Le Mondial des Brésiliens qui ne sont pas au stade

à l'heure où les joueurs de la Seleçao sont starisés, il me semble important de parler de ceux qui, sans avoir les moyens de se rendre au stade, vivent «leur» Copa. Vu d'ici, cette Coupe du Monde repose sur un mensonge : le 30 octobre 2007, notre ancien président, Luiz Inâcio Lula da Silva, était fier de remporter l'organisation d'une Coupe du Monde pour laquelle, disait-il, «aucun argent public ne serait dépensé». Sept ans plus tard, lors de la cérémonie d'ouverture, l'actuelle présidente, Dilma Rousseff, s'est épargnée un discours officiel qui lui aurait valu les sifflets et l'humiliation ?une colombe blanche ayant remplacé son speech. Lors de cette grand-messe, la télévision brésilienne n'a pas jugé utile de retransmettre la prouesse neuroscientifique du docteur brésilien Miguel Nicolells : un paraplégique à réussi à frapper un ballon grâce à un exosquelette contrôlé par son cerveau. Un exploit qui aurait mérité d'être mis en avant.Ici, ceux qui touchent le Smic (environ 240 euros) regardent les matchs à la télé. Mais il reste ces petits miracles qui donnent un sens au Mondial. Wellington, un transporteur habitant Taquera, une banlieue de Sao Paulo où se situent aussi le coûteux stade hébergeant quelques rencontres du Mondial, a ainsi vu sa Copa transformée par le hasard. Abandonné par un ami, un touriste américain a décidé de faire le tour du quartier pour trouver quelqu'un qui l'accompagne au match d'ouverture Brésil-Croatie et est tombé sur Wellington, auquel il a offert un billet. Par la suite, l'Américain a passé plusieurs nuits dans l'humble demeure de Wellington.Il y a aussi l'histoire d'un taxi et de son client mexicain. Ce dernier a oublié 40 places de match dans la voiture, dont certaines pour les huitièmes de finale ?une fortune. Le chauffeur a alors fait le tour des groupes de supporters mexicains. Il a retrouvé son client et lui a remis les places... en lui faisantpromettre de supporter la Seleçao, exception faite, j'imagine, pour le match Brésil-Mexique de mardi.Cet autre Brésil, on le trouve aussi sur les réseaux sociaux. Depuis sa prestation lors de la cérémonie d'ouverture, la chanteuse brésilienne Claudia Leite est comparée par tout à Galinha Pintadinha, un personnage déguisé en poulet bleu (comme la tenue de la chanteuse ce soir-là) adoré par les enfants. Quant au penalty face aux Croates : il suffit de jeter un coup d'?il sur le Web pour constater que les Brésiliens n'ont eu besoin de personne pour voir que l'arbitre avait été complaisant. Moi, «c'est surtout à cet autre Brésil que je m'identifie».F. S.* A 50 ans, Felipe Saad est un défenseur brésilien qui évolue à Caen, après avoir été vainqueur de la Coupe de France avec Guingamp. Il est rentré au Brésil pour la «Copa»