Cette étoffe, symbole de pudeur, a occupé une grande place dans l'identité et la spécificité de l'Algérie, après avoir connu une évolution qui marqua son histoire.
Contrairement aux idées reçues, le haïk n'était pas spécifique aux femmes car ce voile était, du temps des prophètes, porté par les hommes et très apprécié par les plus pauvres d'entre eux, qui trouvaient en lui la double utilité de vêtement le jour et de couverture la nuit.
A cette époque, on lui connaissait différentes appellations, suivant le pays où il était porté. En effet, il était connu au Yemen sous le nom de «borda» (c'est une étoffe à rayures brunes et grises). Dans les pays du Maghreb, on l'appelait «ksa», et en Libye, on le désignait par «barakan».
Au contraire des hommes, qui l'ont troqué contre un burnous à l'arrivée des Ottomans, les femmes ont su le garder à travers les civilisations, en jouant sur sa qualité et la manière de le porter.
En effet, le haïk n'avait pas, à l'époque, l'aspect qu'on lui connaît aujourd'hui. Fait d'un tissu fin, mélange de laine et de soie, il jouait le rôle d'un vêtement ; ayant l'aspect d'une robe longue, il couvrait le corps féminin dans sa totalité et se trouvait retenu par des fibules «bzaïms), dorées ou argentées, passant par les épaules et fixées de part et d'autre sur la poitrine. Une partie du voile était ramenée sur la tête et retenue autour du visage par l'une des mains.
Ce voile blanc, au-delà du côté utilitaire, avait un aspect pratique non négligeable. A l'époque, il préservait la blancheur de la peau de la femme. De plus, il cachait ses bijoux et éloignait d'elle le mauvais œil. Il permettait aussi à la bourgeoise de se démarquer car, en le portant, elle affichait son rang social élevé.
Avec la colonisation de l'Algérie, le sens du haïk changea du tout au tout. D'abord, les fibules qui constituaient sa fantaisie disparurent et il devint une simple étoffe dont en s'entourait le corps, tout en le maintenant à la taille par l'élastique du «serouel». De ce fait, il demandait des rajustements fréquents. Toutes les femmes algéroises le portaient et, d'un symbole de la bourgeoisie, il passa à un «cache-misère» pour certaines.
Cependant, différents types de haïk furent adoptés. Tels que « haïk El-Kssa », filé de laine fine ; l'algéroise de jadis le portait en hiver avec un petit voile blanc, très fin, appelé « El-Aâdjar », dont elle se couvrait la partie inférieure du visage ; dissimulant ainsi toutes ses formes, elle ne laissait voir que son précieux regard. Puis, il y eut « haïk El-Meremma » (ou la fouta blanche) qui est un voile plus léger que le précédent et plus précieux, car tissé de soie pure et rayé de fils d'or et d'argent, pour les plus riches. Il était, quant à la qualité, de premier choix et d'un prix élevé. Ceci limitait la femme moyenne à s'acheter un «haïk demi meremma», dénomination ayant trait au mélange de soie et de satin, ce qui en faisait un tissu de second choix. Néanmoins, il en existait un autre de moindre qualité encore, car il était tissé uniquement de satin et qu'on appelait haïk «sousti». Plus tard, avec l'arrivée d'une nouvelle matière, un nouveau type de haïk apparut sous l'appellation de «haïk Polyester». Il fit le bonheur des Algéroises en hiver.
Enfin, il y avait le «houiek», fait de soie, de «ftoule» et de «guergueffe» (passé plat) et que la jeune mariée portait la veille de ses noces, ne se dévoilant que le jour de son mariage, afin de faire sensation devant l'assistance.
Dans l'histoire du haïk, il ne faut pas considérer seulement son type et sa qualité, mais aussi l'art et la manière de le porter, qui se modifia avec les années. En effet, d'un symbole de pudeur (soutra), il passa peu à peu à un objet de séduction. Certaines femmes se maquillaient et se coiffaient outrageusement et portaient ce voile de manière désinvolte, allant même jusqu'à dénuder une partie de leurs jambes, tout en adoptant une démarche provocante pour attirer, sur elles, l'attention masculine. C'est alors que les familles algéroises de l'époque préférèrent laisser le choix aux jeunes filles de porter ou pas le haïk, lequel a évolué de manière vulgaire ; de ce fait, il ne correspondait plus à l'image sobre et discrète d'antan. Cet habit fut alors de plus en plus souvent délaissé.
Pourtant, il nous reste toujours l'opportunité d'admirer ce voile puisqu'il nous arrive encore de remarquer, dans un souk ou dans une rue, ces rares silhouettes blanches se faufilant, de manière gracieuse et fière, au milieu de la foule, nous rappelant ainsi notre identité et notre histoire.
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Posté Le : 29/09/2007
Posté par : nassima-v
Ecrit par : Debbagh Fifi
Source : www.eepad.dz