Algérie

Le juteux business des cours particuliers



Le marché informel des cours de soutien
Le professeur de soutien scolaire est un spécialiste en la matière, qui est appelé à adapter le contenu de ses cours selon les besoins et les attentes de l'élève.
Comme l'économie parallèle, ce marché informel des cours de soutien constitue un fait réel et durable et se place comme une école parallèle, aussi bien à l'école publique qu'à l'école privée réglementée. L'Algérie est en passe de devenir une championne incontestable et indétrônable en matière d'activités informelles. Après le commerce informel qui gangrène notre économie, nous voilà aujourd'hui submergés par un autre phénomène, ou plutôt un autre fait réel, qui touche de plein fouet notre société: «Le marché informel des cours de soutien». Oui, il s'agit bel et bien d'un marché! D'un créneau de travail en noir, à ciel ouvert, qui n'est pas sans conséquences négatives sur notre système éducatif. Il serait judicieux de rappeler que les cours de soutien ont toujours été un instrument pédagogique pour venir en aide aux élèves en difficultés. Il n'est pas professeur de soutien scolaire qui veut. Le professeur de soutien scolaire est un spécialiste en la matière qui est appelé à adapter le contenu de ses cours selon les besoins et les attentes de l'élève. Pour adapter le cours particulier à un élève, l'enseignant en mathématiques, en physique-chimie ou en sciences naturelles doit impérativement évaluer les compétences et les lacunes de l'élève. Les cours de soutien scolaire sont en général efficaces lorsqu'un travail de fond sur les méthodes d'apprentissage est effectué. L'enfant doit en effet être motivé par ces cours. Il doit voir cela comme une opportunité et non pas comme une surcharge dans son emploi du temps, surtout s'il s'agit d'un collégien ou d'un lycéen. Or, ce qui se fait sur le terrain est loin de répondre à tous ces critères, d'où la nécessité de se pencher aujourd'hui sérieusement sur ce «phénomène» des cours de soutien. Ce business au noir ou ce marché informel qui ne concernait autrefois qu'une minorité d'élèves ou les seules classes d'examen, voit aujourd'hui sa généralisation étendue à tous les paliers et niveaux de l'Education nationale.
Cette pratique de cours de soutien comme disposée sur cette école parallèle, ne sert qu'à rassurer les parents. Ceux-ci servent de substitut familial à des parents trop occupés par leur travail et ils viennent compléter l'enseignement public fragilisé. Ce «parcoeurisme» ne permet même pas de former les élèves. Il développe des réflexes de dépendances et d'assistanat. Il fabrique une machine à résoudre les exercices sans même comprendre les notions de base du cours dispensé. Au-delà de leur caractère «non pédagogique» et non productif, ces cours se déroulent dans des appartements, des caves, des garages ou terrasses d'immeubles et autres réduits, avec le consentement des parents gagnés par l'angoisse scolaire entretenue par un système de notes, de classement, d'examens et de menaces de redoublement et d'exclusion.
Une pratique informelle
Ce qui est aussi scandaleux, immoral et inacceptable, c'est le fait que des élèves soient soumis au chantage de leurs enseignants qui les obligent directement ou indirectement, selon les cas, à prendre des cours payants et attribués par un gonflement de notes. Un racolage en milieu éducatif en somme. Un système marchand qui «pérennise et accentue les inégalités de chances dans le milieu scolaire». Comme un marché dont les prix de la marchandise oscillent entre l'offre et la demande, la grève illimitée du Cnapeste a fait exploser les prix. L'angoisse scolaire a déréglementé ce marché par une forte demande, ce qui a fait doubler pratiquement les prix. A combien est estimé ce marché informel' Une question à laquelle on ne peut pas répondre avec précision, mais si l'on tient compte des déclarations des parents d'élèves et des résultats de notre enquête sur le terrain, il s'avèrera qu'il s'agit d'un marché coûteux qui échappe entièrement à la réglementation fiscale. Aujourd'hui, deux élèves sur cinq suivent des cours payants au primaire, et deux élèves sur cinq au collège et trois sur cinq au lycée, soit une moyenne de 7/15 de nos élèves qui optent pour ces cours payants. Une moyenne de calcul de base qui serait largement en deçà de la réalité. Ce qui donne un taux de près de 50%. Soit 3,7 millions d'élèves sur un total de 8 millions d'élèves suivent des cours de soutien payants. A raison de 3000 DA par élève/mois, ce qui est loin du prix moyen déboursé par les parents d'élèves, ça nous donne un chiffre de 1100 milliards de centimes par mois, soit près de 8000 milliards de centimes par année scolaire. Une véritable niche fiscale qui échappe au fisc dont les conséquences sont désastreuses pour notre système scolaire. Notre enquête sur le terrain fait ressortir des paies trois à quatre fois plus grandes que le salaire que touche l'enseignant à son poste.
Ahmed Tessa: «Des pratiques antipédagogiques...»
Selon les déclarations de quelques enseignants, le dernier d'entre eux touche au moins 15 millions de centimes par professeur/commerçant en temps normal, une somme qui est doublée en temps de crise comme celle que traverse notre secteur de l'éducation en cette période. Pour Ahmed Tessa, pédagogue et auteur, «les pratiques de ceux qu'il qualifie, pour une petite partie d'entre eux d'«en...saignants», ou plutôt enseignants/commerçants» qui «prennent en otage des familles», sont bien partis pour hypothéquer les efforts de la ministre de l'Education dans le redressement de notre système scolaire», a-t-il souligné avant d'expliquer «ce phénomène induira inévitablement des réflexes de dépendances et d'assistanat chez nos élèves. «Ainsi formatée au logiciel du dopage intellectuel à base de parcoeurisme'' et de bachotage'', leur intelligence se retrouve dévitalisée. On les appelle à tort les cours de soutien. Il n'y a aucune notion de soutien ni d'ailleurs aucun cours, du moment qu'il s'agit de résolution d'exercices et de problèmes. Ce sont des pratiques antipédagogiques. La mission de l'enseignant est d'assurer la réussite de l'élève, non seulement la réussite des notes, mais plutôt lui apprendre comment stimuler son intelligence, ménager ses efforts et surmonter les obstacles, hélas certains enseignants ne pensent qu'au gain rapide et facile», a-t-il asséné.


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