Algérie

"Le Manifeste des 121" projeté en avant-première à Paris



Le documentaire "Le Manifeste des 121" de Mehdi Lallaoui sur l'action de personnalités françaises qui avaient dénoncé en 1960 "la guerre sans nom" et appelé au droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie, a été projeté mercredi soir en avant-première parisienne à l'auditorium de l'Institut du monde arabe en présence du réalisateur.
Sans référence archivistique aucune et se basant sur les seuls témoignages de signataires du Manifeste, le film (52') relate le combat inédit d'intellectuels révoltés par la guerre et soutenant le droit du peuple algérien à disposer de son sort, au point d'appeler les jeunes appelés français à désobéir à l'autorité militaire.
Pour le réalisateur, également président de l'Association Au nom de la Mémoire, au-delà de l'hommage que son £uvre voulait rendre à ces intellectuels "éveilleurs de consciences", le propos est de mettre en évidence le "retentissement énorme" qu'a eu leur action par rapport à l'opinion tant française qu'internationale.
"C'est intellectuels ont sauvé l'honneur de la cause humaine. Et un film doit donner de vrais amorces par rapport à aujourd'hui et le rôle des intellectuels et des artistes est essentiel dans des sociétés de plus en plus complexes et de plus en plus injustes", a-t-il indiqué lors du débat ayant suivi la projection.
Le président et co-fondateur du journal en ligne Mediapart, Edwy Plenel, a estimé que le Manifeste des 121 a une portée universelle, rappelant que la première constitution républicaine française a adopté une "autre" déclaration des droits de l'homme, citée en préambule, qui mentionne le "droit de résistance à l'oppression".
"Cette déclaration prévoit que, quand il y a un Etat d'oppression, de mensonge, d'injustice avérée, ce droit de résistance peut intervenir", a signalé le journaliste, relevant la "transgression" qu'a créée le Manifeste de 121 en s'inscrivant dans cette logique d'engagement pour l'indépendance de l'Algérie.
Selon l'historienne Peggy Derder, il n'y avait pas de clivage droite-gauche dans le contexte ayant marqué la signature du Manifeste des 121. "Les intellectuels se positionnaient davantage sur des mots d'ordre éthiques, sur des questions qui relevaient de la morale plutôt que de clivages politiques classiques. Fatalement, il y a eu des assemblages hétéroclites qu'on retrouvera dans les manifestes signés notamment durant l'année 1960 concernant l'Algérie", a-t-elle dit.
La spécialiste de l'immigration algérienne et de la guerre d'indépendance nationale a relevé, à cet effet, qu'une " bataille de l'écrit" avait marqué cette période et qui s'est manifestée par la parution en octobre 1960 d'un contre-manifeste des 121 pour "l'Algérie française", et d'un autre "plus modéré", quelques semaines plus tard, proposant une "paix négociée, mais pas l'indépendance".
L'historienne Marie Chominot a, pour sa part, rappelé les mesures de rétorsion et les poursuites judiciaires à l'encontre des signataires du Manifeste, ainsi que le boycott médiatique décidé par le gouvernement de l'époque pour occulter l'initiative des intellectuels dont le texte engagé ne sera pas publié intégralement.
"La censure a été telle que les artistes parmi les intellectuels signataires ne pourront plus être interviewés, et leurs noms n'ont plus droit de cité à la télévision d'Etat ou dans les génériques", a-t-elle dit, signalant que ces représailles dureront plusieurs mois, voire des années.
Selon cette enseignante à l'université Paris VIII, les affaires judiciaires du réseau Francis Jeanson et du Manifeste des 121 se sont croisées puisque, a-t-elle dit, Me Jacques Vergès décide de s'emparer de la deuxième affaire dans le cadre du procès des "porteurs de valise" et de lire le texte de désobéissance et la liste des signataires, et demande au président du tribunal de faire citer les 121 comme témoins lors du procès.
L'universitaire fera aussi part du "moment théâtral" du procès, marqué par la lecture de cette "fameuse lettre de Jean-Paul Sartre", qui était un faux, rejoignant et justifiant l'action des intellectuelles pétitionnaires.
Pour son réalisateur, le "Manifeste des 121" tente de mettre en relief une "rupture de consensus". "Toutes les oppositions à la guerre d'indépendance se faisaient jusqu'alors de façon partidaire, et le Manifeste marquait l'adhésion de personnes de toutes origines philosophiques (communiste, surréaliste, troskyste à) à la cause algérienne", a-t-il noté.
Le documentaire, projeté dans le cadre du 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, est le quatrième d'une série ayant pour titre générique "En finir avec la guerre" qui se propose, selon son auteur, d'investir des groupes mémoriels témoignant de leur implication ou de leurs visions de cette guerre.
Un cinquième volet "La guerre d'Algérie, vue par les Algériens", est en chantier et sera finalisé "dans deux mois", a confié Mehdi Lallaloui.
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