Algérie

«Le monstre bureaucratique nous affole»


L'Expression: Le président de la République a demandé, il y a une vingtaine de jours la révision de l'accord d'association avec l'Union européenne. Où en est- on'Ali Bey Nesri: Pour bien comprendre les enjeux de cet accord d'association, il faut se référer au processus de Barcelone. Cette conférence euro-méditerranéenne, tenue en 1995, avait pour principal objectif de réunir les pays du sud de la Méditerranée pour les intégrer dans l'espace européen. Il faut revenir à l'esprit de cette conférence.
L'objectif du processus de Barcelone est de consacrer l'espace méditerranéen comme un espace de paix, de stabilité et de prospérité. L'idée originelle était d'harmoniciser le sud et le nord de la Méditerranée autour de plusieurs dimensions. Celles-ci sont commerciales, sécuritaires, socioculturelles et économiques, à travers une politique d'investissement, en sus de la liberté des échanges et de circulation. Là, j'insiste pour dire que nous n'avons pas profité de l'aspect investissement contenu dans cet accord. Je dois dire, à ce propos, que l'Algérie a sa part de responsabilité.
Justement vous avez évoqué l'approche économique. Qu'est- ce qu'il y a lieu de changer'
D'abord, nous n'avons pas construit de cadre attractif ni de stabilité juridique pour attirer les investissements européens, alors qu'on était un marché dynamique. La stabilité des textes donne de l'assurance pour le futur investisseur.
Je pense que le président de la Réplique comprend cette nécessité, puisqu'il avait demandé d'élaborer des textes avec une perspective de 10 ans. Vous savez, économiquement parlant, on ne vient pas dans un pays qui change de règle tout le temps. Deuxièmement, il serait judicieux de mettre en place les conditions d'attractivité du pays. C'est ce qu'on appelle les paramètres «du Doing business». Les investisseurs étrangers mesurent les différents paramètres et conditions favorables, avant de s'installer dans un pays. Je citerai dans ce sens, la durée de délivrance des permis de construire, la connexion des infrastructures au gaz, à l'électricité et au réseau téléphonique, etc. Et la mise en place de «l'attractivité» passe par la suppression des obstacles à l'investissement.
Vous avez souligné la durée de délivrance des permis de construire comme l'une des conditions à mettre en place. Combien de temps prend la procédure'
Justement, c'est l'un des grands obstacles qui bloquent l'investissement. La délivrance du permis de construire prend au minimum une année. C'est un point qu'il faut absolument revoir. Et pas que cela. Il faudrait également mettre en place de vrais pôles industriels réellement viabilisés. D'autres mesures s'imposent aussi, comme la lutte contre la corruption. Le monstre de la bureaucratie est l'un des problèmes à résoudre et cela a été même signalé par le président de la République. Il est plus que nécessaire de corriger toutes ces insuffisances. Il faudrait aussi développer une vision sur les futurs investissements, c'est- à -dire que l'Algérie doit sélectionner les investissements qui vont venir créer de la richesse et importer de la devise au pays, et pas le contraire.
Quels sont, selon vous, les secteurs sur lesquels le pays doit porter un intérêt particulier'
Je citerai les services et le numérique. L'industrie du digital 4.0 arrive en tête. C'est un secteur qui doit être privilégié. Il est impératif que l'Algérie s'inscrive dans cette direction-là. Il faut également promouvoir les investissements dans les industries de transformation, car le secteur agricole est excédentaire et malheureusement on ne transforme pas beaucoup pour l'exportation. On se focalise sur la transformation de trois types de produits, à savoir la harissa, la confiture et la tomate, avec un taux qui tourne autour de 3%. Un taux qui reste très bas, voire insignifiant. On a donc besoin de transformer davantage de produits.
L'industrie automobile du futur doit aussi figurer parmi les priorités. Il faut d'ores et déjà créer un réseau de sous-traitants permettant d'intégrer cette industrie, et aussi celle de l'électroménager et de l'électronique.
Pareil pour l'industrie pharmaceutique. Il faudrait aussi former une ressource humaine qualifiée. Et c'est un autre point très important. Il faut en finir avec les discours. On a besoin de concret. Les avantages en termes de coûts d'énergie et de main-d'oeuvre sont là. Ce sont actuellement les atouts de l'Algérie.
Il est tout aussi important de valoriser les ressources minières de l'Algérie. C'est un secteur très important qui doit drainer d'importants investissements. Tout le monde dans le pays sait qu'on a suffisamment de ressources minières à exploiter, notamment dans le sud du pays.
Nous avons des métaux rares, tel le vanadium, le manganèse. Nous avons le phosphate, qu'on exporte, malheureusement, à l'état brut, avec une moyenne annuelle
d'1 million 300 000 tonnes, avec un coût très bas. Nous le vendons à 70 et 90 dollars maximum la tonne.
En contrepartie, nous importons ses dérivés, tel l'acide phosphorique, avec des factures salées! Nous importons le phosphate de diammonium, un autre dérivé du phosphate, avec un coût qui dépasse les 500 dollars la tonne. Pourquoi ne pas valoriser cette matière'
On doit transformer nos ressources minières avant de les exporter. On peut non seulement se substituer à l'importation des dérivés, mais aussi se diriger vers leurs exportations, parce qu'il y a une forte demande dans ces segments. L'objectif principal de l'Algérie doit être de s'intégrer dans la chaîne de valeur, à l'échelle internationale.
La loi de finances sera suivie d'autres textes de loi, à l'instar du tant attendu projet de loi sur l'investissement. Comment peut-on le rendre plus attractif'
Le contrôle des changes est l'un des plus grands freins au problème de l'Algérie. Il faut que le texte inclue la révision de la réglementation des changes, qui est en deçà du standard international, par rapport à ce que font les autres pays.
Il y a urgence à revoir les choses, du fait qu'il y a une concurrence entre les pays, pour l'investissement. Et il ne faut pas que l'Algérie reste en bas du tableau. Il faut le rendre favorable à un investissement massif. Les gens se plaignent beaucoup de cet obstacle et le président Tebboune a demandé sa révision. Pour l'heure, on attend la concrétisation de cette réforme.
En parlant des décisions importantes initiées par le président, ce dernier avait ratifié le 5 avril dernier, l'accord de la Zlecaf. Comment peut-on techniquement le rendre plus avantageux pour l'Algérie'
Il faut déposer les instruments de ratification. L'Algérie doit savoir le négocier. Il faut déterminer ce qu'on va ouvrir. On doit définir les services et les types de transport (aérien, maritime, terrestre) qui vont avantager notre économie. Il faut encourager nos entreprises à investir dans les pays africains dans l'industrie agroalimentaire. Nos voisins africains ont des produits agricoles à exporter. Il faut savoir tirer profit du secteur de la transformation agroalimentaire et ne pas donner la chance à d'autres pays. Si on rate l'occasion, d'autres pays vont venir s'installer et profiter de l'accord de la Zlecaf. On doit investir en Afrique, pour éviter qu'on nous impose d'acheter des produits plus cher. La balle est toujours dans notre camp. Et les pays africains attendent de l'Algérie à ce qu'elle investisse. Sinon, ce qu'on a reproché à l'Europe, ces pays vont nous le reprocher. On doit investir à l'international, et il faut réviser les lois qui bloquent.
La Covid-19 a fait exploser les prix du fret maritime. Comment remédier à cela'
On a besoin d'avoir un armement national. Je l'ai toujours dit. Et il n'est pas normal qu'on importe 12 ou 13 millions de tonnes de produits qui relèvent de la Sécurité alimentaire nationale. La cherté du fret maritime est l'une des causes de l'inflation. C'est le citoyen qui paye, aujourd'hui, la rançon.
Un dernier mot'
L'Algérie a tout le potentiel et les capacités nécessaires pour devenir un pays émergent de premier ordre. Elle peut attirer tous les investisseurs du monde de par sa position géostratégique, de par les accords qu'elle a signés, de par ses ressources humaines et de par toutes les matières premières à transformer. On a besoin de la diplomatie économique Il est temps que les hautes autorités s'impliquent, parce qu'on n' a pas eu de déplacement, par exemple, de Premier ministre pour accompagner des hommes d'affaires. Il faut montrer à un haut niveau notre volonté d'aller échanger avec l'Afrique sur le point de vue économique. Il faut mettre notre outil diplomatique au service de l'économie.
ça sera le signal fort. Il faut que le Premier ministre se déplace avec nos hommes d'affaires pour faire «bouger»» les choses en notre faveur. C'est à lui de donner le coup de starter. Il doit montrer que la Zlecaf est notre territoire et que l'Algérie est mobilisée pour la régie de cette zone.
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