Algérie

Le malheur des uns...



Les premières victimes commerciales du choléra sont bien évidemment les vendeurs de fruits et légumes, particulièrement ceux de la pastèque.Des citoyens qui se font arnaquer et des commerçants au bord de l'asphyxie. Le choléra est donc en train de faire d'autres victimes que celles hospitalisées. Pendant ce temps-là, d'autres se frottent les mains...
«Le malheur des uns fait le bonheur des autres!» Une expression qui s'applique parfaitement à l'épidémie de choléra qui frappe actuellement le pays... En effet, même si cette épidémie est jusque-là maîtrisée et circonscrite dans cinq wilayas, il n'en demeure pas moins que la panique a gagné tout le pays! Au grand bonheur des spéculateurs! Ces derniers, qui ont déjà prouvé par le passé qu'ils étaient sans foi ni loi, ont franchi une nouvelle étape dans leur sale besogne. Ainsi, quelques heures à peine après que l'épidémie a été annoncée, ils n'ont pas trouvé mieux que d'augmenter les prix de l'eau minérale. Tel que dans la Bourse de Wall -Stret, les prix de la «Saida» (comme elle est appelée dans le jargon populaire) sont montés au fur et à mesure: 35 DA, 45, 50, 60... 200, 250 DA! En quelques heures son prix a été multiplié par dix. Certains sont allés plus loin en les vendant aux plus offrants, alors que d'autres ont carrément caché leurs stocks pour provoquer une pénurie! De la vraie folie que même les plus grands groupes spéculatifs du monde n'oseraient pas. Grossistes, fabricants et détaillants se renvoient la responsabilité de cette «arnaque». Mais une chose est sûre, chacun à son niveau, ils ont tous dégagé des bénéfices du... choléra! En plus de l'eau minérale, un autre produit-phare fait le bonheur des magasins d'alimentations générale, supérettes et même drogueries. Il s'agit comme vous avez dû le reconnaître, de l'eau de Javel. «Le ministre de la Santé lui a fait de la pub en la recommandant en direct à la Télévision nationale...», plaisante Djamel, gérant d'une grande supérette dans la banlieue est d'Alger. «Depuis que cette bactérie a fait son apparition, l'eau de Javel se vend comme des petits pains. Des ruptures de stock sont même signalées dans certains endroits», avoue ce commerçant qui reconnaît toutefois que les clients sont très exigeants par rapport à la qualité de ce produit. «Ils ont peur pour leur santé», souligne-t-il.
Les droguistes se «shootent» à la chaux
Djamel fait savoir que les quantités qu'ils achetaient avaient pratiquement triplé par rapport à d'habitude. Cette situation a remis au goût du jour un métier qui avait pratiquement disparu, en l'occurrence: les vendeurs ambulants d'eau de Javel. Comme par magie, ils ont réapparu dans tous les quartiers et villages. «Certains, promettent que leur eau de Javel est le meilleur anticholéra qui existe», assure Feriel, une ménagère d'Alger. Les droguistes ont «dopé» leur chiffre d'affaires avec l'eau de Javel. Mais pas seulement! La chaux est aussi un des produits-phares du moment. Les pharmaciens qui ont eu un bel été avec le moustique tigre et les répulsifs qu'ils vendaient à la chaîne, n'ont pas fait d'aussi bonnes «affaires» avec le choléra. Mais il n'en demeure pas moins que les officines ont été prises d'assaut par des Algériens en panique. «Il nous demande des médicaments anti-choléra. Quand on explique que cela n'existait pas, ils se rabattent sur les produits d'hygiène corporelle», confie Lilia, pharmacienne dans l'Algérois. Les gels désinfectants sont bien évidemment la première cible. «On est en rupture de stock», assure-t-elle. «Mais on nous demande aussi des savons antibactériens, enfin tout ce qui nettoie», indique cette demoiselle qui reconnaît que sa pharmacie est presque devenue un magasin de produits cosmétiques. Pendant que ces commerçants se frottent les mains, d'autres n'ont plus que leurs yeux pour pleurer! Les premières victimes commerciales du choléra sont bien évidemment les vendeurs de fruits et légumes, particulièrement ceux de la pastèque. D'espérés, ces derniers ont même sollicité l'intervention du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, pour sauver leur saison! Il faut dire que ce fruit, dont la saison, est bientôt terminée a été la première victime collatérale du choléra et ses rumeurs en étant accusé d'être à l'origine de la bactérie. C'est tout naturellement qu'il a été boycotté par les consommateurs. Les agriculteurs se sont retrouvés avec de grosses quantités sur les bras qui risquent d'aller à la poubelle.
La faillite des agriculteurs...
Un vrai désastre pour eux! «On est au bord de la faillite», pestent-ils. Surtout que ce ne sont pas les seuls produits agricoles à avoir été boycottés. La tomate, la salade et autres produits consommés crus sont aussi considérés «persona non grata». Ce n'est pas mieux pour les autres produits maraîchers puisqu'on parle d'irrigations à... l'égout. En panique, les foyers achètent le strict minimum. «J'ai mis ma famille aux pâtes et autres produits industriels.
Tant que je ne verrai pas plus clair dans ces histoires de choléra et d'égouts, aucun fruit, aucun légume ne rentrera à la maison», assure, Nabil, un père de famille des plus inquiets. En fait, la panique est générale. On évite au maximum de consommer de la nourriture à l'extérieur. Même le sacro- saint café «bien serré» consommé dans les cafés traditionnels a été mis de côté. «Je ne sais pas si l'eau qu'ils utilisent est contaminée, donc je préfère m'abstenir même si on me dit que l'eau a bouilli à plus de 60° tuant la bactérie. «Manriskiche» (je ne prends pas de risque, Ndlr)», soutient Younes, un jeune pourtant accro au café du «gobelet». Le thé et «moukasirate» (fruits secs et arachides, Ndlr) à la mode ces derniers temps sont dans les mêmes draps. Les restaurateurs ont également vu une baisse d'affluence et pas qu'à cause de l'été. «Il n'y a que les clients habituels, qui connaissent très bien les règles d'hygiène strictes que j'applique dans mon restaurant, qui viennent. Je comprends, à leur place je ferai la même chose», rapporte Fadel, restaurateur à Alger qui a vu son chiffre d'affaires baisser de plus de 50% en une semaine. Certains grands restaurants ont même dû rassurer leurs clients sur les réseaux sociaux. «Nous tenons à rassurer nos chers clients sur notre strict respect des règles d'hygiène et de la qualité des produits que nous utilisons. Toute l'équipe a à coeur de préserver la santé et le bien-être de nos hôtes. Soyons vigilants et passons un excellent week-end ensemble. Merci», écrit par exemple, l'un d'eux sur sa page Facebook. Le choléra est donc en train de faire d'autres victimes que celles hospitalisées...


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