Algérie

Le journaliste et le juge



En dix années, Bouteflika n'a jamais répondu à une demande d'interview émanant des journaux de son pays, y compris gouvernementaux ou de privés proches du pouvoir. Une ou deux fois seulement, il a fait allusion à la presse indépendante, mais à l'étranger pour signifier à ses interlocuteurs que l'Algérie dispose de médias libres et donc qu'elle est « une vraie démocratie ». Un bon alibi prêt à l'emploi. Aussi, son appel récent aux journalistes pour l'aider à combattre la corruption ne peut qu'être frappé de suspicion.Pourquoi solliciter l'appui d'une presse qu'il a toujours ignorée voire méprisée ' Il l'a mise sous haute surveillance par le biais de dispositions juridiques pénalisant le délit de presse, comme il est toujours resté de marbre devant tout ce qu'elle subissait comme harcèlement politico-judiciaire. Il a arrimé le pays au lot international des Etats fermés qui verrouillent leur audiovisuel, privant ainsi les Algériens du grand pouvoir journalistique de la télévision.Le président de la République fait dans le mélange des genres, car le meilleur et le vrai rempart contre la corruption est une justice indépendante et forte et non les journalistes.Ceux-ci ne peuvent se substituer aux juges ; tout au plus peuvent-ils dévoiler ça et là quelques affaires. Mais le ciel leur tombe sur la tête dès lors qu'ils osent aller loin, c'est-à-dire toucher aux connivences entre le politique et le monde mafieux. El Watan a été maintes fois lourdement condamné pour avoir mis son nez dans des affaires scabreuses, la toute dernière traitant du trafic de drogue à Oran qui a vu l'implication de hauts responsables dont un général. Pas mieux lotis, au plan de la considération que les hommes de presse, les magistrats subissent davantage le poids de la sphère décisionnelle lorsque des hommes puissants sont impliqués. L'affaire Khalifa l'a démontré bien qu'elle n'a été que la partie immergée de l'iceberg.L'Algérie occupe la 92e place dans le monde des pays les plus touchés par la corruption, mais ses dirigeants se sont toujours contentés de discours moralisateurs ou de campagnes conjoncturelles de dénonciation du phénomène. Pour une raison bien simple : aller au fond des choses, c'est toucher au système qui génère la corruption, c'est-à-dire à la distribution de la rente pétrolière, à la réglementation des marchés publics, aux transactions internationales, aux marchés du foncier et de l'immobilier, au train de vie de l'Etat et des collectivités locales, à la gestion des deniers publics notamment par les lois de finances, etc.Pour les hommes puissants du pouvoir, toucher à ce système c'est se faire proprement hara kiri et aucun d'eux n'a cette vocation, en premier le président de la République qui vient de s'offrir un quinquennat royal.


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