Algérie

Le marché automobile dans tous ses états



La situation vécue actuellement par le secteur automobile peut être considérée, à juste titre, comme inédite, voire même historique. Même durant les années de socialisme et le monopole de la défunte Sonacome, le marché n'avait pas connu pareille dépravation.Une pénurie qui dure depuis deux années, une déstructuration amorcée en 2014, une stratégie qui a échoué sur toute la ligne, une prédation à grande échelle de l'argent public, le véhicule de l'occasion qui s'impose à prix fort comme seule alternative pour des citoyens atterrés, retour des importateurs structurés en réseaux, le professionnalisme et le service après-vente devenus un v?u pieux... Autant de malformations qui ont profondément affecté le secteur automobile dans notre pays et qui risquent, hélas, de l'invalider pour de longues années encore.
Pendant plus de deux décades, les Algériens se sont habitués à un marché qui a beaucoup gagné en maturité avec une organisation de plus en plus conforme aux normes et aux standards internationaux et où la voiture était loin d'être un rêve irréalisable. L'offre était, alors, nettement plus importante que la demande. L'Algérien avait le choix et surtout le crédit pour acquérir un véhicule dans le respect et la dignité.

Retour à l'informel
Aujourd'hui, et par la faute d'une gestion obscure et une incompétence caractérisée, le secteur est en train de réaliser de grandes avancées à reculons. C'est une plongée dans les abysses de la désorganisation et de l'informel. Le terrain laissé vacant par les professionnels du métier est vite investi par des nuées d'importateurs revendeurs qui ont fait main basse sur le circuit des licences de moudjahidine, dont le prix de cession oscille entre 400 000 et 600 000 DA. Tout récemment, on a appris qu'un réseau de trafic de fausses licences a été démantelé par les services de la police française, concernant des véhicules destinés à l'exportation vers l'Algérie.
D'autres opérateurs ont lourdement investi dans l'importation directe avec paiement des droits et taxes de véhicules entrée de gamme et revendus à des prix hallucinants, comme Renault Symbol, jusqu'à 3 100 000 DA, VW Polo 4 200 000 DA, Seat Ibiza 3 900 000 DA, Peugeot 208 4 100 000 DA...
Au même moment, et à la faveur de la levée des restrictions liées au Covid-19, les marchés hebdomadaires de vente de véhicules d'occasion s'érigent désormais en haut lieu des transactions automobiles avec une mercuriale loin de tout bon sens, une Peugeot 207 année 2010 137 000 km se négocie autour de 1 600 000 DA ; Suzuki Alto 2012 162 000 km prix : 1 100 000 DA ; KIA Picanto 2015 179 000 km prix : 1 750 000 DA ; Renault Clio 2013 113 000 km prix : 1 660 000 DA ; Chevrolet Spark 2012 131 000 km prix : 1 200 000 DA ; Toyota Yaris année 2009, 285 000 km prix : 1 250 000 DA.
Autant dire des prix qui dépassent ceux du même modèle et de la même série en neuf.
De nouvelles pistes doivent être prospectées
Une situation peu reluisante qui va sans doute perdurer encore, eu égard aux lenteurs qui marquent un hypothétique retour à la normale tant promis par les responsables du secteur. Elément de blocage et qui fait actuellement l'objet d'énièmes modifications, le cahier des charges relatif à l'activité des concessionnaires tarde à être promulgué au Journal officiel. Dans sa dernière mouture, il apporte des correctifs à certaines irrégularités constatées dans le précédent, mais il suscite d'autres interrogations sur des points aussi importants que la durée de contrat entre le concessionnaire et le constructeur, limitée à 2 années et qui est incompatible avec la durée de garantie des véhicules entre 3 et 5 ans.
Il en est de même pour le maintien de l'exigence d'une superficie irraisonnable de l'ordre de 6 400 m2 et aussi cette nouvelle condition imposant aux clients un seul véhicule tous les 3 ans. Ces tâtonnements, approximations et révisions régulières de ce document fondateur de l'activité de concessionnaire, sont en réalité la résultante du refus constant de consultation des experts et des professionnels depuis 2014. Un travail en solo qui se heurte à chaque nouvelle édition à la réalité du terrain.
S'il est vrai que la situation financière du pays ne permet plus un retour à des importations tous azimuts, comme ce fut le cas précédemment, il demeure néanmoins attendu que des solutions alternatives doivent être envisagées, pour ne pas faire assumer seul le citoyen les errements de ses dirigeants. Des pistes doivent être prospectées, comme la libération des importations de véhicules de moins de 3 ans, voire même de 5 ans, et la relance de la décision d'élargir le bénéfice de l'exonération des droits et taxes aux fils de chahid bloquée par Ouyahia.
Pour l'heure, les revendeurs et autres barons de l'occasion ont de beaux jours devant eux.
B. Bellil


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