Algérie

Le moto-cross de Djelfa annulé : Une femme dans un sport d'hommes


Tout était fin prêt. Le circuit tracé, les participants, les motos et l'organisation. Prévu pour vendredi dernier, le rallye moto-cross de Djelfa n'a pourtant pas eu lieu, à cause d'une autorisation refusée par la Fédération des sports mécaniques d'Alger. Pour son organisatrice, la remuante Khedidja Benmahrouche, elle-même pilote automobile et présidente du club des Fennecs des dunes à Laghouat, son lieu de résidence, « la bureaucratie, la jalousie, la méchanceté et l'inertie ont eu raison de ce rallye, qui n'a rien demandé à personne ». Pour M. Houadef, le président de la fédération, Mme Benmahrouche, en tant que présidente d'un club local, « n'a pas les compétences territoriales pour organiser un rallye national, le règlement stipule que la demande doit être déposée 1 mois avant et son terrain n'est pas conforme ».Seule parmi les machosOrganisatrice de plusieurs autres rallyes, dont le rallye international féminin « Le plus grand désert du monde » avait pourtant eu l'accord de la fédération pour ces compétitions extra-locales. Cette femme, la seule dans un milieu très macho, affirme que le président lui a donné l'accord verbal pour son rallye et « j'ai un constat d'huissier qui homologue le terrain de Djelfa ». Mme Benmahrouche tient à préciser qu'elle n'a demandé ni argent ni subventions, « mais on est obligés de passer par la fédération pour avoir cette autorisation ». Ayant eu l'accord verbal du ministère de la Jeunesse et des Sports et le patronat de la wilaya de Djelfa pour ce rallye entièrement gratuit, et qui rassemble des jeunes de la région, « je n'aurais pas engagé tous ces frais, si on ne m'avait pas promis une autorisation », Khedidja s'est vue malmenée par la fédération. « Ils me font courir, se moquent de moi et ils changent d'avis tous les jours », s'emporte-t-elle. « Je paye avec mes propres fonds et je n'ai reçu aucun dinar des pouvoirs publics. » Dans ce milieu de gros bras, les rapports ne sont pas tendres.M. Houadef, le président de la FASM, la fédération automobile, nommé par le ministre de la Jeunesse et des Sports, en sa qualité d'enfant de son village (Aïn Touta), disent les mauvaises langues, explique que « selon le règlement intérieur, Mme Benmahrouche risquait 6 mois de prison si elle avait organisé ce rallye sans autorisation », comme le lui avait conseillé « certains responsables du ministère de la Jeunesse et des Sports », affirme-t-elle, « qui se sont rétractés par la suite ». Mme Benmahrouche, 42 ans, énergique chef d'entreprise et mère de quatre enfants, amoureuse des déserts et des sports automobiles, est épuisée. « La fédération est riche mais elle ne fait pas grand-chose, et quand on veut lancer une initiative, on nous refuse les autorisations. » L'histoire n'en est pas restée là, « le président a même été plus loin, me jetant dehors en me disant devant des témoins que si je n'avais pas été membre de la fédération, il m'aurait égorgée parce que je ne porte pas le hidjab ». Egorgée, « ce sont ses propres mots », répète et répète encore Khedidja qui a fini à l'hôpital le soir même, pour une grosse chute de tension.La décision d'Alger attenduePour M. Haoudef, la version est différente ; après une altercation à la fédération suite au refus de délivrer l'autorisation pour le moto-cross de Djelfa, « elle m'a dit que nous n'étions pas des musulmans, ce à quoi je lui ai répondu que tu l'es encore moins, vu ta tenue ». Ce que dément Mme Benmahrouche : « J'étais habillée de manière très correcte et je lui ai dit : ''Un peu de rahma s'il vous plait, pensez aux jeunes de la région qui attendent ce rallye.'' » Une plainte a quand même été déposée contre le président de la fédération et « de toute façon », tient à expliquer M. Houadef, « elle est connue dans le milieu comme quelqu'un qui fait des problèmes ». En attendant, les jeunes de Djelfa n'ont pas eu leur rallye. Ils se sont quand même rassemblés à Laghouat, attendant qu'il se passe enfin quelque chose en haut, à Alger, là où on a cet immense pouvoir de signer les autorisations, de nommer les gens et de décider du sort des autres.
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