Daho Ould Kablia, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités
locales, est revenu, jeudi dernier, sur le dossier des enlèvements, en réponse
à une question orale d'un membre du Sénat sur la propagation du phénomène de
rapt d'enfants.
Le premier flic d'Algérie, se voulant rassurant, a affirmé que les 157
cas de kidnapping enregistrés par les services de sécurité, au cours des dix
premiers mois de 2010, ont été traités avec succès « grâce à l'intervention
rapide des forces de sécurité ». En 2006, et selon des chiffres donnés par la
presse à l'époque, 86 enfants disparus ont été retrouvés morts. Le ministre se
contentera de cette précision comptable sans dresser un parallèle avec les
chiffres des années passées malgré un laconique « ce type de crime n'a pas
connu une hausse sensible » et sans préciser également les tranches d'âge des
victimes d'enlèvement. Il démentira, néanmoins, et de manière catégorique, les
informations selon lesquelles les enlèvements d'enfants sont motivés par le
trafic d'organes. L'une des premières raisons d'opération de kidnapping, selon
la vox populi, qui bon an, mal an, classe le vol d'organes dans le hit parade
des raisons d'être de ces affaires. M. Ould Kablia a voulu, par ces précisions,
mettre un terme à une « légende urbaine » qui a pourri la vie à des millions
d'Algériens, principalement en 2008, lorsque des rumeurs persistantes ont fait
le tour de plusieurs grandes villes d'Algérie, et plus particulièrement Oran,
sur l'existence de bandes spécialisées dans l'enlèvement d'enfants, leur
acheminement vers des cliniques privées marocaines et le vol de leurs organes.
A l'époque, la nouvelle s'était vite répandue à travers tous les quartiers de
la ville et même au-delà de ses frontières administratives. Une information
relayée de bouches à oreille, entretenue par la rumeur grossissante et prise en
charge par la rue pour en faire une vérité. Chacun y allait de son rapt et
c'était à celui qui raconterait la plus invraisemblable des histoires. Les
scénarios les plus insensés sont échafaudés. Des « on m'a raconté » aux fameux
témoins oculaires qui vous racontent la scène du rapt, toute la panoplie du
relai de la rumeur s'est mise en branle pour littéralement pourrir la vie des
Oranais. Une véritable hystérie s'est emparée des familles, craignant pour
leurs enfants. Une psychose s'était ainsi abattue sur le quotidien de la ville,
semant les graines de la paranoïa dans l'esprit de parents rongés par la peur.
Les enfants se faisaient accompagner à leurs établissements scolaires, les plus
petits interdits de jouer devant les pas de porte et les histoires les plus
farfelues continuaient à alimenter une chronique à la limite du surréalisme.
Une certaine presse, de son côté, contribua grandement à donner des dimensions
inimaginables à un simple fait divers devenu une véritable légende urbaine. En
l'espace de quelques jours, Oran était devenue la capitale des rapts d'enfants.
Trois enfants auraient été découverts dissimulés dans le coffre d'un taxi. Une
femme s'est fait agresser en plein jour et ses deux enfants enlevés par des
inconnus circulant à bord d'une fourgonnette. Un enfant de quatre ans aurait
été découvert errant sur un terrain vague, ausculté, on aurait diagnostiqué un
vol de rein. Les vols d'organes se multiplient et tous les enfants sont de
potentielles victimes des marchands de la mort. Toutes ces histoires ont été
entendues et amplifiées pour donner naissance à une énième légende urbaine. Cependant,
le moteur premier de ce phénomène trouve ses racines dans l'absence d'une
réaction officielle qui prenne en charge l'information face au départ de la
rumeur.
Une explication de texte qui
trouve toute sa raison dans le dénouement du dossier des kidnappeurs d'enfants
puisque après un démenti officiel du procureur de la République, niant tout
acte ou tentative de rapt à Oran, la rumeur s'est éteinte du jour au lendemain.
A croire qu'elle n'a jamais existé et mobilisé toute l'imagination d'une
population qui en avait fait son feuilleton d'épouvante. Par ailleurs, les
statistiques officielles, recueillies par la presse jusqu'en 2007, font état de
la disparition de 841 enfants, âgés de 4 à 16 ans, depuis 2001. Les chiffres
officiels de 2000 faisaient état de 28 cas d'enlèvement pour un seul mois.
En 2002, 117 enfants ont été
kidnappés, dont 71 filles. Le nombre d'enfants disparus s'élève à 168 en 2004.
La plupart des cas de disparition d'enfants ont été enregistrés dans les
grandes villes, avec une plus grande concentration de victimes à Oran, Alger et
Annaba. Kheira Messaoudene, chef du Bureau de Protection de l'Enfance à
l'Administration de la Police, avait déclaré en 2007 que les cas de disparition
d'enfants ne sont pas toujours imputables au kidnapping et que des enfants
peuvent désirer quitter leurs familles pour des raisons sociales. Rappelons
qu'Ahmed Ouyahia avait appelé à l'époque à une sévérité exacerbée dans la
punition des kidnappeurs, allant jusqu'à réclamer la peine de mort. Dans le
même contexte, M. Ould Kablia a indiqué que les services de sécurité ont
enregistré 1395 cas d'agression sexuelle sur mineurs en 2010 contre 1660 cas en
2009. En termes de sécurité préventive, le ministre de l'Intérieur a indiqué
que les services de sécurité ont tout mis en Å“uvre pour la prévention et la
lutte contre ce type de crime, même s'il avoue leurs limites sans l'implication
affective de la société civile.
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Posté Le : 23/04/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Moncef Wafi
Source : www.lequotidien-oran.com