Algérie

Le MAMA s'ouvre aux artistes de la «périphérie» Ils reviennent sur les tragédies qu'affrontent leurs peuples


Le MAMA s'ouvre aux artistes de la «périphérie» Ils reviennent sur les tragédies qu'affrontent leurs peuples
L'exposition collective «Le Retour», installée au Musée des arts modernes et contemporains d'Alger (MAMA) dans le cadre du 3ème Festival international des arts contemporains (Fiac 2011), offre à 24 artistes de la «périphérie» un espace d'expression pour faire du local et du spécifique le lieu premier d'une identité universelle.Autour du thème du retour et sur des supports variés, ces artistes originaires des pays du Moyen-Orient, d'Afrique, du Sud ou de l'Est de l'Europe, perçus comme «périphériques» face à une expression artistique «mondialisée», reviennent sur les tragédies qu'affrontent leurs peuples : Guerres civiles, migrations, occupations, incarcérations, exclusion et racisme, fossilisation de la pensée.A partir de deux vidéos projetées simultanément, les Libanais Joanna Hadjithomas et Khalil Joreige recueillent, par deux fois et à huit années d'intervalle, les témoignages d'un groupe de rescapés du camp de détention israélien de Khiam, ouvert lors de l'occupation du Sud Liban en 1985.Libérés en 1999, les ex-détenus décrivent la torture et les conditions inhumaines des geôles israéliennes. Ils reviennent sur l'élan miraculeux qui les poussait, dans le dénuement extrême et au prix d'un immense labeur, à créer des petits objets utilitaires ou simplement beaux, à partir de matériaux infimes glanés ça et là, à l'insu de leurs geôliers.Chapelets en noyaux d'olives, jeux d'échecs en savon, jeu de cartes, brosse à dent, aiguille à coudre, crayon fait en papier d'aluminium... constituent, ainsi, autant de victoires de l'esprit sur l'enfer carcéral. Les rescapés retournent deux fois sur les lieux de leur détention : à la fin de l'occupation, lorsque le camp devient un lieu de visite, ensuite, après sa démolition par les raids de l'armée israélienne en 2007. Face aux travaux d'embellissement de ce camp de la mort entrepris, les ex-détenus laissent éclater leur indignation, autant que leur nostalgie des rapports chaleureux qui les maintenaient soudés face à l'occupant.«Je ne pensais pas que le lieu où un être humain pouvait découvrir sa vérité profonde serait ce camp !», s'exclame Kifah Affifé, une des jeunes prisonnières.
Ce paradoxe, un autre témoin, Neeman Nasrallah, le résume à sa manière : A l'instar d'Imre Kertész, le Nobel hongrois arrêté et détenu à l'âge de 15 ans à Buchenwald (camp de concentration nazi pendant la deuxième guerre mondiale) et qui préférait parler du «bonheur des camps» ; «c'est dans ce lieu que nous avons connu la plus belle des libertés. L'identification des limites et des ennemis y était précise».Le Malien Cheikhou Ba opère, lui, un retour sentimental sur sa jeunesse. Dans des sacs en plastique remplis d'eau, les photos des meilleurs amis de l'artiste apparaissent comme un moyen d'étancher sa soif de souvenirs. Grâce aux séquences filmées avec son téléphone cellulaire, la Tunisienne Amel Benattia fait découvrir au visiteur l'ambiance nocturne de la rue tunisoise sous couvre-feu dès le 14 janvier 2011, où les débats font rage entre les membres des comités de quartier.

«Mémoire dans l'oubli»
Avec sa série de photos «Mémoire dans l'oubli», la plasticienne et vidéaste Halida Boughriet, force le visiteur à soutenir le regard de trois veuves de guerre algériennes immortalisées selon un même protocole photographique : Allongées sur un sofa, devant une fenêtre ouverte, elles semblent prêtes à faire une paisible sieste quotidienne. Mais dans cet univers modeste et digne, sur ces coussins de velours brodé, leurs silhouettes ténues, drapées dans des vêtements traditionnels immaculés, leurs visages parcheminés, leurs mains ridées aux grosses veines bleues, leurs postures et leurs regards semblent figés à jamais dans une douleur indicible...«Oh ! Seigneur ! D'où viennent les souvenirs ' Où vont-ils ' [...] Comment reviennent-ils soudain si forts et si intenses, faisant disparaître le monde entier '», s'interroge de son côté le plasticien irakien Sadiq Kwaish Alfraji dans un texte de son cru accompagnant son installation vidéo «Il était une fois la maison que mon père a construite».On y voit une étrange silhouette se pencher, affligée, sur la chambre d'un père décédé, où keffieh, tenues traditionnelles et chapelets sont demeurés intacts.Parmi les installations très originales des artistes d'Europe de l'Est, «Circle Wise» du graphiste russe Andrey Kuzkin, envoûte et stupéfie. Le jeune artiste, enchaîné à l'intérieur d'un bac de béton frais, y tourne jusqu'à l'épuisement. Son but : empêcher le béton de prendre. Après plus de 40 minutes de rotation, il atteint son objectif, laissant le visiteur à ses interrogations. L'exposition «Le Retour» se tient jusqu'au 3 février prochain.
APS
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