Algérie

Le kharijisme dans l’histoire du Maghreb



Le kharijisme dans l’histoire du Maghreb
L’islam sunnite domine le Maghreb depuis des siècles. Le fait est connu. Ce que l’on sait peut-être moins c’est que, au cours de la tumultueuse histoire de cet Occident musulman, sa prépondérance eut à faire face à des doctrines religieuses et des pouvoirs politiques appartenant à d’autres mouvances de la même religion. A telle enseigne qu’entre les VIIIe et Xe siècles, le Maghreb connut l’existence presque simultanée d’émirats kharijites (Sijilmassa, Tahert, et Tlemcen), l’Etat idrisside du Maghreb extrême, dynastie chiite d’obédience zaïdite et l’émirat des Aghlabides de Kairouan, sunnites vassaux du califat abbasside auxquels succédèrent les Fatimides chiites ismaéliens.

Ce qu’il convient de savoir aussi c’est que l’hégémonie sunnite, rétablie au XIe siècle, fut de nouveau bousculée par l’Empire almohade (1121-1269) qui, maître du Maghreb et de l’Andalousie, prônait un islam rigoriste hostile au malékisme. Toutefois, avant les autres provinces, l’Ifriqiya, devenue indépendante de Marrakech à l’initiative de l’émir hafside de Tunis, Abou Zakâriya (1228-1249), renoua avec le sunnisme malékite. En tout état de cause, de toutes les doctrines jugées hétérodoxes par le sunnisme, la plus ancienne et celle qui allait durer le plus longtemps — du VIIIe siècle à nos jours — au Maghreb, c’est l’islam kharijite. Les origines de cette confession religieuse remontent au premier siècle de l’Hégire (VIIe siècle J.-C.), dans les circonstances dramatiques de la discorde (al Fitna) qui déchira la communauté musulmane entre partisans du quatrième calife ‘Ali Ibn Abî Tâlib, gendre du Prophète, et Mou’âwiya Ibn Abî Soufiyân, un des Compagnons, gouverneur de Syrie et futur fondateur de la dynastie omeyyade. Au cours de de la bataille de Siffin (37/657), un arbitrage suscita le mécontentement d’un groupe de musulmans hostile à Mou’awiya mais, désormais, en rupture avec Ali et ses partisans. On les désigna comme des khawârij, c’est-à-dire ceux qui ont quitté la communauté ; ou, probablement les rebelles, puisque le verbe kharaja ‘alâ, comme le rappelle l’historien Roger Arnaldez, signifie se révolter. En fait, l’expression «khawârij» (kharijites) est utilisée par leurs adversaires, alors qu’eux-mêmes se définissent, nous dit l’historien Béchir Ben Ghazi, comme «Ahl al Da’wa, Ahl al haqq wa al istiqâma» (Gens de l’appel, Gens du droit et de l’intégrité). Les kharijites furent vaincus par Ali à la bataille de Nahrawân en 658, mais leur insurrection se prolongea et, en 668, un dissident de la secte assassina le calife. Les désordres consécutifs à la guerre civile de 680-692, connue sous le nom de seconde Discorde, laissèrent le champ libre à la rébellion kharijite, dont certaines factions réussirent à prendre le contrôle de vastes territoires de Perse et d’Arabie. Affaibli par les dissensions internes puis réduit par les califats omeyyade et abbasside, le kharijisme perdit en Orient son caractère activiste armé.

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