Les malheurs de l'euro font-ils le
bonheur de l'économie algérienne ? Un peu, pas trop… ? Une chose est sûre, constatent
les consommateurs algériens : les prix ne baissent pas même quand le dinar est
«fort». Eclairages.
Les effets sur l'économie algérienne de
la baisse de la valeur de la monnaie européenne sont un phénomène qui est
aujourd'hui relativement bien cerné. L'euro, qui est passé depuis le début de
la crise d'une valeur supérieure à 1 ,50 dollar à un peu plus de 1,20 dollar
aujourd'hui, a perdu en quelques mois près de 20% de sa valeur par rapport à la
devise américaine. Cette baisse est-elle, ainsi que l'ont signalé beaucoup de
commentateurs, «tous bénéfices» pour l'économie algérienne ? La réponse doit
certainement être nuancée et donner lieu au moins à quelques réserves. Si le
dinar se trouve renforcé par la baisse de la monnaie européenne, la parité euro
- dinar n'évolue cependant pas dans les mêmes proportions que la parité euro -
dollar. Bien que le pays soit globalement bénéficiaire en termes de facture des
importations, les opérateurs économiques, importateurs en tête, ne seront pas
bénéficiaires dans la même proportion. Le taux de change du dinar étant calculé
par rapport à un panier de devises dans lequel la monnaie européenne compte pour
environ 40% (42% exactement contre 46% pour le dollar, selon le dernier rapport
de conjoncture de la Banque d'Algérie), son appréciation, depuis le début de
l'année, a été de l'ordre de 8 à 9% seulement par rapport à l'euro, ce qui
n'est déjà pas si mal.
Une deuxième réserve concerne la facture des importations
elle-même qui dépend de la part de nos achats en provenance des pays de l'Union
européenne et plus précisément des pays de la zone euro. S'agissant de la zone
euro, les informations ne sont pas disponibles; en revanche, pour nos
importations en provenance de l'Union européenne, on doit signaler qu'elles
sont en diminution sensible au cours des dernières années.
Le récent bilan de l'Accord d'association établi par la Commission
de Bruxelles montre qu'elles ne représentaient plus en 2008 que 51% de nos
achats à l'extérieur contre encore 58% en 2005. C'est donc uniquement la moitié
de nos achats à l'extérieur qui subit l'impact positif de l'appréciation du
dinar consécutive à la baisse de l'Euro.
Des prix intérieurs qui ne baissent pas…
Une autre réserve est également de nature
à relativiser les «bénéfices» retirés de la baisse de l'euro par l'économie de
notre pays. De nombreuses études réalisées récemment par les institutions
financières internationales ont attiré l'attention des pouvoirs publics
algériens sur le manque de flexibilité à la baisse des prix intérieurs
algériens C'est ce phénomène qui est à l'origine de l'apparition, ces dernières
années, d'un important différentiel d'inflation entre l'Algérie et ses
principaux partenaires commerciaux. Un différentiel qui était en 2009 proche de
5%. Conclusion : le dinar est plus fort, mais les prix intérieurs augmentent
quand même ! Cette «résistance» à la baisse des prix intérieurs algériens est en
général attribuée par les analyses effectuées sur ce sujet au comportement des
agents économiques, importateurs ou producteurs qui ne répercutent que très
rarement la baisse du coût de leurs achats ou de leurs approvisionnements et
qui ont même une fâcheuse tendance à gonfler leurs marges.
Cette situation serait due au caractère insuffisamment
concurrentiel des marchés de nombreux produits. Il sera donc certainement
intéressant d'observer dans les mois à venir le comportement des prix des
produits d'origine européenne vendus sur le marché algérien pour prendre la
mesure réelle des bénéfices retirés de la baisse de l'euro par le consommateur
algérien. Dernier point à signaler: la plus grande partie de l'inflation
signalée au cours des deux dernières années est imputable au comportement des
prix des produits agricoles et singulièrement des produits frais. Ce qui n'a
pas grand-chose à voir avec la valeur de l'euro mais confirme bien l'existence
de disfonctionnements majeurs dans le marché de certains produits.
Les marchés pétroliers sous la menace
Si, en dépit de ces nombreuses réserves,
la baisse de la valeur de l'euro apparaît néanmoins comme une bonne nouvelle
pour l'économie algérienne, il n'en serait certainement pas de même de la
prolongation, voire de l'aggravation de la crise de la monnaie européenne qui
figure aujourd'hui encore parmi les scénarios possibles. La crise des finances
publiques liée à l'endettement de la plupart des Etats européens a déjà eu des
conséquences très négatives sur les perspectives de croissance de la plupart de
ces pays en termes de contraction de la demande, de faiblesse de
l'investissement et de ralentissement de l'activité. Les prévisions de
croissance les plus optimistes pour la zone euro affichent aujourd'hui un très
modeste et très fragile 1% au cours de l'année 2010. Ces perspectives de
croissance ralentie ont déjà été à l'origine d'une baisse sensible des prix
pétroliers au cours des dernières semaines : autour de 70 dollars le baril
durant la seconde semaine de juin contre 80 dollars moins d'un mois auparavant.
La valeur refuge du pétrole perd de sa signification pour les investisseurs
quand le dollar est fort. On observe depuis longtemps et en particulier depuis
la création de l'euro une tendance à la baisse des prix dans un contexte de
dollar fort.
Une prolongation, voire d'aggravation de la crise, une chute
sensible des prix pétroliers ne serait pas à exclure. Pas besoin de conclure
que l'Algérie aurait beaucoup à perdre dans ce cas.
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Posté Le : 15/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Taleb
Source : www.lequotidien-oran.com