Algérie

Le jeu d'équilibriste des pays arabes normalisés


Face à la guerre entre Israël et le Hamas, les pays arabes qui ont normalisé leurs relations ces dernières années avec l'Etat hébreu doivent jouer les équilibristes, pour ménager à la fois leur nouveau partenaire et une opinion publique arabe favorable aux Palestiniens. Leur position risque toutefois d'être de plus en plus «inconfortable» avec la riposte israélienne dans la bande de Ghaza, bombardée quotidiennement, qui s'annonce longue et très meurtrière, estiment des analystes. Au lendemain de l'offensive surprise samedi du mouvement islamiste palestinien en Israël, qui a déclenché la guerre, les Emirats arabes unis, premier pays du Golfe à établir des liens diplomatiques avec l'Etat hébreu en 2020 dans le cadre des accords dits d'Abraham, s'est distingué de ses pairs en la condamnant da façon virulente.»Nous sommes très reconnaissants envers les Emirats arabes unis pour leur position», a réagi la consul générale d'Israël à Dubaï, Liron Zaslansky, en se félicitant de voir les amis de son pays «se tenir à ses côtés». Avec le pilonnage de la bande de Gaza et le siège imposé à ses quelque 2,3 millions d'habitants, le riche Etat du Golfe s'est dans le même temps empressé mardi d'annoncer une aide humanitaire de 20 millions de dollars aux Palestiniens. Les pays signataires des accords d'Abraham - les Emirats mais aussi Bahreïn et le Maroc - disposent d'une marge de manoeuvre «assez étroite» pour ne pas compromettre leur relation avec leur nouveau partenaire, tout en ménageant les opinions arabes, largement acquises à la cause palestinienne, explique Joseph Bahout, directeur de l'Institut Fares de Politiques publiques et d'Affaires internationales à Beyrouth. Ils se retrouvent dans une situation «très inconfortable», et se concentrent pour le moment sur la protection des civils, abonde Cinzia Bianco, spécialiste du Golfe au Conseil européen des relations étrangères. Mais pour Joseph Bahout, «cette position ne pourra pas tenir longtemps la route face aux représailles israéliennes qui sont très violentes». A Bahreïn et au Maroc, qui se sont également contentés de dénoncer les pertes civiles, des manifestations de soutien aux Palestiniens ont été organisés aux premiers jours de l'offensive. Or la mobilisation ne pourra qu'augmenter si le conflit perdure, prévient l'analyste Andreas Krieg, du King's College de Londres.»Même des pays comme les Emirats arabes unis, où il n'y pas vraiment de société civile, doivent veiller à ce que le ralliement du public à la cause palestinienne soit cohérent avec la politique et la communication du gouvernement», affirme-t-il. Au delà des discours de solidarité, l'escalade dans le conflit israélo-palestinien remet en cause l'un des arguments mis en avant au moment de la signature des accords d'Abraham, négociés par le président américain d'alors Donald Trump.»Les normalisations avec Israël ces dernières années étaient dictées par des intérêts nationaux, mais elles avaient été aussi en partie présentées comme une initiative (...) qui pourrait sortir le conflit (israélo-palestinien) de l'impasse», rappelle l'analyste koweïtien Bader Al-Saif.»Il est temps pour ces Etats d'utiliser le capital dont ils disposent auprès d'Israël» pour apaiser la situation et pousser vers une paix, tout comme d'autres Etats sont appelés à le faire avec le Hamas, ajoute-t-il. Alors que les autres pays arabes ont toujours conditionné l'établissement de relations diplomatiques avec Israël à la signature d'un accord de paix et l'établissement d'un Etat palestinien, les accords d'Abraham n'ont pas abordé les questions fondamentales à l'origine de l'instabilité au Moyen-Orient, liées à l'occupation des territoires palestiniens, la colonisation, le statut de Jérusalem, le partage des ressources en eau ou encore le sort des réfugiés, selon des analystes. «L'idée d'une paix économique, d'une solidarité de fait qui se créerait et conduirait à une paix politique s'est avérée utopique», estime Karim Bitar, chercheur associé à l'IRIS. L'escalade devrait mettre la pression en particulier à l'Arabie saoudite, chef de file des pays du Golfe, pressée ces derniers mois par l'administration américaine de conclure, elle aussi, un accord de normalisation.»Les accords d'Abraham sont là pour rester. Mais toute nouvelle normalisation entre les pays arabes et Israël est suspendue dans un avenir proche», conclut la chercheuse Randa Slim, du cercle de réflexion Middle East Institute à Washington.
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