Algérie

LE JOUR LE PLUS LONG



Je ne vais pas me lancer, dans cet espace de parole, dans des élucubrations historiques. Primo, je ne suis pas historien. Deuzio, le personnage ne m'intéresse pas. Je laisse faire les spécialistes. Je ne vise pas ceux qui, sur la toile, ce « mur des lamentations » moderne, n'arrêtent pas d'émettre un avis de spécialiste sur tout et rien. Chacun est libre de sa parole, c'est vrai. Je le reconnais. Sauf que les anathèmes pleuvent drus, comme un jour de grande averse. Il n'y a pas de sérénité. J'ai peur de ces moments-là ; dès lors, je m'en éloigne. Oui, c'est vrai, je me préserve, parce que je n'ai pas les éléments scientifiques pour être dans la partie. Les jeux sont faits, comme on dit. Et ce, depuis longtemps ! L'Histoire, c'est sérieux. On ne peut pas se permettre d'en faire un débat sur la toile. C'est comme ça que je vois les choses.L'été est là. Oui, il n'y a qu'à lever les yeux vers le ciel pour voir sa couleur. Il semblerait que son premier jour soit le jour le plus long. Quelqu'un aurait-il pris un double décimètre pour le mesurer. C'est quoi encore ce schmilblick ' Perso, je n'ai pas vu la longueur (langueur ') de ce jour le plus long. Je reconnais que le petit écran falsifie tout. Un documentaire soporifique ! Et hop le temps s'abrège drôlement. Je n'ai vraiment pas vu passer cette journée. Tout est relatif, en fait. Il y a des salles d'attente où attendre (la répétition est voulue) est un plaisir. Salle d'attente d'un toubib ' Peu importe ! Alors qu'il y a des salles d'attente où attendre signifie tenter l'éternité. La sueur et les fourmillements sont un moindre mal. Ihi, quand on n'est pas bien dans ses godasses, une seconde se transforme en un temps qui n'a plus de limites. Dire d'un jour qu'il est le plus long me paraît limite. Tout dépend de l'état de la caboche, ce jour-là ! Puis qui a inventé cette histoire du jour le plus long ' Je ne connais pas son nom. Un matheux ' Un philosophe ' Un poète ' Peu importe, le poids d'une heure n'est pas le même chez l'un ou chez l'autre.
Au lycée, j'ai définitivement pris la mesure du temps, notamment lors du cours de mathématiques. Notre bon prof, le regretté Dda Rezki Chougar, si ma mémoire est bonne, devait nous apprendre la géométrie dans l'espace. Waouh, la géométrie dans l'espace ! La classe était larguée, dès le début de la leçon. Quant à moi, hermétique à tout ce qui est maths, j'ai été estomaqué par ce que j'entendais. Je n'arrivais pas à lier la géométrie et l'espace ; alors, que pouvais-je faire face à la géométrie dans l'espace. Ce que je raconte là est vrai. Je ne fabule pas. Je m'en rappelle, des années après. La preuve, j'en parle encore. C'est quoi ce machin ' Tracer des traits dans le ciel ' C'est une affaire de cosmonaute. Que je ne suis pas. Dès lors, il faut faire passer les deux heures de mathématiques. Derrière mon pupitre, je serrais les fesses et je laissais mon esprit vagabonder en dehors de la salle. Important, en faisant attention à ce que le prof ne s'en rende pas compte. Il n'est plus d'heures pour moi, il est question d'éternité. J'ai beau battre la campagne environnante de ma ville natale, cela ne suffisait pas. En ce temps, nous n'avions pas de montre au poignet ni de téléphone mobile. Comment faire pour calculer le temps passé ' Nous attendions la sonnerie. En attendant, le prof s'échinait à expliquer à notre classe la géométrie dans l'espace. Qui suivait parmi nous ' J'étais le premier à être loin de la chose. Si, il y avait un p'tit génie, Youcef Slamani, prix d'excellence chaque année, il était doué dans toutes les matières, un génie vous dis-je, buvait le cours, posait des questions et sauvait l'honneur de la classe. Que devient-il, ce garçon ' En attendant, je mâchais le temps comme du chewing-gum. Ce jour-là, j'ai commencé à avoir un rapport particulier avec le temps. A ce jour, du reste ! Une journée peut se transformer en double, du moment où ma caboche déborde de choses inutiles, comme les souvenirs encombrants. De plus, j'ai entamé mon adversité avec les mathématiques. Rigolo, non '
Puis, allez dire à Lamartine de supplier le temps de suspendre son vol ! Il refuserait, vous dis-je. Oui, le ciel est avare de ses pluies, le lac s'est asséché, le c?ur a pris quelques rides et l'objet du désir est rangé aux rayons des souvenirs d'antan. Voilà pourquoi personnellement j'ai quelques petits soucis avec le temps. Le temps est souverain ; il prend son temps et l'énonce, à sa guise, suivant le ton qui lui sied. Allez, pauvre bipède, fais quelque chose. Bouge ton petit doigt ! L'arthrose est passée par là ; là aussi, le temps a appliqué la sentence. C'est là où un jour, n'importe lequel, peut être le plus long. Une seconde peut être la plus longue. Tout dépend du confort ou de l'inconfort du moment ! Le poète nous vend du vent, il ne peut rien contre le temps. Je vous donne l'exemple de Lamartine comme je peux vous donner d'autres exemples. Elsa est juste un groupe de mots, beaux je l'avoue, qui dit le temps, juste le temps de souffler sur la braise ; qui, au demeurant, s'éteint d'elle-même.
Des amis d'école, l'ENA pour la citer, organisent un déjeuner de retrouvailles des années après. Comme un adieu funèbre. Ça me rappelle la chanson qui dit : «Buvons encore une dernière fois à nos retrouvailles...» Pour se revoir. Se dire quoi ' Ou se redire quoi ' Que nous avions été, il fut un temps. Ah, revoilà le temps et sa cape de vent effaceur de vieilles traces. Le premier visage que je reverrai, je verrai mes rides, les valises sous les yeux, ma bedaine, mes cheveux blancs, le double menton, et une cohorte de souvenirs qui me sort des narines. Oh, non, merci ! Mon miroir, chaque matin, me les énonce fidèlement. Oui, j'ai peur du temps qui passe ; j'avoue ; je le reconnais. Je suis fâché avec le miroir depuis quelques années déjà.
Je ne comprends pas pourquoi d'aucuns tentent de rattraper le temps. Je n'arrive pas à envisager une telle chose. Même si je sais, au fond de moi, que j'ai un rapport compliqué avec le temps. Tu as consommé ton temps, ce qui t'est imparti, cela suffit, tu fais bon c?ur. Et basta ! Respire un bon coup. Et dis-toi que tu as certainement brûlé la bougie des deux bouts. Que cherche-t-on à démontrer, alors ' Qu'on est maître du temps ' C'est du domaine de l'impossible ! Ce n'est pas un appel à l'abandon de tout, du tout, c'est juste un appel à la raison qui veut que le temps prend le pas sur tous. Sur tout. Remarquez avec moi, le temps ne vieillit pas. Il ne prend pas de rides. Il ne s'essouffle pas. Il dispose éternellement de la même vigueur, du même allant et du même entrain. Certains veulent s'identifier au temps. Même les statues les plus solides perdent de leur superbe, quand le temps s'en mêle.
Je ne sais pas ce qui m'a fait choisir un tel sujet. C'est certainement ma manière d'exorciser toute la laideur, prenant visage de la peur, qui me pousse à tenter un peu de philosophie. Tout me fait peur, en ce moment. Prenez la Covid-19, par exemple ! Chaque jour, on nous annonce l'apparition d'un nouveau monstre. C'est quoi encore ce delta ' En finira-t-on un jour avec cette pandémie ' Les pays riches y arriveront, vraisemblablement. Les pays pauvres, quant à eux, iront à vau-l'eau de ce virus ; ils paieront le prix fort pour atteindre l'immunité collective. Le temps fera l'affaire, me dit ma p'tite voix intérieure. Pour une fois, je lui donne raison.
Y. M.


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