Algérie

Le massacre de Ghaza réconciliera-t-il les frères ennemis '



A l'heure où nous mettons sous presse, l'agression israélienne contre la bande de Ghaza a fait au moins 205 morts. Que font, devant une telle boucherie, les deux factions rivales, le Fatah de Mahmoud Abbas et le Hamas de Ismaïl Haniyeh ' Dans le flot de dépêches qui pleuvaient hier sur le fil, il n'y avait pas la moindre mention d'une quelconque prise de contact entre les deux hommes. Il était davantage question de démarches entreprises par le président de l'Autorité palestinienne pour appeler à la rescousse des dirigeants arabes à l'attitude timorée. C'est donc en rangs dispersés que les Palestiniens affrontent cette nouvelle épreuve. Depuis que le Hamas a remporté les législatives du 26 janvier 2006, les tensions entre les deux grands partis palestiniens sont allées crescendo jusqu'à dégénérer, en ce mois de juin 2007, en combats de rue. Le 7 juin 2007, le Hamas s'empare de la bande de Ghaza et le 14 du même mois, le président Mahmoud Abbas limoge le gouvernement de Ismaïl Haniya. Les batailles fratricides tournent à la faveur du parti islamiste qui, le 15 juin 2007, prend officiellement le contrôle de Ghaza. Selon un décompte de l'AFP, les combats interpalestiniens ont fait au moins 116 morts et 550 blessés en une semaine d'affrontements. Depuis, plusieurs tentatives de « rabibochage » des deux frères ennemis ont été lancées. Au Caire, au Yémen et ailleurs. Sans résultat. La situation dans la bande de Ghaza va de mal en pis. Un terrible blocus est imposé à la population locale comme pour la « punir » d'avoir voté islamiste. Un scandale ! Pendant ce temps, Mahmoud Abbas multiplie les discussions avec Israël pour ne pas faire capoter complètement le processus de paix. Usant d'une man'uvre qui n'est pas tout à fait innocente, l'Etat hébreu va même tenter de jouer sur cette hostilité « intrapalestinienne » pour isoler le Hamas, présenté comme un parti radical et un protagoniste encombrant dans la région. C'est ainsi que, en plein siège de Ghaza, Israël lève le blocus imposé depuis 15 mois au gouvernement palestinien.La complexité d'une riposte unifiée Dans la foulée, l'Union européenne annonce la normalisation de ses relations avec l'Autorité palestinienne et Washington la reprise de ses relations économiques avec le gouvernement de Ramallah. De son côté, Bush tente une grosse opération de « com' », le 27 novembre 2007, à Annapolis, pour donner un coup de rein au processus de paix. A Paris, la communauté internationale promet une aide de 7,4 milliards de dollars à l'Autorité palestinienne. Autant de gestes qui, pour généreux qu'ils puissent paraître, ne cachent pas moins une volonté manifeste de confiner dans l'isolement la bande de Ghaza. C'est un peu comme si, en multipliant les largesses envers le « modéré » Mahmoud Abbas, on achetait la pondération du Fatah et de ses organisations satellites paramilitaires dont la disponibilité au dialogue jurerait avec le radicalisme affiché par la mouvance « djihadiste » du camp palestinien.C'est dire combien les divisions internes font le jeu d'Israël et rendent compliquée une riposte unifiée aux menées belliqueuses de l'Etat hébreu. L'enlèvement du soldat israélien Gilad Shalit, imputé au Hamas et la guerre de 2006 contre le Hezbollah ont achevé de donner du Hamas l'image d'un parti « terroriste » qui serait ainsi le pendant du parti chiite libanais dans les Territoires occupés. Une image qui va là aussi profiter au Fatah et à Mahmoud Abbas, désormais seule « interface » valable dans la région. D'ailleurs, le président palestinien ne manque pas de condamner régulièrement les tirs de roquettes sur Israël en arguant que chaque missile lancé de l'autre côté coûtait la vie à plusieurs civils palestiniens innocents à l'heure des représailles.Pour autant, on ne peut pas dire que la popularité du successeur de Yasser Arafat est au top tant le parti nationaliste palestinien n'est pas exempt de dérives en tous genres, lui dont la gestion est entachée de présomptions de corruption. Ce qui explique dans une large mesure la victoire éclatante du Hamas aux législatives de 2006 et son ancrage populaire accru. Il serait donc erroné de penser que les raids intensifs de l'aviation israélienne d'hier ne visent que l'appareil du Hamas et ses structures de sécurité. C'est le peuple palestinien tout entier qui se voit, comme nous le disions, « puni ». En définitive, ce qui n'a pu être obtenu par les nombreux appels à la raison d'un Mahmoud Abbas drapé de la « légitimité internationale » dans sa tentative d'étendre son autorité sur la bande de Ghaza et la ramener dans le giron de la légalité palestinienne, Israël entend le faire par la force. Et le déluge de feu qui s'est abattu hier sur ce petit territoire insoumis n'est pas sans rappeler l'acharnement de l'aviation israélienne sur le Liban durant l'été 2006 dans une (vaine) tentative de déloger le Hezbollah. Les plus cyniques diraient que si les bombardements israéliens parvenaient à extirper le Hamas de Ghaza, ce n'est pas fait pour déplaire à la faction rivale, le Fatah. D'ailleurs, l'histoire contemporaine du Proche-Orient est truffée de ces marchandages mesquins et autres alliances contre-nature où, pour de petits intérêts partisans, on serait prêts à pactiser avec le diable. Les groupes palestiniens ont plus que jamais intérêt à faire front commun devant une campagne qui prend les proportions d'une véritable expédition meurtrière contre un peuple qui ne demande que sa part de liberté et de dignité.


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