A. Lemili«Ce qu'a fait l'Etat pour le secteur de l'industrie, de manièregénérale, et pour celui de la mécanique, en particulier, aucun autre ne l'aurait fait à travers le monde. Non pas dans la démarche qui ne pourrait que paraîtrecommune, mais dans sa présence soutenue auprès des entreprises tout au long des dix ou quinze dernières années. Son intervention n'a pas très souvent réussi et d'énormessacrifices financiers l'ont pratiquement été à fonds perdus, mais je peux vous dire que le plan de sauvetage ou de mise à niveau, c'est selon, lancé il y a trois ans a pris. Je vous parle du moins pour ce qui concerne la relance de l'industrie mécanique à l'est du pays et plus particulièrement à Constantine, qui en constitue l'un des pôles essentiels.»Il s'agit là des propos qui nous ont été tenus récemment par le président-directeur général d'un important groupe industriel de l'est du pays. Et en tant que membre de la Société de gestion des participations de l'Etat (SGP), il tiendra à faire cette précision : «En fait, le secteur s'en portera encore mieux le jour où celle-ci (la SGP) se constitueraen grand groupe industriel où l'action de chacune des parties ne consistera pas à veiller sur les participations de l'Etatseulement, mais à devenir partie intégrante du développement du secteur en réunissant évidemment tous les acteurs du pôlemécanique, à l'exception de la Snvi (Société nationale de fabrication de véhiculesindustriels) dont le destin est tout autre. Tout cela est en chantier actuellement.»Effectivement, il est devenu de notoriété publique que dans un souci d'efficacité et d'opérationnalité, les SGP sont appelées à disparaître pour être remplacées par des groupes spécialisés.S'agissant de l'industrie mécanique àl'est du pays, notre interlocuteur revient sur l'action de l'Etat, une action qui a faittable rase des handicaps, toutes natures confondues, auxquels étaient confrontéesles entreprises. «À commencer parl'assainissement financier et surtout la mise à disposition de plans de charges à court, moyen et long termes. Ce qui est loin d'être négligeable compte tenu du fait que lesdirigeants d'entreprises étaient littéralement asphyxiés par ce problème et lui consacraient le plus gros de leurs préoccupations audétriment du reste», expliquera notreinterlocuteur. Partant de ce constat et en tenant compte de la pertinence de la stratégie retenue par le gouvernement, ces troisdernières années, «un nombre appréciable, notamment parmi celles stratégiques etporteuses, n'ont pas replongé comme cela a été le cas lors des premières interventions de sauvetage initiées par l'Etat», nous sera-t-il précisé. «En réalité, la nouvelle stratégie consistait en un partenariat avec des sociétés étrangères : françaises, espagnoles,allemandes, chinoises, turques...dans le cadre de la réglementation mise en place.»L'une des conditions, et sans nul doute celle sans laquelle tous les mécanismesadministratifs, économiques, mais également politiques, mis en place pour sauver etsauvegarder de manière définitived'importants investissements n'auraientpas opéré, consistait en le transfert detechnologies et une intégration nationalegraduelle répartie selon la durée des accords conclus. «Sauf que la réalité du terrainallait s'avérer plus complexe. L'absence de compétences humaines risque de poser énormément de problèmes à la relance du secteur, voire de la compromettre. Dites-vous qu'au jour d'aujourd'hui, en Algérie il n'existe pratiquement pas d'ouvrier, technicien et ingénieur qui répondent aux critères normatifs d'un métier, d'une spécialité. Et autant le dire et le concéder de manière plutôt crue, tout ce que centres, instituts et universités livrent sur le marché du travail n'est pas opérationnel dans le sens où cela devrait être. C'est-à-dire correspondre à une demande immédiate. Je vous dis ça de manière plus terre à terre, quand l'usine Renault décide de s'installer à l'ouest du pays, l'idée de ses dirigeants est qu'ilstrouveront disponible une main-d'?uvre qui corresponde à celle à laquelle ils sonthabitués dans les pays d'Europe, où ilsrelocalisent leurs activités. Ce n'est pas le cas. Un soudeur formé en Algérie ne peut en rien être comparé à son homologue formé en Chine, en Pologne ou en Moldavie. Il en va ainsi pour tous les corps de métiers et la solution très laborieuse a consisté jusque-làà reformer des personnes, mais aussicomplémenter cette formation par des stages à l'étranger et actualiser les connaissances chez le partenaire contractuel. Ce qui n'est pas sans être un sérieux handicap. En cequi concerne le groupe que je dirige, lepersonnel technique subit quasirégulièrement au minimum quatre recyclages de courtes durées, aussi bien dans le pays qu'à l'étranger. C'est le prix à payer pour être au diapason des technologies quiévoluent à un rythme fou», indique le P-dg.Le développement de ce pan del'économie nationale ne peut se faire sans être accompagné d'un environnementharmonieux, cohérent, et le cadre avec lequel nous nous entretenons de nous rappeler qu'«une usine où tout est réalisé pour unproduit donné c'est désormais révolu, laréalité est à la sous-traitance. Autrement dit à la présence d'une multitude de petites, moyennes ou grandes unités intégrées dans un cadre global dans la production d'unproduit, lequel peut nécessiter de 100 à1 000 composants. De ces intervenants est impérativement exigé un respect des normes. Effectivement, vous ne voyez pas Renault venir s'installer dans un pays où saréputation de constructeur peut être remise en cause parce qu'il existerait sur toute la ligne un défaut dans un monte-glace ou que le fermoir du coffre arrière coincerait quelques fois. Or, ce genre de sous-traitance est quasi inexistant en Algérie et pourceux qui, parmi les prestataires privés de l'industrie nationale, peuvent le prétendre, il est rare d'en trouver qui maîtrisent, voire respectent, la notion de délais. Quitte à vous étonner, la notion même de cahier des charges est une notion abstraite chez la majorité d'entre ceux-là».Contrairement aux déclarations officielles dont les auteurs préfèrent en rester aux limites des accords très théoriques, le terrain offre une toute autre physionomie. «Les résultats sont pourtant là, je ne dirais pas que toutes les entreprises ont suivi ladynamique, mais je pourrais par exemple vous citer le cas du pôle industriel constitué par les entreprises de l'ex-Sonacome(Aïn-Smara et Oued Hamimime), aujourd'hui en joint-venture avec de grandes sociétés, espagnoles et américaines, où les résultats évoqués suivent effectivement et ne peuvent que le demeurer si ce n'est mieux aller encore dans l'avenir. Sauf qu'il s'en trouvent parmi d'autres (entreprises) qui n'arrivent pas à se départir des anciennes habitudes en reproduisant les mêmes travers qui ont concouru à leur déliquescence au lendemain de la chute des prix du pétrole au milieu des années 1980, des évènements dramatiques propres au pays qui leur ont succédé...».En conclusion, notre interlocuteur insiste sur «l'absence de compétences à même de mener à bien la stratégie gouvernementale. La main-d'?uvre algérienne demeurel'incontestable talon d'Achille de l'industrie nationale. Il est vrai que l'université acommencé à s'impliquer dans ce créneau, mais j'ai de sérieux doutes sur l'aboutissement, voire l'efficience de ce concours... la compétence de ses compétences étantelle-même tout au long de ces trentedernières années très peu évidente». A. L.
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Posté Le : 17/11/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : La Tribune
Source : www.latribune-online.com