Le métier de libraire, l’un des derniers maillons de la chaine du livre est «en danger».
«Un commerce difficile» entravé entre autres par des importateurs qui aujourd’hui dominent le marché institutionnel ne laissant aucune chance de survie à plusieurs librairies.
À travers l’Algérie, il n’existe que «50 vraies librairies», a déclaré ce mercredi 30 janvier Hacen Bendif au forum culturel d’El Moudjahid. Les autres "librairies" sont une sorte de points de vente.
D’après Mhand Smaïl, libraire «on a tenté il y a quelques années de faire un diagnostic à travers le pays sur le nombre de librairies dans le cadre d’un projet. On a été surpris par le nombre de librairies existantes: plus de 2.000 ».
Selon le conférencier, il s’est avéré qu’au final, la majeure partie de ces librairies «se sont convertis à des papeteries ou bien ne font vendre que des livres parascolaires, de cuisine… »
Mhand Smaïl insiste pour dire que la location est l’un des problèmes majeurs qui menacent les librairies. Il y a aussi le crédit documentaire qui "en principe n’est valable que pour les commerçants des fruits mais pas pour ceux qui vendent le livre".
Le diagnostic est là. Il fait état d’une Algérie plongée dans une sorte de désert «livresque» où pas seulement le libraire qui en paie les frais mais également ceux pour qui le livre est destiné: le lectorat.
« Plus de 80 % des diplômés de l’université algérienne n’ont lu aucun livre tout au long de leur cursus universitaire», a déploré Hacen Bendif aujourd’hui à la tête du centre national du livre (CNL).
«C’est un scandale intellectuel », estime-t-il.
Mais pour l’un des conférenciers le réseau de librairie en Algérie est appauvri «aucune librairie n’existe sur l’axe Tipaza- Alger Centre. Tout autour de l’université de Bab Ezzouar, aucune librairie n’existe », insiste-t-on.
"Les plus grands axes d’Alger, Didouche Mourad, Larbi Ben M’hidi ne disposent pas de librairies" ajoute-t-on.
La nature même des livres qui existent sur le marché livresque algérien est «uniforme», elle est "importée". Mais là ce ne sont que quelques aspects de la crise du livre en Algérie.
Le centre national de livre (CNL) récemment installé par le ministère de la Culture aura pour vocation de promouvoir le livre afin de lui assurer un environnement optimal. Il est constitué selon son responsable de plusieurs commissions (littérature jeunesse, écrits et traduction, édition et diffusion et activités relatives aux livres).
«Le sort du livre en Algérie repose sur une volonté politique au plus haut niveau », insiste Mhand Smaïl.
En attendant, l’Algérie a tout de même vu passer plusieurs générations sans leur faire goûter le plaisir de lire, pourtant nécessaire car il stimule le cerveau et lui permet de penser le monde.
Hamida Mechaï
SOUFFLES…Silence, on lit! :
“La lecture grandit l’âme”, Voltaire.
Jadis, la lecture avait sa chaleur. Elle était une prière. On lisait dans le silence et dans la méditation. Dans une bibliothèque publique, on se trouvait face à cette petite carte : silence. À la maison, la maman ne cessait de répéter, index sur les lèvres, dès qu’il y a un livre entre les mains de quelqu’un des nôtres : silence, il lit. La bibliothèque détenait la sagesse des débats et la magie de la lecture. Monsieur Mahmoud Bouayad, Allah y’rahmou, ancien directeur de la Bibliothèque nationale, interdisait aux femmes et aux jeunes filles, employées comme utilisatrices, d’accéder à la salle de lecture avec des chaussures à talons aiguilles. Elles étaient obligées de porter avec elles, dans leurs sacs, des ballerines. Et c’était régulier et apprécié ! La bibliothèque fut “beit el hikma”, espace de rencontres entre écrivains, lecteurs et livres. Jadis, le lecteur disposait d’une relation divine et spirituelle avec le livre.
Le livre, n’importe quel livre, dans l’imaginaire collectif, appartenait à l’espace religieux. Pas dans le sens religieux ! On lisait, les “Mille et Une Nuits” avec tout ce qu’iI contenait d’histoires osées, de fascination, de charnel, avec un réflexe religieux. La méditation fut le cœur de la lecture. Aujourd’hui, tout a changé, ou presque. Les médiathèques prennent la place des bibliothèques classiques. Le livre électronique arrive sur nos écrans, sur nos tablettes.
La numérisation prend le dessus, les tonnes de fichiers d’indexation bibliographiques hautement entretenues s’éclipsent. Les tables ont changé de forme. La lumière aussi. Les petites plaques écrites en arabe et en français, avec leur petit mot magique bien calligraphié : “silence” (samt), sont devenues poussiéreuses ou ont totalement disparu de l’espace livresque. Un autre lecteur débarqua, avec une autre mentalité, tant mieux ! Une autre culture de la lecture voit le jour. Un autre lexique est né : copier-coller, naviguer, courriel, Facebook, Tweeter, blog, site, livre électronique…! Le costume correct jadis exigé, pour accéder à une bibliothèque respectée, est négligé, n’est plus respecté. Notre rapport à la lecture, au livre, se trouve à un tournant historico-culturel. Certes, on ne peut pas freiner la marche du temps, arrêter la roue de l’histoire, mais il faut instaurer une autre tradition afin de sauvegarder la lecture et promouvoir le livre.
Pour fidéliser le lecteur et développer son amour pour le livre, les libraires ont créé “Café-librairie”. Dans ces espaces qui deviennent de plus en plus visibles dans des villes européennes, américaines et quelques villes arabes à l’instar du Caire ou de Beyrouth ; dans ces espaces, le lecteur se trouve dans un lieu convivial, de débat, d’écoute et de lecture. Ainsi, autour du livre se réalise le contact humain aux côtés du savoir et du plaisir culturel.
Par Amine Zaoui aminzaoui@yahoo.fr (liberte-algerie.com du jeudi 31 janvier 2013).
Akar Qacentina - Constantine, Algérie
31/01/2013 - 68266
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Posté Le : 31/01/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: socialalgerie.net ; texte: Hamida Mechaï
Source : El Watan.com du mercredi 30 janvier 2013