Algérie

Le monstre


«...Le mot ´´mafia´´ est prononcé toutes les dix secondes dans l'ensemble des programmes de la télévision américaine.» Woody AllenUn ami, qui a pris sa retraite depuis déjà un bon bout de temps, se désole de ne pas avoir pu placer au moins un de ses enfants dans l'entreprise où il a passé la plus grande partie de sa vie d'adulte. Il a fait maints déplacements vers ce lieu dont chaque recoin lui rappelle des souvenirs. En vain. Il a tout essayé: il a déployé des trésors d'éloquence, il a fait fi de toute pudeur et a étalé sa misère morale au grand jour. Rien n'y fit. Il trouva toutes les portes fermées: à chaque fois il dut écouter patiemment les arguments forts de responsables conscients de la bonne santé de leur entreprise. Restriction des budgets, arrêt des embauches, crise économique, niveau requis, concours ouverts et tutti quanti... et pourtant, il rencontre de nouveaux visages chaque fois qu'il effectue un vain déplacement. Désespéré, il mit une croix sur cette entreprise où le parachutage est le sport favori. Dépité, il s'en ouvrit à moi et il épancha sa déception en ces termes: «Je ne sais pas comment il faut l'appeler mais elle est partout et on ne la voit pas. Elle est partout et ses effets se font sentir dans les actes les plus quotidiens du citoyen le plus modeste. Elle affecte toutes les branches du système et étend ses tentacules dans toutes les institutions. Elle n'a pas de patrie. Elle n'est pas régionaliste même si quelquefois elle utilise ce canal si rentable. Elle est souvent népotique car elle opère en famille où les liens de solidarité sont les plus forts, les plus solides car, pour survivre, elle a besoin de cette solidarité. Elle affecte tous les pays, des plus développés aux plus misérables. Elle est souterraine dans les pays du Nord, elle est criante et parade dans ceux du Sud. Elle est responsable de la mal-vie et même de la mort d'innocents citoyens. Tout le monde la dénonce, et cela depuis longtemps, mais elle est toujours là, rampante et victorieuse. Elle est responsable de drames et de tragédies. On a écrit des livres et on a fait des films sur elle. Elle est populaire évidemment car elle est sournoise. Elle s'installe dans le quartier comme elle a pignon sur rue dans les grandes avenues, au fronton des grandes banques qui font les coquettes. Elle peut être corse, sicilienne, calabraise ou irlandaise, peu importe! Elle est internationale car elle se nourrit du sang, de la vie de ceux qui travaillent honnêtement. Elle est présente partout, sur le carreau des halles où elle décide du prix de la pomme de terre, de la durée du séjour du tubercule dans les magasins frigorifiques ou sous terre. Elle est dans la marée et est responsable de la quantité de sardines à rejeter à la mer afin que le poisson reste rentable pour l'honorable intermédiaire qui, les mains dans les poches, ou par un simple coup de téléphone, décide du sort du marin pêcheur. Elle est dans la récupération des métaux ferreux et non ferreux, il faut des documents nombreux pour prétendre en exporter et cela n'est pas à la portée du simple mortel. Elle est dans l'honorable institution des douanes ou des impôts qui sont censées mettre les citoyens sur un pied d'égalité, alors qu'en vérité...Elle est dans le médicament car elle décide de vendre tel ou tel produit, rend remboursable tel autre. Elle émet des suspicions sur l'un et déroule un large tapis rouge pour l'autre. Elle permet à certains d'avoir droit à des centaines d'hectares de terre agricole alors qu'elle refuse à d'autres les 200m² sur terrain constructible. Elle est généreuse à la banque puisqu'elle permet des prêts gigantesques sans garanties. Elle trouve refuge partout parce qu'elle est riche. Elle fait comme chez elle car, elle est partout chez elle. Et pourtant tout le monde la dénonce. Personne n'est encore arrivé à l'extirper de son obscur repaire. Demain, peut-être, des politicards, à la tribune, annonceront triomphalement que la mafia est résiduelle.»
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