Algérie

Le labyrinthe Algérie



Une nouvelle année de silence s'achève. Un silence qui intensifie le flou et l'incertitude. 2019 s'annonce compliquée. A quelques mois de l'échéance présidentielle, la confusion persiste. Debrief d'un silence et d'un flou sans précédent.Le président Abdelaziz Bouteflika a signé hier, au siège de la présidence de la République, en présence de hauts responsables de l`Etat et des membres du gouvernement, la loi de finances 2019. Le cadrage macroéconomique retenu pour l'exercice 2019 table sur un prix du pétrole à 50 dollars le baril, un taux de croissance de 2,6% et un taux d'inflation de 4,5%.
Sur le plan budgétaire, la loi prévoit des recettes de 6508 milliards de dinars (mds DA) dont 2714 mds DA de fiscalité pétrolière. Quant aux dépenses budgétaires, elles s'élèveront à 8557 mds DA, en légère baisse par rapport à celles de 2018. Concernant le budget de fonctionnement, il est estimé à 4954 mds DA.
Cette loi, dont l'entrée en vigueur est prévue le 1er janvier, est établie sur la base d'un baril de pétrole à 50 dollars. Ce 27 décembre fut donc la dernière apparition du chef de l'Etat pour cette année 2018. En termes de sorties médiatiques, le président de la République, affaibli par la maladie, étaient de plus en plus rares.
Une petite rétrospective s'impose. Le 9 avril dernier, Abdelaziz Bouteflika a procédé, lors d'une visite dans la capitale, la première depuis le début de l'année 2018, à l'inauguration de la mosquée Ketchaoua après sa restauration. Au niveau de la place Ibn Badis où est érigée cette mosquée historique, le président Bouteflika a, d'un geste lent, salué la foule.
Il a par la suite inauguré les deux nouvelles extensions du métro d'Alger reliant la Grande-Poste à la place des Martyrs et Haï El Badr à Aïn Naâdja. Le 15 mai dernier, le président avait inauguré la zaouïa Belkaïdia, du nom d'une confrérie soufie algérienne, située dans la localité de Tixeraïne, commune de Birkhadem, dévoilant une plaque et prenant part à une prière en compagnie des dignitaires de la confrérie.
Le chef de l'Etat s'est ensuite rendu à la Grande Mosquée d'Alger afin d'effectuer une visite d'inspection. Le 5 juillet, il s'était recueilli au Carré des martyrs du cimetière El Alia, à Alger, à la mémoire des martyrs de la Révolution du 1er Novembre 1954, et ce, à l'occasion du 56e anniversaire de l'indépendance.
Le 1er novembre, l'ENTV a diffusé à l'occasion de la célébration du 64e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale les images du président Bouteflika au Carré des martyrs du cimetière El Alia, à Alger. Vêtu d'un manteau et coiffé d'une toque de fourrure, le président Bouteflika avait le visage «fatigué».
Avec des mouvements lents, il a salué les principaux personnages de l'Etat, dont le vice-ministre de la Défense, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, plusieurs ministres et les présidents des deux Chambres du Parlement.
Lors de cette cérémonie, aucune parole n'a été prononcée, hormis celle de l'imam présent sur place. Le 29 novembre, à l'occasion de la tenue de la rencontre gouvernement-walis, à Alger, un message du chef d'Etat est lu en son nom par le secrétaire général de la présidence de la République, Habba Okbi.
Durant cette année, le président de la République a également brillé par ses absences. Tout récemment, le chef d'Etat, alité du fait d'une grippe aiguë, selon un communiqué de la présidence, n'a pas pu recevoir le prince héritier d'Arabie Saoudite, Mohamed Ben Salmane, en visite de travail en Algérie.
Alors que les appels pour un 5e mandat se succèdent, à l'image de celui lancé par le coordinateur du FLN, Moad Bouchareb, prononcé, dans le cadre de la campagne de soutien au candidat FLN aux sénatoriales, qui assurait : «Nous soutenons le président Bouteflika sans hésitation ni complexe. Son programme ambitieux s'inscrit dans la continuité, dans un contexte marqué par la paix et la sécurité.
Les programmes du président Bouteflika ont rendu leur dignité aux Algériens», le doute plane toujours sur une éventuelle candidature du président sortant. Pis encore. A quelques mois de l'échéance présidentielle, aucune candidature «sérieuse» ne pointe à l'horizon. Et si on faisait le bilan de ces 20 dernières années d'abord ' Pour Amar Ghoul, président de Tajamou Amel El Djazaïr (TAJ), il est plus que positif.
«Le programme du président tracé depuis 1999 et tous les projets réalisés sont là, aujourd'hui, pour témoigner de la sincérité de l'homme, de son engagement et sa clairvoyance», a-t-il déclaré il y a quelques semaines devant les militants d'Alger de son parti, en présence de représentants de partis politiques, de l'ambassade de la Palestine et celle du Sahara occidental.
Déprime
De son côté, le politologue Mohamed Hennad ne partage pas cette opinion. Selon lui, un tel bilan devrait englober les trois aspects : politique, économique et social. «Concernant le premier, notre système de gouvernance, au lieu de se réformer, continue de se corrompre. La pratique politique dans notre pays est devenue exécrable où, par exemple, les sièges aux différentes assemblées se monnayent !
Pour ce qui est du second, après une véritable manne financière qui a duré plus d'une décennie, voilà l'Algérie qui recourt à la fausse monnaie, la planche à billets. Les montants ainsi ??prêtés'' de la Banque nationale par le Trésor public représentent, aujourd'hui, une partie significative de notre PNB ! Nous serions mieux avisés de nous attendre à un taux d'inflation aujourd'hui inimaginable», confie-t-il.
Et enfin, en ce qui concerne le volet social, Mohamed Hennad constate une démobilisation grandissante de la société, traduite par une déprime nationale. Selon lui, le citoyen, ne sachant trop où donner de la tête, fait dans la débrouillardise, souvent au mépris de la loi et aussi de la morale ! D'autres ont choisi le chemin de l'exil au péril de leur vie.
Le politologue fait un constat amer : «C'est malheureux de le dire, mais depuis 2011 la situation du pays ne cesse de régresser ! Force est de constater que notre pays continue de naviguer à vue. Ceci dit, il est évident que notre expérience en tant que collectivité nationale est aujourd'hui plus riche.»
Selon lui, le régime politique actuel, craignant pour sa survie, a peur de prendre toute initiative réformatrice. «Il est d'autant plus dans l'incapacité qu'il se sent haï pour son comportement et méprisé pour son palmarès, à tel point qu'il sent que la population veut en découdre avec lui. Aussi, il fait comme cet enfant qui se sent mal aimé se venge en ayant recours au grabuge», conclut-il.
D'un point de vue sociologique, Mohamed Kouidri, professeur de sociologie, de la population et de la famille à l'université d'Oran, affirme que la situation actuelle a fait sensiblement baisser l'attrait de la population pour la politique. «Il y a longtemps que le citoyen s'est ??retiré'' de la politique en comparaison avec la période qui a précédé la tragédie nationale de la décennie noire.
La désaffection pour les élections, en général, a atteint des niveaux improbables au courant de cette décennie, durant laquelle la participation est descendue sous la barre inimaginable des 20%», explique le sociologue. Selon lui, depuis, la remontée du taux de participation est réel, mais sans jamais atteindre les anciens niveaux. «Je le vois chez les étudiants qui étaient à la pointe des débats et de l'activisme politique.
Ce sont eux qui, en dehors des cours, viennent me dire aujourd'hui toute leur désaffection pour la politique», conclut-il. Pour autant, à quelques semaines de la présidentielle, le ministre de l'Intérieur n'a toujours pas évoqué de rendez-vous électoral. Ce silence confirme-il l'impasse '
Hypothèses
Pour Mohamed Hennad, il pourrait rassurer tout le monde et expliquer que ça sera chose faite quand le président de la République aura convoqué le corps électoral. «Mais cela reste la seule explication plausible pour le moment», assure-t-il. De son côté, Fatiha Benabbou, constitutionnaliste, explique que la convocation du corps électoral doit se faire dans les 3 mois. Aujourd'hui plus que jamais, l'éventualité du report de la prochaine présidentielle est énormément évoqué.
A la question de savoir si on pourrait franchir ce cap, la constitutionnaliste Fatiha Benabbou explique que la Constitution ne prévoit pas de prolongement dans une situation normale. Selon elle, pour qu'il y ait prolongement, il faut réviser la Constitution.
«A mon avis, la prolongation du mandat présidentiel ne peut pas se faire par le biais d'un pouvoir limité. Il faut demander à l'auteur de la Constitution, à savoir le peuple, son avis. Cela doit se faire via un référendum. Si ce dernier accepte, il donne à cette décision une caution démocratique.
On introduit alors dans la révision de la Constitution la même disposition que pour le Parlement», explique-t-elle. En effet, l'article 119 de la Constitution stipule que «le mandat du Parlement ne peut être prolongé qu'en cas de circonstances exceptionnellement graves, empêchant le déroulement normal des élections».
Pour Mohamed Hennad, «il faut ou bien admettre officiellement, sans tarder, l'impossibilité pour M. Bouteflika de rempiler pour un énième mandat ou procéder au report de l'élection prévue en attendant? Il n'y a pas d'autres options». Et s'il y a effectivement référendum, quelle sera la réaction de la population ' Dans ce cas de figure, le sociologue Mohammed Kouidri avoue ne pouvoir que formuler une hypothèse.
Et comme toute hypothèse, elle pourrait être infirmée bien sûr, ou confirmée pour devenir une thèse. «Dans le cas de la tenue d'un référendum, la réponse ira dans le sens déterminé par : 1) le fond et la forme de la question ; 2) le nombre de partis qui s'allieront pour appeler à cette réponse, et leur ancrage parmi la population.
Et là, nous avons les données des scrutins passés et leurs résultats par commune, wilaya, etc. On sait déjà que ce qu'on appelle la majorité présidentielle est traditionnellement très majoritaire dans les wilayas de l'intérieur, plus nombreuses, plus denses et plus conservatrices dans le sens : El Moualfa ouala Ettalfa», conclut-il.


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