Algérie

Le LMD architecture, sans être nécessaire est déjà une réforme avortée



Est-ce que nous savons plus que les autres quand nous sommes enseignants à l?université ? C?est cette question qui est à l?origine de mon malaise d?enseignant depuis que je suis revenu en Algérie et que je suis confronté à une réalité malheureuse, où les réformes bâclées sont à la fois cautionnées par le silence des uns et la complicité des autres. La motivation que j?avais au départ est condamnée à s?épuiser devant le désengagement des chercheurs qui croient penser et qui ne font pas, qui désapprouvent sans jamais proposer, qui médisent dans les couloirs en faisant croire qu?ils critiquent objectivement. L?université me semble être aujourd?hui l?espace de ceux qui ne savent pas faire, le théâtre des frileux qui confondent ancienneté et compétence professionnelle et qui sont pour beaucoup dans les manques qui affectent la formation de nos cadres.Cette critique pour ne pas dire ma médisance, aussi, a pour fondement l?état des magisters qui sont soutenus au sein de nos départements, selon des logiques de bureaucratie et de clanisme qui crèvent les yeux, et qui ne respectent pas la déontologie la plus élémentaire de la recherche : le partage du savoir. Ces mêmes magisters servent de cartes d?accès aux uns et autres à l?enseignement dans une politique globale de réduction des taux de chômage des universitaires. D?où la déchéance de l?enseignement dans notre pays.Il est clair que cette situation arrange plus qu?un, car la recherche, laquelle nécessite théoriquement parlant, un budget important, ne répond pas à une demande ou à un appel d?offres. Elle affecte de manière grave notre département d?architecture d?Oran, je suppose d?ailleurs comme les autres départements du territoire national, où l?arrivée du LMD en voie d?être imposé à l?ancienne par le CPN (Comité Pédagogique National) s?apprête encore une fois à s?inscrire dans le prolongement des vicissitudes de l?ancien système.En effet, à ma grande déception, je constate à travers une expérience bien personnelle, que le LMD est une réforme avortée. Les grands discours qui ont fait sa gloire prématurée, se taisent devant les enjeux des pouvoirs d?influence et la crainte de ne pas se rallier au choix national. Pire, certaines réformes sont mises en place pour être suspendues en pleine année scolaire. Mais le fond de la question n?est pas là. Il est dans cette fâcheuse habitude que nous avons de nous écarter de l?essentiel.Le LMD devait être pour nos départements d?architecture l?occasion idéale à saisir pour se démarquer par la qualité de ses programmes quitte à commencer l?expérience avec des manques, à encourager l?affirmation des spécificités des besoins locaux, et à dégager par là les véritables critères de ce qui doit être demain un pôle d?excellence. Cependant, la question ne se situe pas seulement à ce niveau. Avons-nous vraiment besoin d?un LMD dans un département d?architecture ? Encore plus. Ne sommes-nous pas très en retard en refusant d?accorder l?autonomie à nos départements sachant que nos écoles d?architecture dépendent de facultés qui ne comprennent pas les spécificités de l?architecture ? Tentons donc de répondre à ces questions.1- En France, l?intérêt que les structures d?architecture et d?urbanisme affichent pour les sciences humaines est arrivé après de longues décennies d?agissement sur la réalité afin d?en faire un produit heureux. Le drame de l?Algérie, c?est qu?elle ne reprend pas l?expérience des autres depuis leurs débuts ni après avoir assuré une réussite quelque part. Elle préfère les parcours de raccourci qui induisent en erreur et accentuent la confusion. Ce n?est qu?en ce sens que la technique, importée et qui n?est pas maîtrisée, est à l?origine du chaos qui règne dans nos têtes et dans notre environnement en proie de dévastation quotidienne. Et c?est dans cet ordre d?idées qu?il nous semble que l?enseignement de l?architecture doit reposer, principalement, sur l?expérience que transmet le maître au disciple, sur sa capacité à faire legs de son savoir-faire ainsi que de sa sensibilité aux changements contemporains et sa prédisposition à les absorber et à les digérer. L?architecte est un homme d?action qui doit agir sur une réalité en vue d?en faire un environnement de vie décent pour l?homme.L?architecture n?est pas une science exacte, quand même la technique et son usage semble occuper en son sein une dimension importante. Car l?architecte n?utilise pas seulement des matériaux, il leur donne la capacité d?exprimer en mettant en enjeu sa capacité d?être honnête vis-à-vis de sa propre progéniture. Son aptitude à ne pas recourir systématiquement au pastiche, à la décoration, aux formes superflues, au travestissement pour donner l?illusion que son bébé est beau. Par exemple, selon Nils Peter, « Prouvé refusa, tout au long de sa vie, de concevoir un objet en ne considérant que son aspect formel. La physionomie de l?objet devait toujours refléter le processus de création ». Aussi, l?expression est ce pari simple mais difficile qu?un architecte exceptionnel de notre ville, Oran, Mr Silarbi Hamid a remporté haut la main. Ces maisons, particulièrement celle de Bousfer, sont un havre d?émotions. Ce sont des roses dans un océan d?épines.Cet architecte nous a déclaré récemment : « C?est très difficile de former des architectes dans un environnement où il y a un excès et une boulimie de laideur ».2- De ce discours, il ressort que l?architecture est un savoir de nature plutôt empirique, et qu?il repose dans la périphérie sur des connaissances pluridisciplinaires. Nous disons bien que les grands architectes sont des autodidactes. Et c?est vrai pour beaucoup.Néanmoins pour les chefs de file.C?est en ce sens que nous soutenons d?ailleurs que la sociologie de l?architecte n?est pas la sociologie du sociologue. Celle-ci ne peut que renforcer la confusion dans la tête de nos architectes et les empêcher d?agir.La sociologie de l?architecte est celle qui lui permet de faire le plus rapidement possible la synthèse d?une pratique de l?espace sans tenir compte nécessairement de leur aspect traditionnel ni de leur vocation identitaire. L?architecte ne doit pas être dupe pour reprendre le M?zab partout au gré des perversions des idéologies et des incitations des politiques nationales. L?architecte déteste le folklore.Ainsi donc, si l?empirisme est immanent à l?architecture, nous voyons très mal comment peut-on vouloir lui appliquer à tout prix le LMD quand même nous avons produit une mouture pilote pour notre malheureux département. L?arrivée de cette réforme dans notre département témoigne de l?insouciance qu?affichent nos responsables décideurs et les spécialistes qui les entourent vis-à-vis des spécificités des filières. Le doctorat en architecture n?est pas nécessaire. L?architecte qui souhaite le faire peut poursuivre un troisième cycle en urbanisme, en sociologie puisque c?est la mode, en géographie ou en génie civil, c?est-à-dire chez ceux qui nous dominent et nous brutalisent à l?heure actuelle. L?architecte ne doit pas s?écarter de l?essentiel. C?est-à-dire, « construire » selon les propos d?Alvar Aalto qui répondait au critiques des un et des autres : « Je bâtis ». Il doit veiller que son architecture fasse sa révérence à la nature, qu?elle la blesse le moins possible, qu?elle soit majestueuse par son expression.  * Architecte


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