Algérie

Le jour qui passe...



Logique - Il ne faut cependant pas tomber dans l'excès inverse et croire que les anciens sont des entités d'une autre planète.
Ils ont été jeunes eux aussi, ont fait les quatre cents coups pour la plupart, ont eu leurs disques et artistes préférés, ont écouté leur émission favorite à la radio et revu plusieurs fois leurs films favoris à l'écran. Ils ont voyagé, ont vu l'étranger, quelques-uns ont effectué une Omra ou un pèlerinage à La Mecque. Ils ont engrangé durant leur carrière une somme considérable d'expériences dans leur filière et sont encore utiles. Non, nos seniors ne sont pas dépassés par la marche du siècle mais par sa complexité mathématique.
Tout est chiffré et nombre aujourd'hui. La carte nationale a un numéro, le passeport un numéro, le permis de conduire un numéro, le compte bancaire ou postal un numéro, la carte magnétique de retrait un numéro, la sécurité sociale en a un, l'adresse postale ou l'adresse e-mail en ont un et la liste n'est pas close.
A l'e-mail qu'envoient leurs enfants ou leurs petits-enfants à la famille éloignée ils préfèrent le bon télégramme écrit au stylo bille sur un carton à la poste. Au monde virtuel qu'on leur propose sur le micro et sur lequel ils n'ont aucune prise ils préfèrent encore le monde réel qui a toujours régi leur univers. Rien ne vaut le brave facteur du quartier, à leurs yeux.
C'est à lui seul tous les réseaux sociaux réunis. Mais ce qui rend le plus mal à l'aise nos seniors ce ne sont pas tant la machinisation et l'automatisation à outrance de leur vie de tous les jours, mais la perte généralisée et à tous les niveaux de bon nombre de valeurs, ces valeurs qui les ont toujours accompagnés pendant leur vie.
A leur époque le médecin était presque un sorcier, un marabout dont le diagnostic était sacré. Aujourd'hui, pour avoir le bon diagnostic, il faut souvent consulter trois ou quatre médecins en plus d'un généraliste.
Et pour avoir la bonne prescription il faut passer par le bon toubib et le bon diagnostic.
Un médicament porté sur l'ordonnance est en général dépassé ou pire n'existe pas sur la nomenclature. C'est donc la croix et la bannière aujourd'hui pour faire coïncider le bon médecin, le bon diagnostic, la bonne prescription et la bonne ordonnance. Ils observent avec un pincement au c'ur que de nombreux travailleurs en activité ont très rarement le c'ur à l'ouvrage et que ce sont des étrangers payés en devises fortes qui réalisent les plus grands projets qui font la fierté de tous et la leur en particulier. Malgré toutes les commodités informatiques qui rendent la vie plus facile et plus agréable ils observent que l'absentéisme et la corruption dans les bureaux et les entreprises ont encore de beaux jours devant eux et que l'argent est devenu le nerf de toutes les passions. Situés entre une génération qui a trimé dur, très dur pour sortir la tête de l'eau et une génération qui a trouvé la table garnie par ses parents et le couvert tout prêt, les anciens ont souvent ce mot à la bouche ringard et amer à la fois : «Le jour qui passe sera toujours mieux que le jour qui vient.»


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