Le message

Qu'un patron envoi un message de v'ux à l'occasion de la nouvelle année aux employés de l'entreprise qu'il dirige, c'est on ne peut plus normal et anodin. Là où ça devient intéressant, c'est quand le support est mis à profit pour véhiculer d'autres messages bien moins anodins. Le P-dg du groupe Algérie Télécom (AT), Azouaou Mehmel, en donne un parfait exemple. Dans son message de v'ux, il dresse un véritable bilan-perspectives de l'entreprise qu'il entend communiquer et partager non seulement en interne, mais également en externe, avec les clients, fournisseurs et partenaires. Sans concessions, il établit les faiblesses organique, structurelle, managériale et stratégique qui hypothèquent la réactivité de l'entreprise. Le P-dg déclarera que les objectifs d'AT n'ont pas été atteints parce que «l'entreprise reste fortement bureaucratique». Or, une bureaucratie omnipotente et une administration vorace de paperasserie en triple exemplaire rigidifient la structure qui n'arrivera plus à se mettre au diapason des évolutions et mutations s'opérant dans son secteur d'activité et son environnement. Et une entreprise qui ne répond pas, tant sur le plan qualitatif que quantitatif, aux défis d'un marché concurrentiel et aux attentes de clients de plus en plus exigeants finira par être sanctionnée, argue M. Azouaou, qui indiquera que l'évolution et le développement d'AT ne sauraient se faire «sans un changement radical dans notre façon de penser et de travailler». Voilà, tout est dit. Le message présente une image exhaustive de la situation de l'entreprise, esquissée par son premier responsable. Combien d'entreprises publiques peuvent en dire autant ' Les autres P-dg devraient en prendre de la graine. Combien de responsables tirent le bilan de leur exercice et tracent les perspectives des entités qu'ils dirigent ' Sont-ils seulement tenus de le faire ' Y a-t-il obligation de résultats, et sanction ou gratification dans le cas où ' La grande question est en fait quel intérêt y a-t-il à aligner des bilans-perspectives si on s'arrête à ça ' Dégager les forces et les faiblesses d'une entreprise n'est pas une fin en soi, ce n'est même qu'un début. Faire des constats et s'assigner des objectifs ne sert à rien si on ne se donne pas les moyens de les atteindre. Car, il y a grand risque qu'à terme on finisse par reproduire les mêmes résultats, aboutir aux mêmes constats et, pire, se voir obliger de reprendre les mêmes objectifs. Et refaire le même chemin, suivre les mêmes cheminements et croire aboutir à d'autres résultats est la parfaite définition de la bêtise. Le management stratégique n'est pas un vague concept, mais des schémas d'organisation et des plans de gestion qui ont fait leurs preuves sur des marchés bien plus concurrentiels que le notre. L'entreprise algérienne a le choix entre les appliquer rigoureusement ou continuer de patauger dans le sous-développement en attendant d'être phagocytée sur le marché mondial. Car, l'adhésion à l'OMC ne veut rien dire d'autre que la soumission aux règles du commerce international qui ne laisse aucune chance aux sous-développées.
H. G.