Par Abdelmadjid Attar(*)
On pourrait affirmer sans risque que la scène énergétique mondiale est en train de s'affoler actuellement avec des prix qui flambent aussi bien pour l'électricité que le gaz et le pétrole, des risques de pénurie de gaz et même d'électricité. Mais est-ce que ce sont les ressources qui manquent, ou se raréfient, qu'elles soient fossiles ou renouvelables, puisque quand elles sont abondantes sur le marché les prix baissent ' N'y a-t-il pas d'autres raisons qui n'ont rien à voir avec tout cela '
Chacun y va avec en justifiant ce qui se passe ou en pointant du doigt une cause liée à la position russe sur l'ouverture du North Stream 2, à la libéralisation accélérée du marché gazier européen, au niveau bas des stocks destinés à la saison hivernale, à l'Opep qui tarde à augmenter sa production, et bien sûr aux aléas climatiques qui ont provoqué l'arrêt d'une partie de la production américaine en même temps qu'elles n'ont pas permis cette fois aux éoliennes de produire tout ce dont avaient besoin les consommateurs. D'autres vont plus loin et affirment que «le lobby pétrolier est derrière tout ça», ou alors que la taxe carbone étant trop élevée a entraîné une forte augmentation du prix du gaz, laquelle entraîne à nouveau un appel plus important au charbon, et ruine le recours aux énergies renouvelables.
Il est évident aujourd'hui que personne ne doute de la nécessité de lutter contre les impacts négatifs des changements climatiques en se focalisant sur toutes ses causes, mais aussi en prenant sérieusement en considération la nécessaire disponibilité, surtout à temps, de l'énergie dont ont besoin les économies et l'humanité tout entière.
Est-ce que nous ne sommes pas finalement tombés dans l'excès d'une transition énergétique trop accélérée dont nous n'avons pas bien estimé les surprises liées à l'intermittence et le stockage d'énergie ' C'est bien de croire que le progrès technologique va finir par résoudre ces problèmes, mais il pourra aussi dévoiler d'autres risques plus importants. Enterrer aussi rapidement, comme le croient certains, le rôle et la place des sources d'énergie fossiles (hydrocarbures et surtout le gaz naturel, et charbon), y compris le nucléaire, ou les culpabiliser après tant de contribution au développement de toute l'humanité, est une erreur, même si cette contribution s'est accompagnée de son lot d'agressions sur le climat et l'environnement. Toutes les sources d'énergie ont leur lot d'inconvénients dans le mode de leur exploitation, ou dans l'usage de l'énergie produite.
La solution est, par conséquent, dans une transition mesurée, qui tient compte des besoins propres à chaque pays, chaque économie, de leurs capacités et moyens de mettre en ?uvre les stratégies appropriées. Les hydrocarbures et plus spécialement le gaz naturel n'ont pas dit leur dernier mot, parce que ces ressources vont aussi bénéficier des progrès technologiques susceptibles d'amoindrir leur impact sur le climat, puis ne disparaîtront que quand il n'y aura plus de réserves, ou alors quand le caractère rentier de certaines économies prendra fin.
L'Algérie est dans ce cas précis, et ça n'avancera à rien de la comparer avec tel ou tel autre pays. Certains d'entre eux qui ont pourtant plus de moyens ont cru que les éoliennes allaient régler leur problème énergétique, ils ont oublié les aléas de dame nature (gel, mauvais temps, absence de vents, etc.). D'autres commencent à réfléchir quoi faire pour disposer des terres rares nécessaires, et quoi faire des déchets qui en découlent. L'Algérie a juste la chance de posséder les deux catégories de ressources énergétiques, fossiles et non renouvelables, mais ce n'est pas suffisant. Se lamenter ou regretter son caractère rentier, pétro-dépendant ne nous avancera à rien non plus. Il faut, bien sûr, penser à bâtir un futur énergétique indépendant, mais ceci n'aura lieu que s'il y a d'abord une indépendance économique, des moyens financiers conséquents pour basculer progressivement vers un nouveau modèle de consommation énergétique, et des compétences technologiques pour en assurer le succès. Il n'y a pas de baguette magique pour y arriver aussi bien pour disposer des énormes investissements à consentir, que pour tenter de réduire les délais de réalisation incompressibles, d'où le terme de transition à travers un partenariat bien réfléchi et non de saut dans l'inconnu.
A. A.
(*) Ancien ministre, ancien P-DG de Sonatrach.
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Posté Le : 13/10/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : LSA
Source : www.lesoirdalgerie.com