une lourde maladie qui réduit sa mobilité, ce moudjahid de la première heure demeure très alerte et garde une mémoire très lucide, notamment en ce qui concerne le groupe de Hocine Berrehaïl qui fut "la main d'acier" de Mostefa Benboulaïd bien que l'histoire "semble lui avoir tourné le dos".Au début, les "hors-la-loi", défiant le pouvoir colonial, se réfugiaient dans les montagnes. Ils étaient, selon Gadda, au nombre de sept : Hocine Berrehaïl (chef du groupe et premier à s'abriter dans les montagnes dès 1942), Sadek Chebchoub, Ali Darnouni, Messaoud Benzelmat, Aïssa El Mekki, Belkacem Grine et Ahmed Gadda.Ces hommes furent ensuite rejoints par Mohamed Bensalem Benamor, Mohamed Belaadel, Mohamed-Salah Bensalem, Salah Ouassaf, Lakhdar Bourek, Messaoud Mokhtari, Messaoud Maâche, Djoudi Bicha (dit Boucenna) et Mohamed Ben Ahmed Meziani, précise Gadda.Chargé à 13 ans de rédiger les lettres de menaceHocine Berrehaïl qui se cachait près d'une vallée proche des terres de sa mère, à Chnaoura, avait chargé le petit Ahmed, alors âgé de 13 ans et qui fréquentait le Kouteb (classe d'enseignement coranique) du cheikh Messaoud Guerziz, d'écrire des lettres de menace destinées aux caïds, aux agents de l'ordre et aux responsables locaux de l'administration coloniale.Dénoncé, il fut arrêté pendant 15 jours mais les menaces de Hocine Berrahaïl finirent par favoriser son évasion avec le concours d'un des gardiens nommé Omar Benzerarar. Accueilli par Berrehaïl, Gadda affirme avoir vendu une parcelle de terrain pour s'acheter une arme.La relation du groupe avec Mostefa Benboulaïd date de 1947, selon Gadda qui affirme que le Lion des Aurès, au fait de leurs activités, leur avait même communiqué des noms de certains notables et traîtres pour les menacer. S'étant aperçu du lien naissant entre Benboulaïd et les ?'bandits d'honneur , l'administrateur d'Arris, un certain Fabier, proposa à Berrehaïl une amnistie, lui et son groupe et leur offrit une récompense en contrepartie de l'assassinat de Benboulaïd.S'apercevant de l'intention de Fabier de briser le mouvement nationaliste dans la région, Berrehaïl rencontra Benboulaïd, par l'intermédiaire de Mostefa Aïssi, de nuit dans sa maison à Arris, et lui fit part de l'intention de l'administrateur de l'assassiner. Le chef des "bandits d'honneur" promit cette nuit-là à Benboulaïd d'être son bras fort dans la région, affirme Gadda qui était présent à cette réunion avec Sadek Chebchoub et Aïssa El Mekki.Les "hors-la-loi" protégeaient les planificateurs de la RévolutionCette position avait facilité la création des cellules et de groupes ainsi que l'acheminement des armes qui étaient cachées dans les maquis des monts Chelia et Chnaoura, ajoute Gadda qui souligne que plusieurs réunions étaient par la suite tenues avec Benboulaïd.Le groupe de Berrehaïl avait même accueilli certains des chefs qui préparaient la Révolution et des membres recherchés de l'Organisation spéciale (OS), comme Abdallah Bentobal, Didouche Mourad, Habachi Abdeslam, Chihani Bachir, Bouzida Mohamed, Abdelhafid Boussouf, Rabah Bitat et Mohamed Ben Djedou. Ils furent reçus par Messaoud Belagoun à la demande de Mostefa Bousseta.Vers la fin d'avril 1951, une deuxième vague de nationalistes dont Zighoud Youcef, Abdelbaki Bekouche, Amar Benaouda, Slimane Berkat, Mekki Berkat, est hébergée dans la région dans le plus grand secret malgré la surveillance étroite de l'administration coloniale. Le succès de l'opération revenait à l'ingéniosité de Messaoud Benaïssa et à la connaissance parfaite du relief de la région par les "bandits d'honneur".Des surnoms avaient été donnés à ces nationalistes réfugiés dans la région par Messaoud Benaïssa qui était le contact entre Benboulaïd et les hors-la-loi.Ainsi Abdelhafid Boussouf était appelé Si Mabrouk et était sous la protection de Sadek Chebchoub, de Habachi Abdeslam et d'Ahmed Gadda, assure ce dernier."Nous déplacions constamment les hôtes des Aurès entre les monts Chelia (Khenchela) et M'chounech (Biskra) pour éviter que l'on soit découvert et ce, jusqu'à la veille de novembre 1954", affirme encore Gadda qui souligne qu'à l'approche du jour J, les armes cachées ont été rassemblées en deux lieux : dans la maison d'Ali Baâzi à Dechrat Ouled Moussa, et au domicile de Mohamed-Seghir Tighaza, à El H'rig, avant d'être distribuées par Benboulaïd lors de la réunion historique à Dechrat Ouled Moussa.Mohamed Mezoudj, alias Omar Agrour, premier chahid des AurèsAhmed Gadda soutient que Mohamed Mezoudj, alias Omar Agrour, membre du groupe de Belgacem Grine, fut le premier chahid de la région des Aurès. Le groupe de Grine avait été chargé par Benboulaïd d'attaquer le siège de la brigade mobile au centre-ville de Batna. Il s'était dirigé ensuite vers le mont Kasrou puis à Seriana où Mezoudj tomba au champ d'honneur lors d'un accrochage avec des gendarmes, le 3 novembre 1954 et non pas le 12 novembre, date d'inscription de la mort, affirme catégoriquement Gadda."Nous avons vainement tenté, et à plusieurs reprises, de corriger cette erreur", assure le moudjahid qui indique qu'il était, dans la nuit du 1er novembre 1954, à la tête du groupe chargé d'opérer à Biskra.Recherché depuis 1947 jusqu'à l'indépendance, Ahmed Gadda ne fut jamais arrêté en dépit de ces mouvements constants et de ses nombreuses actions, dont sa participation à la bataille d'Ifir Lebleh aux côtés de Mostefa Benboulaïd.Le vieil homme soutient aussi qu'Adjal Adjoul ne fut jamais un traître mais un véritable héros qui n'a rien à voir avec l'assassinat de Benboulaïd.Il assure également que l'offensive du Nord-constantinois ne visait pas à briser le siège des Aurès mais à élargir le champ de la Révolution puisque, dit-il, trois groupes de la région des Aurès comptant 120 moudjahidine armés y avaient pris part.Les yeux d'Ahmed Gadda, rencontré par l'APS à son domicile, à l'entrée de la ville de Tazoult (10 km de la ville de Batna), se mettent à briller à chaque évocation du groupe de "bandits d'honneur" qui avait terrifié, durant les années 1940, les forces d'occupation. Il montre avec fierté de vielles photos patinées de cette époque, ainsi que les documents de l'administration coloniale mentionnant le nom d'Ahmed Gadda en tant que "terroriste" et de "dangereux criminel". Gadda conserve également deux des lettres de menace qu'il avait lui-même écrites en langue arabe et sur lesquelles l'on peut lire "premier avertissement". Les deux lettres qui portent un sceau où figurent une étoile et d'un croissant lui avaient été remises après l'indépendance par un citoyen de Chnaoura qui les avait dissimulées sous des pierres.Fayçal et Tarek, deux des 10 enfants d'Ahmed Gadda, montrent non moins fièrement les deux lettres encadrées et accrochées au salon réservé à l'accueil des hôtes de leur père. Deux documents d'une valeur inestimable, ne serait-ce que parce qu'ils témoignent de l'épopée des "bandits d'honneur" des Aurès.




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