Algérie

Le label local en nette perdition Les «baby-footballers» voient leurs rêves se heurter à la réalité



Trois cent mille (300 000) jeunes licenciés sont recensés par la FAF. Un chiffre énorme qui, s'il prouve bien une chose, c'est que l'Algérie jouit d'un potentiel énorme. 300 000 potentiels talents. Ce qui ne devrait pas poser de problèmes ou des inquiétudes quant à assurer la relève de Essaïd Belkalem et consorts. N'empêche, la vérité est tout autre. Nos jeunes ne connaissent pas le succès escompté une fois arrivés en catégorie sénior (quand ils ont de la chance d'atteindre ce cap). Les joueurs promus montrent souvent leurs limites à cause d'un processus de formation mal structuré où on omet d'encadrer le jeune et lui inculquer les bases d'un football moderne capricieux sur tous les plans. Rien ne devrait être laissé au hasard. L'aspect technico-tactique, l'hygiène de vie, le suivi médical etc... En Algérie, l'essentiel manque. Les aires de jeu. L'histoire de la majorité des «baby-footballers» débute sur des terrains vagues avant de rejoindre le club du quartier ou de la commune en espérant des conditions meilleures, une orientation et un perfectionnement de leur potentiel. En Algérie, les heures d'entraînements des jeunes catégories ne sont pas suffisantes car dépendant d'un planning chargé et des stades communaux que 4 à 5 équipes doivent se partager entre elles et des horaires courts et bien précis. Disons même impossibles. A titre d'exemple, dans la commune de Mohamed Belouizdad, le CREA, le Widad Belcourt et le Rapid Belouizdad s'entraînent sur la pelouse du stade 20-Août-1955. Tour à tour les équipes investissent un terrain qu'elles doivent se partager en deux et parfois même en 3 voire 4 zones. Une remarque que l'ex-sélectionneur des U20 Jean Marc Nobilo n'a pas manqué, en son temps, de relever : «Le fait que4 équipes s'entraînent sur un même terrain est alarmant, les aires de jeu sont des infrastructures fondamentales pour
le développement du football.» Le technicien avait aussi éprouvé toutes les peines du monde à trouver un gardien pour la sélection. A l'époque, il avait déclaré : «J'ai observé 200 gardiens à travers tout le pays... Mais il y a une grosse, grave déperdition. Les Joseph Antoine Bell, il n'y en a plus. Je prends l'exemple de la Côte d'Ivoire, il y a quasiment 20 joueurs qui jouent la Champions League et le gardien de cette équipe évolue en Belgique ['] Il faut revoir la formation à ce niveau-là.»

La FAF se rend à l'évidence
Ce qui est sûr c'est qu'en Algérie il y a de la valeur. La pâte. Mais elle est restée en l'état. A l'état brut. Sans être malaxée ni travaillée. Cependant, il est évident que la fédération a envie d'avancer tant sur le plan administratif que sur le plan technique vers le football professionnel et moderne. En parallèle, le manque de projets et de philosophie de formation chez les présidents des clubs sont visibles. Un centre de formation est un vivier de jeunes talents à domicile et c'est sans doute la clé du succès. Entre tendances modernes et exigences actuelles, ailleurs, la route vers la gloire commence dès l'âge de 9 ans. Avec toujours le même système de bas en haut. Certes, la créativité, le talent à l'état pur, intrinsèque, fait partie de la culture chez certains mais il y a des choses qui s'apprennent et se perfectionnent. Un footballeur est avant tout un athlète qui doit être encadré et suivre des étapes auxquels les spécialistes en la matière l'astreignent. Le premier homme de l'instance footballistique algérienne, M. Mohamed Raouraoua, et ses collaborateurs, interpelés par les déroutes fréquentes des jeunes catégories avec notamment cette dernière déconvenue de nos U20, ont compris que le mal est
profond et que beaucoup de choses doivent être revues. La CAN de Aïn Témouchent avait tiré l'alarme pour la énième fois. Le natif de cette même ville, Saïd Haddouche (instructeur et responsable de formation), a été désigné, le 8 juin dernier, à la tête de la DTN. Son objectif : mettre en place une structure afin d'assurer une bonne assise et de permettre ainsi aux sélections (de jeunes en particulier) de fonctionner correctement et dans la durée. Par ailleurs, il n'y pas que les équipes nationales et leur structures qui doivent être revues. Une sélection est avant tout composée d'entraîneurs mais de joueurs surtout. Le label local, à quelques exceptions près, semble avoir du mal à s'imposer chez les Verts. Si les Fennecs «seniors» peuvent compter sur nos expatriés, les jeunes catégories doivent faire avec un produit 100% du cru et ça donne les résultats que tout le monde connaît. Aujourd'hui, le football chez les jeunes n'est plus une partie de plaisir qui se pratique sur un terrain vague. C'est vrai que tout débute sur le terrain de quartier mais le joyau doit être forgé dans tout autre type de football. Celui du haut niveau.

Trop de quartier tue le ... «cartier»
Les terrains de proximité et l'organisation fréquente des matchs inter-quartiers, s'ils permettent aux petits footballeurs d'améliorer et d'enrichir leur palette technique notamment, ne vont pas, comme on le sait, sans retombées néfastes sur le parcours de l'écrasante majorité dont l'ambition s'arrête au moment où, ailleurs, commence (en Europe par exemple avec qui la comparaison ne s'impose pas) celle des nantis ou des plus chanceux, qui grâce à un coup de pouce, qui par la grâce du destin, atterrissent dans un club avant de faire leur petit bonhomme de chemin en franchissant avec succès tous les paliers d'âges. Ces terrains ressemblent souvent à ceux du «futsal», ce qui permet aux jeunes de parfaire leur maîtrise technique surtout, en jouant dans un espace aux dimensions réduites souvent avec des équipes composées de 4 joueurs et d'un gardien de but. Ces «ateliers» où les jeunes talents sont forgés, sont un
véritable gisement aux inépuisables réserves, sauf qu'à un moment donné, ces lieux où l'on apprend ces gris-gris et ces dribbles chaloupés au nom du «Freestyle» et les gestes techniques avec lesquels on défie ses amis sur ces mini terrains, peuvent avoir une influence négative sur les joueurs arrivés à une certaine tranche d'âge. Ainsi, le côté tactique est mis entre parenthèses (l'indispensable formation toujours) par ces jeunes au moment où l'intégration d'une équipe doit intervenir. Il faut dire que les repères sur un «vrai» stade de football et ceux des stades de proximité ne sont guère les mêmes. Le réel football, celui de nos jours, repose plus sur
l'aspect tactique et la précision des «placements ' replacements» qu'on étudie au centimètre ou au détail près et qu'on inculque aux joueurs exerçant dans les plus jeunes catégories ou dans les écoles de formation qui font cruellement défaut à notre football et expliquent, pour beaucoup, le retard pris par rapport au reste du monde malgré un réservoir en talents de qualité mais mal exploité. Les terrains de proximité peuvent «endormir» ces garçons pétris de qualités qui peuvent se laisser emporter par un type de football complètement à l'opposé de ce qu'on regarde dans les stades ou qu'on suit à la télé à l'occasion, par exemple, de soirées européennes de rêve. Plus spectaculaire, certes, mais qui ne garantit pas la réussite de nos petites stars qui aspirent à se produire devant des milliers de personnes qui, en plus du spectacle, viennent au stade pour voir du vrai football, assister à des matchs avec tout ce que ce jeu requiert, c'est-à-dire un spectacle pur alliant la technique et la tactique. Le football moderne repose plus sur ce dernier élément que l'on n'apprend malheureusement pas dans la «rue», même si cette dernière a enfanté d'authentiques stars de légende qui ont foulé (les Madjer, Belloumi' etc. ont écrit leur destin à partir de cet espace) ou foulent aujourd'hui (à l'image des Messi, Ronaldo, véritables vendeurs de rêves) les différentes pelouses mondiales, la formation reste le seul mot d'ordre pour espérer un jour réaliser ce v'u
d'enfant. Beaucoup de gamins naissent footballeurs, d'autres le deviennent grâce à un détail qui fait la différence: la formation. Si les stades de proximité sont un gisement, les centres de formation, eux, sculptent et finalisent ces petits bijoux qu'on «déniche» pour en faire sortir toute leur brillance et les exposer avec leur juste valeur. C'est ce dont nos jeunes ont besoin. Besoin de prise en charge donc. Entre un processus de formation concrète et moderne ou le bricolage à la peau dure le choix, on le devine, le choix est clair.

M. T.


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