Algérie

Le Lit d'une reine



Cirta, l’an 203 av. J. -C

Elle était restée dans l’ombre des siècles durant, l’histoire n’ayant retenu d’elle qu’un bref passage de souffrance et de trahison. Son nom de fleur, d’étoile, de papillon, Sophonisbe… enchanteur comme la brise qui souffle sur les terres de berbérie, fort comme l’amour que lui portait Massinissa ; ce grand Aguellid qui put réunir autour de lui les plus puissantes et les plus récalcitrantes des tribus berbères pour venir à bout des invasions meurtrières des Romains. Son amoureux et ennemi par le passé puis son roi et mari dans le futur.
Nombreux sont les poètes grecs, romains et autres tels que l’italien Trissino, Montchrestien, Pierre Corneille et Voltaire qui ont fait de sa palpitante vie bien d’actes pour leurs tragédies.
Sophonisbe était la reine d’un autre roi, le vieux Syphax, aussi glorieux, mais qui la perdra dans sa course vers la gloire. Arrivera-t-elle en cette nuit tragique à recoller les morceaux de son histoire ?
Toutefois, en ce jour d’automne de l’an 203 av. J–C, a Cirta, cette capitale de la Numidie , perchée au sommet d'un rocher comme un nid d'aigle, dans cette fameuse Cirta qui avait déjà vu bien des sièges et des cruautés, Sophonisbe tenta d’écrire d’un geste lent et appliquée malgré la nouvelle de la mort de son mari de roi.
Mais qu’écrit-elle donc en cette nuit néfaste, la défaite, la victoire ou ses noces fatidiques ?
La voila pourtant veuve, et à la même heure promise à nouveau au trône de Numidie, mariée à Massinissa qui rentrait triomphant, la tête ensanglantée du mari dans son cortège
Quelles interrogations sur l’écriture de Sophonisbe en cette nuit…

Trop d’évènements pour le frêle corps drapé dans ses soieries, ce poids de l’histoire sur les épaules. La reine ne savait plus qu’en penser. S’affliger de la perte de Syphax, se réjouir de son mariage avec Massinissa… Oh ! Massinissa, son rêve d’adolescente, son guerrier farouche… N’as-t-elle pas aimé autrefois cet homme ? N’était-elle pas sa promise ?
La grande salle du palais de Cirta avait retrouvé son visage des jours de faste. Dehors, les énormes feux flambaient, consumant ce qui restait encore sur le champ de bataille.
Massinissa régnait en maître absolu. Après sa longue traversée du désert, après avoir perdu le royaume de son père Gaia, les successions s’étaient faites dans le sang et la haine, l’obligeant à livrer une lutte sans merci pour récupérer son trône. D’abord contre les troupes de l’aventurier Macetulo qui avait pu rallier à sa cause Syphax qui lui aussi rêvait de régner sur la Numidie et sur le cœur de Sophonisbe.
Il vainquit Macetulo et récupéra le royaume de son père, alors que la lutte avec Syphax ne faisait que commencer. Celui-ci, poussé par Hasdrubal, attaqua et poursuivit Massinissa avec acharnement, l'obligeant à se replier dans les zones montagneuses sans pour autant arrêter les combats.
Le destin allait sans répit le mettre face au roi Syphax. N’est-ce pas lui qui lui usurpa le trône de son père, l’amour de sa vie aussi et le doux sourire de sa bien aimée Sophonisbe ?

Le Carthaginois Hasdrubal, Le père de cette dernière, ne tint pas compte du lien passionnel qui unissait alors le fougueux Massinissa à la délicieuse Sophonisbe. Sa fille n’était qu’un objet entre ses mains. Il préféra la donner en mariage au vieux Syphax l’obligeant ainsi à devenir son allié. Trompé, blessé, Massinissa s’allia alors à leur ennemi Scipion… L’histoire nous apprendra que Massinissa vint à bout de Syphax dans cette ultime bataille. L’imminence de la guerre en Afrique se précisant, allait obliger les deux monarques à revoir leurs stratégies ; Hasdrubal allié de Syphax contre en échange de sa fille Sophonisbe et, pour récupérer le royaume de son père réduit par Syphax, Massinissa se rangea aux côtés de Scipion, le romain.
Ce soir tout était oublié… juste cette nuit l’Aguellid eut enfin droit au repos. Hélas, le messager qui se hâtait vers sa demeure, se frayant un chemin parmi les guerriers qui festoyaient, avait le regard sombre et n’était autre que le lieutenant de Scipion, Laelius. Ce qu’il apporta au roi n’était guère réjouissant.
Le palais était obscur se soir-là. Massinissa se reposait auprès de sa bien aimée, cheveux défaits enveloppée dans ses bras. II était encore amoureux, complètement épris. Il n’avait pas hésité de la prendre pour épouse le soir même où la cité tombait entre ses mains. Il l’aima cette nuit jusqu'à se confondre avec elle, se confondre en elle, il n’espérait qu’une chose, la garder auprès de lui….. Or, ce que Laelius lui apporta de nouvelles allait le jeter dans le désarroi. Sophonisbe avait vu sa destinée dans le regard noir de Laelius. Celui qui allait devenir un puissant souverain, régnant sur l’Afrique du Nord et imposant son autorité depuis la frontière Tunisienne jusqu'à la Moulaya , allait connaître une autre défaite… encore une… la plus pénible. L’enjeu, encore une fois, était sa belle Sophonisbe.
Scipion veut l’exhiber lors de son prochain triomphe.

Elle tourna son visage impassible vers son roi et époux, d’une voix digne, elle lui dit : « J'ai cette consolation dans mon infortune, qu'ayant toujours eu une haine inconciliable pour la tyrannie romaine, j'ai du moins l’honneur de n'avoir été captive que d'un Numide, et qui se trouve être mon mari et mon libérateur, non pas comme esclave mais maîtresse absolue de son âme. Allez donc mon cher, ne manquez pas de tenir votre parole à l'infortunée que je suis. J’attends ma liberté »

Le poison obtiendra la femme, princesse déchue, reine perdue… la haine… l’amour… Sophonisbe avait absorbée la coupe de poison le soir même de ses noces.




j'aime beaucoup ce texte, et j'ai été sur le blog de nassira Belloula, j'ai vu que ce texte a été extrait d'un livre intitulé Djemina, est-il en vente dans les librairies? de toute manière Nassira Belloula écrit vraiment bien et j'aimerais la lire souvent, merci à sopho d'avoir mis ce texte sur notre site
nadia rahem - prof
17/10/2007 - 473

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