Petite lueur
d'optimisme au Mali. Mais au moment où un processus très délicat est engagé, se
posent les questions récurrentes : qui sont ces groupes rebelles qui
ensanglantent le pays ?
Il y a, dit-on,
les bons et les méchants Azaweds. Les bons, ce sont les membres du Mouvement
National de Libération de l'Azawed, le MNLA, dirigés par Mahmoud Ag Ghaly.
C'est un mouvement laïc et démocratique, prônant un islam ouvert, modéré,
teinté de soufisme, avec quelques relents de traditions d'Afrique. Il est très
modéré. Si modéré que, face à la menace des milices qui ont pris Tombouctou, au
nord du Mali, le MNLA a permis à une ressortissante française de se cacher,
avant de la prendre en charge et de l'évacuer vers Bordj Badji Mokhtar, un
millier de kilomètres plus au nord, en Algérie.
Le MNLA affirme
se battre pour «les principes de la démocratie et de la laïcité». Il mène un
«combat libérateur», avec des «objectifs démocratiques, laïcs et
révolutionnaires». Il refuse les «criminels qui visent à instaurer un régime
théocratique, en totale contradiction avec nos fondements culturels et
civilisationnels». A lire les commentaires flatteurs qui l'entourent, il
apparait presque comme un bon vieux parti social-démocrate.
Les méchants, ce
sont Ansar Eddine, une organisation de type taliban, nourrie au rigorisme du
désert, et qui veut imposer un régime islamique strict sur tout bout de
territoire qu'elle réussit à conquérir. Dirigée par Iyad Ag Ghaly, un militant
engagé dans la contestation depuis les années 1990, devenu plus tard diplomate
avant un mystérieux séjour au Qatar, Ansar Eddine a montré une capacité
militaire redoutable pour doubler le MNLA et prendre le supplanter dans le nord
du Mali qu'il venait de conquérir.
Chez Ansar
Eddine, on se teint la barbe au henné, selon des vidéos disponibles sur
Internet. Le chef est un imam, converti au salafisme lors d'un passage au
Pakistan, ou pendant son séjour comme diplomate en Arabie saoudite, on ne sait
plus. Sur les vidéos, le chef de l'organisation apparait plus souvent en train
de mener la prière que dans un rôle politique. Il a même une tendance à imiter
le comportement de Oussama Ben Laden. Ses disciples ne parlent pas d'état, mais
d'émirat ou de califat. Les vidéos disponibles sont formelles : ces groupes ne
connaissent pas l'Etat national, ni les frontières. Ils vivent terrés dans le
désert, mais ils ont une vision internationaliste des choses : le djihad,
toujours le djihad, rien que le djihad jusqu'à ce que l'Islam triomphe dans le
monde entier. Il y a évidemment un choix d'images qui force un peu le trait,
pour montrer ces groupes sous une image caricaturale, mais dans ce genre
d'organisations, ce sont les illuminés qui parlent le plus et qui imposent leur
vision du monde.
L'organisation
Ansar Eddine apparait ainsi comme extrême. Mais la carte politique du monde
azawed offre encore plus radical. Oui, il y a encore plus méchant. Al-Qaïda au
Maghreb islamique, dirigée par Mokhtar Belmokhtar, un ancien du GIA transféré
vers le Sahel, a en effet choisi le nord du Mali comme base arrière. La
déliquescence des institutions maliennes et l'avancée du MNLA et de Ansar
Eddine ont offert à cette organisation, branche maghrébine d'Al-Qaïda,
l'occasion d'organiser une apparition publique de ses chefs. C'est la seule
fois qu'un tel évènement est signalé depuis la création de l'organisation, ce
qui montre à quel point les chefs de la succursale d'Al-Qaïda se sentent en
sécurité au Mali.
Avec un tel
groupuscule, n'importe quel pays se sentirait en danger. Mais il y a pire.
Comme ce «Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest» (Mujao),
qui serait une dissidence d'Al-Qaïda. S'agit-il d'une dissidence née à la suite
d'un conflit idéologique, d'un conflit sur le partage des zones d'influence, ou
d'autres facteurs encore plus opaques ? Toujours est-il que le premier acte de ce
mouvement a été d'enlever des ressortissants européens qui travaillaient dans
les camps de réfugiés du Sahara Occidental, près de Tindouf. C'était une
première, tant la région est traditionnellement verrouillée par l'armée
algérienne et par le front Polisario.
Et dans ce
cafouillage, survient la grande surprise : Boko Haram serait, à son tour,
présente dans le nord du Mali. Des membres de cette secte seraient mêlés à
l'enlèvement du consul d'Algérie et des employés consulaires à Gao. Ils
seraient une centaine à se joindre à la grande offensive qui a conduit à la
conquête du nord du Mali par des groupes rebelles.
Boko Haram, c'est
cette organisation qui mène une guérilla sanglante dans le nord du Nigéria,
entrainant peu à peu la région dans le cycle classique attentat-répression.
Faut-il la comparer à Ansar Eddine, ou à la fameuse Armée du Seigneur, cette
secte conduite par un autre illuminé, qui sème la terreur dans l'Ouganda et
dans tout le centre de l'Afrique ?
Qu'importe. Ces
nébuleuse dépasse largement ce que peut supporter le Mali. Une telle
concentration de mouvements, aussi opaques les uns que les autres, ne peut que
susciter des interrogations. Car derrière chaque mouvement, se profile, au
loin, une ombre, qui finance, fournit la logistique, l'idéologie ou l'appui
médiatique. Qui ? S'il est difficile de le dire, il est toujours possible de
rappeler cette évidence : une responsabilité centrale incombe à ceux qui ont
ouvert un supermarché pour les livraisons d'armes en Libye.
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Posté Le : 12/04/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com