Algérie

Le Kenya a du mal avec sa campagne électorale



Quand retentit le jingle de la campagne, la foule se lève. Hellen Atieno suit le mouvement, se trémousse, à l'unisson du public du meeting à Kisumu, dans l'ouest du Kenya. Pour autant le 9 août, la jeune femme n'ira pas voter. «Je suis juste venue au meeting parce qu'il y a de l'argent», assure cette Kényane de 23 ans, appâtée comme tant d'autres par les fréquents cadeaux distribués pour draguer les électeurs. Sans emploi, l'ancienne poissonnière se dit tellement lassée par la classe politique qu'elle pense rester chez elle plutôt que d'aller voter pour élire le nouveau président, le parlement et les représentants locaux. Son apathie est loin d'être une exception parmi les jeunes, composante essentielle de ce pays d'Afrique de l'Est. Trois Kényans sur quatre ont moins de 34 ans, selon des chiffres officiels, et beaucoup parmi eux se détournent d'un jeu politique qu'ils jugent vicié par la corruption.Ils sont 5% de moins comparé à 2017 à s'être inscrits sur les listes électorales cette année, contrairement aux plus de 35 ans dont le nombre a augmenté, indiquait en juin la commission électorale du Kenya (IEBC). Le 9 août, 22,1 millions d'électeurs sont appelés aux urnes, dont un peu moins de 40% de jeunes, selon l'IEBC.
«Sale jeu»
Pour les séduire, les candidats distribuent tee-shirts, casquettes, parapluies voire de la farine de maïs - l'aliment de base dans le pays - à quiconque assiste à leurs meetings.
Les petites coupures coulent aussi à flots, et le ministre de l'Intérieur Fred Matiangi a même évoqué mercredi une «pénurie» de billets de 100 et 200 shillings dans les banques. Ces pots-de-vin, pourtant passibles d'une amende pouvant aller jusqu'à 2 millions de shillings kényans (environ 17.000 euros) et six ans d'emprisonnement, n'ont rien de nouveau. Mais l'inflation galopante, exacerbée par l'impact de la guerre en Ukraine, et le chômage ont aiguisé les appétits.
Boucher de 19 ans, Brian Denzel enchaîne les meetings ces dernières semaines, plus avide de billets que de débats politiques, synonymes selon lui de «sale jeu». «Qui va rejeter l'argent facile qu'ils distribuent'», soupire-t-il, debout dans la queue pour toucher les 200 shilli
ngs kényans (environ 17 centimes d'euro) donnés par un homme politique local. Le positionnement des jeunes électeurs est une des inconnues du scrutin. La jeune génération, réputée moins encline à voter sur la base d'appartenance tribale, pourrait apaiser les tensions politico-ethniques qui secouent souvent le Kenya en période électorale, veulent croire des analystes.
Bien que moins centrés sur les questions communautaires, les jeunes paraissent toutefois dépourvus de «stabilité idéologique» et de convictions politiques, selon l'analyste politique Francis Owuor. «Tout le monde (est) à blâmer pour ça, tant la population que les dirigeants, mais les dirigeants sont aux responsabilités, c'est donc en grande partie de leur faute», estime-t-il.
Désillusion
Deux candidats sont favoris dans la course à la présidence: le vice-président actuel William Ruto, 55 ans, et Raila Odinga, 77 ans, vétéran de l'opposition soutenu depuis 2018 par le chef de l'Etat sortant et son parti. Si tous deux acceptent les résultats à l'issue du scrutin du 9 août, ce serait une première depuis 2002. Les contentieux post-électoraux sont en effet récurrents depuis l'instauration du multipartisme fin 1991 et nourrissent une désillusion certaine, en particulier chez les jeunes.


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