Algérie

Le Hirak a empêché le 5e mandat mais n'a pas vraiment impacté l'appareil de pouvoir.



8 juin 2019
Hirak 14
07 juin 2019
Nul n'espérait que la sortie du « Président de l'Etat » puisse constituer un moment significatif dans les développements de la phase politique inaugurée le 22 février 2019. La Nation qui n'en attendait rien n'a donc pas été déçue. L'unique information était non-verbale, ce poussif bureaucrate a confirmé, bien malgré lui, un état de santé manifestement préoccupant. Cet homme malade n'a fait que répéter la décision d'organiser des élections présidentielles et annoncer un vague « dialogue » préalable avec des « personnalités nationales ». La feuille de route ? pour employer une formule creuse dans l'air du temps ? édictée par le chef d'Etat-Major demeure la perspective exclusive de sortie de crise. Rien de neuf sous le soleil éteint de l'autoritarisme : le régime ne concède rien, il n'y aura pas de transition vers la démocratie, la constituante ne sera pas et le pays continuera dans la voie de la constitution actuelle taillée pour une dictature.
Le maintien en l'état de l'appareil médiatique de propagande installé au lendemain du coup d'état du 11 janvier 1992 est en soi révélateur du refus déterminé de tout aggiornamento. Ce dispositif est central : chargés de justifier le coup d'état et l'éradication antisubversive, les médias supervisés par la police politique continuent d'assumer leur mission de porte-voix du régime. Ceci d'abord en entretenant, en martelant, le mythe de l'existence d'une scène politique, aussi virtuelle qu'ignorée par la population. Ces médias restent la source intarissable d'un flux constant de pseudo-informations sur des partis fantomatiques, qui comme la presse elle-même relèvent des moukhabarate, et sur les activités pavloviennes d'une « classe politique » formée de supplétifs ou de mercenaires notoires.
On le constate sans mal au fil des arrestations et des jugements de manifestants pacifiques, les organes de répression, justice et polices, fonctionnent sans grands changements. Le pouvoir est concentré entre les mêmes mains. Le régime est immobile, à l'exception notable des effets collatéraux de sa réorganisation interne. Notamment ceux déterminés par l'élimination du groupe d'intérêt dirigé par le général Toufik Mediéne.
Ainsi, si le Hirak né le 22 février 2019 a empêché le cinquième mandat, il n'a pas vraiment impacté l'appareil de pouvoir pas plus qu'il n'a pu libérer les prisonniers d'opinion.
Quasi hermétique aux pressions populaires après le choc initial, qu'il a utilisé pour refonder de nouveaux équilibres, le régime, en dépit de ses contradictions, ne saurait modifier sa structure ou sa culture au risque de se perdre. L'intransigeance de ses chefs, assis sur une organisation sécuritaire et médiatique invariante, est la seule posture possible, elle est non négociable. On voit bien sous cet angle les limites du dialogue envisagé par le président de l'état. D'autant qu'avec les « personnalités nationales » mises en avant par la presse, le régime entend clairement dialoguer avec lui-même. L'opinion n'est absolument pas dupe de ces leurres et n'entend pas « dialoguer » avec les vacataires discrédités du système.
En dépit du rejet populaire, l'on peut observer que le propos du président de l'Etat, comme celui du chef d'Etat-major, demeure formellement lénifiant, sans aspérités, nullement menaçant. Ce discours n'en est pas moins l'expression d'une détermination sans équivoque. Couplé a l'empoisonnement médiatique incessant ce monologue de pouvoir contribue à la fabrication d'un climat politique déprimant et sans perspectives.
La méthode trahit l'objectif : en campant sur ses positions et en comptant sur la lassitude (et la canicule) l'armée espère asphyxier progressivement et à moindre frais le Hirak.
Le léger tassement de la mobilisation dans la capitale, en ce seizième vendredi de contestation, serait-il un premier signe de l'efficacité de cette stratégie de lente strangulation ' Il est bien trop tôt pour l'affirmer.


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