Algérie

Le labyrinthe administratif de la réconciliation



Avocats, magistrats et représentants d’associations impliqués dans le traitement des dossiers des bénéficiaires de la charte pour la paix et la réconciliation nationale ont tous affirmé, hier, au forum d’El Moudjahid, que l’étude des dossiers se poursuit le plus normalement du monde. Mais cela ne se fait pas sans pépin, précisent les concernés.

Le représentant de la cellule des tribunaux d’Alger chargé d’appliquer les textes de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, Azzi Merouane, a indiqué lors de son intervention que les membres de la cellule ont interpellé les responsables du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales pour intervenir auprès de certaines APC qui refusent de délivrer des actes de décès aux familles de personnes disparues, dont les noms sont affichés sur les listes des institutions sécuritaires. «Il y a beaucoup d’incompréhension notamment au niveau des administrations», dira Azzi qui a dénoncé l’attitude de certains responsables de l’état civil au niveau des APC qui refusent d’octroyer l’acte de décès aux familles de disparus, avançant comme argument «l’absence de la date du décès dans les dossiers fournis». Maître Azzi parle d’incompréhension des textes de la part des personnes chargées d’appliquer les lois de la charte, «sinon comment expliquer ce refus alors qu’il est bien précisé dans la charte que la date du décès des personnes disparues sera celle de la date du jugement». Le conférencier explique encore une fois que la délivrance de l’acte de décès des personnes disparues est régie par une loi spéciale qui entre dans le cadre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale et non pas les lois du code de la famille.

Le représentant de la DGSN, l’officier Mourad Koriechi, a indiqué dans le même ordre d’idées que ses services ont établi 1.065 attestations de décès pour des familles de personnes disparues, en indiquant que 1.059 dossiers sont en cours d’étude sur la base d’enquête, «sans parler de certains dossiers qui ont été rejetés» précise-t-il. Mme Benhabylès a évoqué pour sa part, le cas des victimes de la tragédie nationale qui vivent en dehors des grandes villes. «Ce sont les gens de l’Algérie profonde qui ont payé le plus lors des années d’enfer et aujourd’hui, ils ne sont ni orientés, ni soutenus pour bénéficier au même titre que les habitants des grandes villes des indemnités». Mme Benhabylès s’est insurgée contre certaines associations et responsables qui préfèrent passer à la télévision que d’aller à la rencontre des personnes touchées. «Les citoyens de l’Algérie profonde ignorent la loi, ils ne sont pas orientés, ils vivent dans la misère, il faut aller vers ces personnes». Et d’ajouter, «il ne suffit pas de placer les gens dans une salle et les encadrer avec une caméra pour parler de la réconciliation nationale à la télévision». Elle ira même accuser certains cercles occultes de faire des victimes de la tragédie nationale un fonds de commerce politique.

Maître Azzi a indiqué pour sa part que beaucoup a été fait jusque-là et que d’autres dossiers sont en cours d’étude, évoquant le cas des dossiers déjà ficelés dans les wilayas de Médéa et Chlef. Il a précisé en outre que même les familles des mutins des prisons de Lambèze, de Serkadji et de Berrouaghia ont obtenu des actes de décès pour bénéficier d’indemnisation, à l’exception des familles qui ont refusé d’admettre que leurs enfants étaient parmi les groupes terroristes, continuant de plaider pour leur innocence et d’avancer qu’ils sont morts dans les prisons.

Il reste cependant plusieurs cas, tels que les disparus dont les noms ne sont pas affichés sur les listes des services de sécurité, les corps des personnes retrouvées mortes sur les routes dont les circonstances du décès sont restées inconnues et certains prisonniers dont la situation reste en suspens. «Il est du ressort du premier magistrat du pays de décider des mesures qu’il juge adéquates pour le traitement de ces dossiers», précise Maître Azzi.




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