Algérie

Le Maghreb des insultes que nous lèguent les aînés



Topos sur les frontières maghrébines: elles séparent l'Algérie du Maroc, la Tunisie de la Libye et la Libye de l'Algérie avec l'Algérie face à la Tunisie. En deux décennies d'union, les régimes de la région ont érigé de véritables bunkers identitaires dans la région. Soucieux de se fréquenter au nom de peuples qui ne doivent pas se fréquenter pour s'unir contre eux, les régimes du Maghreb ont donc réussi. Aujourd'hui, même après les révolutions, les peuples du Maghreb se détestent. Poliment ou ouvertement ou irrationnellement ou même sans raison d'ailleurs. On l'a vu et on le voit avec le match de foot Algérie-Libye. Ou bien Algérie-Maroc ou avec d'autres compositions. C'est un peu le versant du populisme ambiant: il y a un an, on a diabolisé les Libyens aux yeux des Algériens pour que les Algériens ne bougent pas. Le vent est passé mais les pierres de la lapidation dont restées. Aujourd'hui, trois décennies après la guerre des sables, trois autres après la «mort» de Bourguiba ou un an après Kadhafi et 32 ans après Boumediène, il est né au Maghreb des peuples qui ne se connaissent pas, se détestent, se haïssent, s'excluent, se méprisent et s'insultent. Le but de la vraie UMA des régimes est donc atteint. Des murs sans fin se sont élevés entre les peuples du Maghreb. Et on est si loin de l'époque des solidarités, de luttes contre les colons et la colonisation que cela paraît invraisemblable aujourd'hui de raconter à un Algérien jeune que sans les Tunisiens et les Marocains, la guerre de Libération algérienne aurait été peut-être impossible.
Et c'est presque ce qu'a voulu l'histoire tronquée de chaque pays, les élites politiques qui ont fait hériter aux jeunes générations leurs haines personnelles et pas leurs naissances communes. Aujourd'hui, les frontières du Maghreb sont partout entre les uns et les autres et on persiste à ne pas les voir et les admettre, sous le folklore de Oukhouwa, alias la Fraternité des peuples frères. En réalité, il y a si peu de circulation de livres, d'idées, de journaux, de troupes entre les pays dits de cette union par le haut.
Pour l'Algérien, le Libyen est traître de lui-même, le Tunisien fourbe, le Marocain ennemi éternel et le Mauritanien invisible et inconnu. Pour les autres, l'Algérien est colérique, violent et sans civisme. L'album familial de la région se résume à une collection de préjugés quasi racistes. Et là, il ne s'agit pas de simples radotages de voisins de pallier que la proximité ne permet pas d'éviter, mais des «politiques» collectives de séparation et d'apartheid. Les nouveaux Maghrébins ne connaissent presque rien les uns des autres, ni de leurs histoires respectives, leurs leaders, guerres et luttes. Ni de leur humanité ou de leurs échecs. L'idée de «l'Etoile nord-africaine» n'est plus qu'un tatouage d'ancêtres.
La colonisation semblait unir plus les Maghrébins que les indépendances. Et le pire c'est que ces «frontières» vont en se creusant et s'élargissant avec le temps et les propagandes. On s'imagine avec peine les temps futurs et les guerres à venir. On continuera à s'insulter longtemps après la fin des régimes qui se saluaient par-dessus nos têtes en nous poussant à nous insulter les uns les autres. Les frontières dessinées par les décolonisateurs sont parfois plus tragiques que celles dessinées par les colonisateurs.


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