Dans la bande dessinée «hors-Jeu», sortie en 1987, le dessinateur et scénariste de la bande dessinée française, le Bulgare Enki Bilal s'est amusé à imaginer le football de demain. «Des footballeurs transformés en gladiateurs, des intérêts financiers toujours plus importants, des terrains transformés en bunkers».Et bien entendu, pas un seul spectateur dans les tribunes. Nous sommes encore loin de cette vision futuriste du football, mais les matches à huis clos se multiplient en Algérie. Pour le constater, il suffit de jeter un coup d'?il sur les décisions de la commission de discipline de la Ligue de football professionnel (LFP). La saison dernière, plusieurs matches à huis clos ont été décidés. Un autre va sanctionner des millions de supporters dimanche et qui va opposer le MC Alger à la JS Kabylie. Ces sanctions abondent dans le sens d'un dérèglement total de notre football. Que restera-t-il de ce football si la LFP ne met pas fin à ces sanctions qui viennent dépouiller les classicos, et même les autres rencontres de football. Les uns s'élèvent contre ces sanctions, qui n'ont pas de sens si ce n'est d'une très grosse contre-publicité pour le football national.
D'autres regrettent «qu'on en arrive à prendre de telles décisions qui vont à l'encontre de l'essence même du football qui est un évènement populaire, de partage et de fête». On revient souvent à cette déclaration d'un président d'un club français qui disait : «C'est affreux, horrible. Il y a un silence de cathédrale quand on entre sur la pelouse. Il y a un côté irréel. Ça ne ressemble en rien à un match de football. J'ai très mal vécu cette rencontre. C'est dégueulasse.» Des pères de familles rencontrés évoquent l'hypothèse d'ouvrir les portes aux familles accompagnées de leur progéniture et ce, pour profiter d'une rencontre de football tranquille et briser le silence dans le stade, ou alors annuler la rencontre et tout le monde sera heureux. «Continuer à appliquer cette décision, c'est tuer le football, qui n'est d'ailleurs pas très organisé».
Un expert en communication dira, «où sont les responsables des supporters ' Que font-ils ' Eux aussi sont responsables... à la limite, passer à des sanctions financières très lourdes, passer du simple au triple, plutôt que de fermer les stades, c'est une honte, une catastrophe pour ce football?» «En effet, comment expliquez-vous que pour un pétard lancé sur la pelouse, c'est 99% des gens qui sont sanctionné». Et dire que si les joueurs restent quand même motivés, «ils n'ont pas du tout les mêmes repères sonores. Le seul avantage, c'est qu'il est plus facile de donner ses consignes. A part ça, il ne se passe rien. C'est une catastrophe», s'exprimait un dirigeant d'un club que nous avons contacté au téléphone. Sanctionné le MCA, et à la fois la JSK, est-ce normal ' Ou l'inverse. «Je n'ai pas voulu préparer la rencontre comme si de rien n'était.
Ce n'est pas un contexte normal, et j'ai voulu anticiper d'éventuels manques de repères, mes joueurs le savent mais forcément ils ne pourront pas produire un jeu comme si leurs fans étaient là... A la limite, on nous pousse à avoir de très mauvaises idées sur l'organisation ou sur d'éventuelles faveurs, ce n'est pas normale, alors pas du tout normal. Il y a quelque chose qui se trame dans la programmation. Je trouve cela pas du tout normal qu'une rencontre aussi intéressante pour tous, se déroule sans supporters. La LFP aurait pu sanctionner le MCA financièrement ou lors d'une rencontre, qu'elle jugerait peu importante. Bizarre, oui, bizarre et encore bizarre...» Pierre Barthélemy, avocat au barreau de Paris et spécialisé dans la défense des supporters a dit «on ne peut pas demander aux ultras de mettre une ambiance exceptionnelle, de faire de magnifiques tifo mais de ne pas allumer de fumigènes. On peut le demander en théorie. Mais en pratique, c'est ne pas percevoir l'entière de la culture ultra.
Cette culture n'est pas divisible comme un menu au restaurant». Un véritable dialogue de sourd entre les supporters d'un côté et LFP de l'autre. A la Ligue, on nous explique d'ailleurs que «dans les enquêtes d'opinion, les fumigènes sont associés à la violence et non à la fête». A l'heure actuelle, l'emploi des fumigènes dans les enceintes sportives est proscrit mais pour les supporters, les fumigènes constituent un symbole de leur ferveur auquel ils n'entendent pas renoncer. Comment et par quelle porte rentrent ces fumigènes ' Reste cependant que pour les observateurs «un huis clos serait donc contre-productif. «Non seulement cela ne calme pas les supporters, mais cela les énerve et ne permet en rien de réduire les comportements que la LFP entend combattre. Cela nourrit un sentiment d'injustice auprès des supporters qui ont toujours été irréprochables.
Il n'y a jamais eu autant de huis clos, pour autant, il n'y a jamais eu autant de fumigènes allumés. L'efficacité est donc inexistante», a déclaré un président de club. A travers le monde sportif, tous s'accordent à évoquer des raisons économiques pour expliquer leur opposition au huis clos. Un club au budget moyen en Ligue 1 nous a révélé ce que coûte un match privé de tous ses spectateurs. En fonction de l'affiche du match, le manque à gagner est énorme. Ailleurs, en Allemagne, à titre d'exemple, le championnat réputé pour ses stades pleins et festifs, a ainsi interdit en début de saison le recours au huis clos. La Fédération allemande de football recommande dans un communiqué à sa commission de discipline, «de ne plus imposer, jusqu'à nouvel ordre, de sanctions ayant des effets directs sur des fans dont la participation à des infractions aux règlements des stades n'a pas été prouvée».
Une manière de faire payer à la majorité de supporters, le comportement de quelques-uns. Une décision qui fait des envieux du côté des supporters français. Pour Pierre Barthélemy, «on devrait avoir la même sagesse en France et trouver un moyen, en concertation avec tous les acteurs (pouvoirs publics, LFP, clubs, associations de supporters, etc.), de ne sanctionner que les coupables et de ne pas faire payer à tous ces errements. La punition collective est contreproductive. Surtout quand elle n'est accompagnée d'aucune pédagogie».
Un autre document signale qu'il n'existe plus de huis clos en Angleterre, où les stades ont été vidés de leurs hooligans depuis plusieurs années. En Italie, des huis clos ont été prononcés suite à des chants racistes. Ainsi, en 2016, la «Curva Nord» du stade de la Lazio Rome a été fermée au public pendant deux rencontres. Sommes-nous les «champions» du huis clos '
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Posté Le : 14/09/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : H Hichem
Source : www.lnr-dz.com